Economie

Ecobank réduit son personnel

Plus de 70 employés de l’Ecobank Burundi viennent d’être licenciés. Cela fait suite à la digitalisation de ses services. Les ex-employés de cette banque dénoncent un licenciement abusif. Ils demandent que la loi, le code du travail, soit respectée. On peut considérer sans risque de se tromper que la digitalisation et l’informatisation des services bancaires aggravera le chômage déjà élevé au Burundi. Cette « révolution technologique » et ses conséquences sur l’emploi est un phénomène mondial, le secteur bancaire européen l’a connu et pratiqué dans les années 1980 au prix de dizaines de milliers de pertes d’emplois.

« Le licenciement de nos ex-employés est une conséquence de la restructuration du système de fonctionnement d’Ecobank qui a consisté en l’adoption de la digitalisation des services de la banque pour renforcer l’inclusion financière », a précisé Victor Noumoué, Administrateur Directeur Général d’Ecobank Burundi dans une conférence de presse récente. Il explique que cette restructuration a conduit à la réduction des opérations de la banque. Ce qui, à son tour, a entrainé la réduction du nombre d’agences bancaires et, partant, celle de ses employés. Il a ajouté que la nouvelle stratégie de digitalisation privilégie les canaux alternatifs. Ces deniers sont les distributeurs automatiques de billets, les cartes bancaires, la banque par Internet et la banque sur mobile en remplacement des agences bancaires traditionnelles, de moins en moins fréquentées par les clients. M. Noumoué indique qu’à cet effet, la banque procède à la consolidation de son réseau d’agences qui se traduit par une réorganisation du travail et une réduction des effectifs de ses collaborateurs.

Victor Noumoué, Administrateur Directeur Général d’Ecobank Burundi : « Le licenciement de nos ex-employés est une conséquence de la restructuration du système de fonctionnement d’Ecobank qui a consisté en l’adoption de la digitalisation des services de la banque »

Comme le prévoit une disposition de l’article 70 du décret-loi no 1 / 037 du 07 juillet 1993 portant révision du code du travail du Burundi, les raisons économiques du licenciement des employés peuvent être de deux ordres. Il s’agit de la performance de l’entreprise et de la réorganisation du travail. Dans le cas qui nous concerne, précise M. Noumoué, le licenciement des employés est une conséquence du changement de notre modèle opérationnel. Celui -ci va permettre à la banque de renforcer l’inclusion financière au Burundi. Cela grâce à la mise en place des services financiers simples, accessibles et à moindre coût, à l’échelle des 129 communes du Burundi.

Ecobank Burundi reste le leader de la monétique

A la question de savoir si ce n’est pas un paradoxe quand on parle des raisons économiques et de la digitalisation et qu’on licencie des employés, Noumoué explique qu’il n’y a pas un paradoxe. Il réaffirme que la santé financière de la banque est bonne. Il informe que la banque a fait des performances et qu’elle veut encore faire mieux. « Elle reste leader de la monétique au Burundi et cela depuis plusieurs années. Je dois vous dire qu’avec les décisions prises, la banque se renforce davantage et renforce sa position pour des résultats encore meilleurs », affirme M.Noumoué. C’est pourquoi, insiste-t-il, avec la restructuration des services de cette banque, elle n’a pas besoin d’attendre ses clients au guichet pour leur offrir des services. De surcroît, il invite les clients à mettre les services bancaires au bout de leurs doigts, c’est-à-dire sur leurs ordinateurs, leurs téléphones. Pour lui, la digitalisation est salutaire pour tout le monde : la banque et ses clients. Car en effet, le coût des services étant toujours plus lourd dans une agence, les clients pourront effectuer des opérations bancaires eux-mêmes, sans intervention de personnes extérieures, grâce à leurs téléphones et leurs ordinateurs, et tout cela en toute sécurité. Selon lui, les clients ne se rendront dans les agences que pour des opérations complexes dont la demande des crédits. « Les clients ne viennent plus aux agences. Ils sont eux aussi les principales agences pour distribuer nos produits. C’est pourquoi nous les avons consolidés. Aussi  la clientèle des agences est consolidée», affirme M. Noumoué. Il souligne   que  même  un commerçant qui a cinq boutiques, s’il décide de n’en garder qu’une et qu’il  avait 10 salariés, il les réduit à 5. D’où un exemple de licenciement pour des raisons économiques, conclut-il.

