Développement

Sur 150 entreprises de construction enregistrées, 30 sont actives

Le secteur de la construction traverse une crise sans précèdent. Les professionnels de ce secteur évoquent trois causes principales qui paralysent le domaine de la construction : la dépréciation de la monnaie nationale, la flambée des prix des matériaux de construction, le gel des investissements, principalement publics.

Vue globale d’un bâtiment dont les travaux de construction n’ont pas été achevés.

Le secteur de la construction est très important dans l’économie d’un pays. Ainsi, il englobe plusieurs activités car il rassemble un large éventail d’acteurs, à savoir : les entreprises de construction, les architectes, les commerçants vendeurs des matériaux de construction, les très nombreuses professions telles : les maçons, les charpentiers, les menuisiers, les peintres, etc. Donc, si le secteur est en difficulté, cela implique que les milliers de personnes qui y travaillent souffrent également.

Un ex-patron d’une entreprise de construction qui faisait la conception des immeubles et le suivi des travaux sur les chantiers nous explique l’état des lieux de son entreprise qui a suspendu ses activités. « J’ai déménagé de mon bureau. Je travaille actuellement en sous consultance avec certains de mes employés. Je n’arrivais pas à payer le loyer pour mon entreprise, car il n’y a plus de nouveaux marchés. J’ai donc été contraint de suspendre mes activités. Je me contente actuellement de prester des services dans d’autres institutions ».

Les entreprises de construction baignent de plus en plus dans une crise économique sans précèdent. D’après Gilbert Nkezabahizi, le Directeur Général de l’entreprise dénommée Système de Collecte des Eaux Pluviales et Bâtiment (SCEP-Bât), il y a peu de nouveaux marchés et les marchés disponibles s’octroient de gré à gré, sans tenir compte des compétences de chaque entreprise, quelle que soit la qualité du travail fourni. Certaines entreprises ont décidé de suspendre l’essentiel de leurs activités ou de changer complètement de secteur.

D’après Léandre Cobashaka, vice-président de la chambre sectorielle du bâtiment et des travaux publics, les entreprises de construction n’ont pas actuellement d’activités. Les maçons, les ingénieurs, les commerçants, tous peinent à maintenir leur business. Il indique que la majorité des entreprises de construction sont actuellement inactives. En effet, sur 150 entreprises inscrites au niveau de la chambre sectorielle du bâtiment et des travaux publics, seules 20%, soit 30 entreprises, s’acquittent de leur cotisation.

Le gel des investissements, surtout publics, qui représentent quelques 90 % de l’ensemble, frappe de plein fouet les entreprises de construction. Ainsi, certaines entreprises mettent au chômage une partie de leurs employés ou diminuent leurs salaires pour assurer leur survie. M. Nkezabahizi indique que suite au manque d’activités, 80% de ses ingénieurs sont au chômage et la plupart de ses maçons ne travaillent plus. Suite à la crise que traverse le pays, nous n’avons plus de marchés et nous avons dû procéder à la réduction de nos effectifs. Une partie des employés est au chômage technique, ceux qui restent font partie du personnel administratif avec des contrats raccourcis eux aussi, témoigne un cadre qui a préféré garder l’anonymat.

Parmi d’autres, un exemple parlant est celui d’une entreprise de construction de Bujumbura qui a vu son activité diminuer progressivement. Entre 2012 et 2015, l’entreprise a conçu 180 immeubles et en a construit plus de 80. Depuis cette année, elle n’en a conçu qu’une dizaine. En outre, le paiement pour les quelques travaux réalisés s’avère difficile. Plus de 40% des créances ne sont pas recouvrées.

D’après certains analystes, les difficultés que connait le secteur de la construction sont liées à la faible croissance économique du pays. Depuis 2015, le Burundi est le seul pays de la Communauté Est-Africaine (EAC) qui a une croissance négative. Le taux de croissance a chuté considérablement pour devenir négatif en 2015 à -4,5 puis à -1,4% en 2016. Nkezabahizi indique que la dépréciation de la monnaie burundaise n’arrange pas les affaires. « Nous pouvons gagner un marché aujourd’hui, mais le temps de le mettre à exécution, la monnaie a perdu considérablement de sa valeur et les prix des matériaux de construction ont augmenté de façon insoutenable.»

Les entreprises de construction essaient de s’adapter pour garder le cap. Certaines entreprises acceptent d’exécuter les marchés aux prix les plus bas en engageant le moins possible de main d’œuvre, comme le témoigne le président de l’association des professionnels du secteur. Nous sommes victimes de la crise qui secoue le secteur de la construction. Il n’y a pas de transparence dans le recrutement de la main d’œuvre. Les entreprises offrent de faibles salaires sous prétexte qu’elles n’ont pas de marchés, regrette un professionnel.

Autre témoignage évocateur : « Nous avons enregistré des pertes énormes surtout pendant l’année 2016. Avant, je parvenais à concevoir 16 immeubles par mois mais, actuellement, j’en fais seulement 8 », explique le directeur général d’une entreprise de construction.

Qu’en est-il des vendeurs des matériaux de construction ?

Les commerçants des matériaux de construction ne sont pas épargnés. Comparativement aux années précédentes, les importations des matériaux de construction ont chuté de moitié. Les commerçants affirment qu’ils n’ont pas de choix, ils subissent la chute d’activités du secteur. Ils doivent réduire la quantité des importations, car leurs clients de la construction sont en difficulté. Selon un travailleur d’un magasin de construction qui a requis l’anonymat, la quantité de tôles importées est passée de 1 150 tonnes en 2014 à 858 tonnes en 2016. En moyenne, les prix des matériaux de construction ont augmenté de 2 000 FBu à 2 500 FBu par pièce pour les tôles et les fers à béton. C’est le manque de devises destinées à l’importation des matériaux de construction provenant des pays de la sous-région tels que la Tanzanie, l’Ouganda et la Zambie, qui explique en partie cette hausse des prix. Les commerçants indiquent que la valeur des importations est exprimée en dollars et que, suite à la dépréciation de la monnaie burundaise, les prix sont revus à la hausse. Un marchand des produits de peinture le confirme, la vente des produits a diminué de plus de 20% en 2015 et ne s’est pas redressé en 2016. Ce qui confirme que le secteur est bien en nette régression depuis 2 ans.

La quantité de ciment importé est en baisse constante au cours des années passées comme le montre le graphique.

Evolution de la quantité du ciment importé de 2006 à 2015

 

Source : Rapport annuel de la BRB.

La réduction des importations du ciment est due en partie à l’augmentation de la production de la cimenterie burundaise BUCECO. Rien que pendant deux ans d’activités, la production annuelle a doublé; passant de 34 500 tonnes en 2011 à 70 500 tonnes en 2012.

En conclusion, si le secteur de la construction est en panne, cela signifie qu’il y a peu d’infrastructures en cours de construction. Il y a lieu de se poser la question : le Burundi possède-t-il assez d’infrastructures ? La réponse est simple. Il y a un manque criant d’infrastructures si on tient compte de l’état des infrastructures publiques telles les routes, les hôpitaux, les écoles, les internats scolaires, les adductions d’eau, les équipements du port lacustre, les marchés, les gares routières, l’absence de chemin de fer. Il est temps de mettre en œuvre les conditions d’une relance du secteur de la construction, clé du développement  du pays.

A propos de l'auteur

Benjamin Kuriyo.

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