D’après M.Noumoué, les indemnités prévues par la loi dans le cas du licenciement pour des raisons économiques sont de deux ordres. Il s’agit des indemnités de préavis et de celles de licenciement. Les deux cumulées peuvent aller jusqu’à huit mois de salaire. La banque a octroyé aussi une prime de séparation qui peut aller jusqu’à 12 mois, c’est-à-dire que les ex-employés auront au total 20 mois de salaire sous forme d’indemnités. Il indique également que la banque a effectué un traitement préférentiel pour les crédits en cours des agents concernés. Cela afin de permettre à ceux qui sont licenciés de n’être pas asphyxiés par leurs crédits. Nous avons permis également à ceux qui sont licenciés de continuer à travailler avec la banque dans le cadre d’un contrat d’indépendant.

« C’est parce qu’il est sûr qu’il ne gagnera pas le procès ».

Cependant, Mathias Manirakiza, un des représentants des employés licenciés affirme que le motif de licenciement serait lié au souhait de la banque de gagner plus et de garder sa place au niveau africain et au niveau burundais. C’est pour cette raison qu’elle a préféré diminuer son personnel pour enfin réduire les dépenses. « Nous ne sommes pas contre le licenciement. Nous sommes pour le développement de l’entreprise, mais nous aimerions que la banque nous donne ce qui est prévu par la loi »

Mathias Manirakiza, un des représentants des ex-employés d’Ecobank Burundi « Nous ne sommes pas contre le licenciement. Nous sommes pour le développement de l’entreprise, mais nous aimerions que la banque nous donne ce qui est prévu par la loi »

M.Manirakiza dément les propos de L’ADG d’Ecobank Burundi ayant trait au bonus et à la réduction du taux d’intérêt sur les crédits qu’avaient contractés ses employés. Il indique que ces propos sont mensongers parce que, explique-t-il, si les critères étaient objectifs, si le code du travail était respecté, la banque n’aurait pas exigé la signature du protocole d’engagement. Lequel protocole d’après lui constitue une manœuvre d’interdire les ex-employés à se plaindre au cas où le décompte final serait mal effectué. D’après M.Manirakiza, « si l’ADG d’Ecobank juge qu’il a travaillé dans la transparence, qu’il a respecté les lois et règlements du pays, il n’aurait pas à s’inquiéter si un jour ses employés portaient plainte », précise-t-il

Revenant sur critères sur lesquels s’est basée la banque pour licencier ses employés (performances, ancienneté, âge, charges familiales, qualifications), Manirakiza explique que si on analyse ces critères on remarque qu’ils n’ont pas été respectés. Des agents d’une ancienneté supérieure à celle d’autres sont licenciés alors que des agents d’une ancienneté inférieure sont restés, explique-t-il. Si on considère le critère « qualification », Manirakiza précise qu’on trouve toutes les qualifications dans toutes les catégories, c’est-à-dire parmi ceux qui sont restés et ceux qui ont été licenciés. À propos du licenciement sur base du critère « charges familiales », il y a des employés qui ont des familles qui ont été licenciés alors qu’il y a des célibataires qui sont restés. C’est toujours la confusion, déplore M. Manirakiza.Il demande que la loi soit respectée restitués et qu’ils soient tout ce que la banque leur doit. Vous saurez que jusqu’à ce jour personne n’a signé le protocole d’engagement alors que c’est ce dernier qui leur donne l’accès à tout ce que la banque leur doit.

Des emplois supprimés.

Comme l’a annoncé l’ADG d’Ecobank Burundi dans la conférence de presse, plus de 70 employés de cette banque ont été licenciés. Ce qui revient à dire que plus de 70 emplois ont été supprimés. Cela est la conséquence du développement des technologies de l’information et de la communication. D’âpres les recherches, ce qu’Ecobank Burundi est en train de subir ressemble à ce que subissaient les banques européennes dans les années 1980.

Selon une étude de Citi Groupe, plus de 30% des effectifs bancaires devraient disparaître en Europe d’ici 2025. En France, une agence sur deux pourrait être amenée à fermer d’ici là. Du jamais vu dans ce secteur plutôt habitué à recruter à tout va. L’annonce de la mort des banques est un peu caractéristique du secteur de la finance. En 1994 déjà, Bill Gates décrivait dans « Business Week » les banques comme des dinosaures en voie d’extinction. Les établissements financiers allaient, selon lui, être remplacés par les géants du high-tech. Si le faire-part de leurs décès a sans doute été envoyé un peu tôt, les banques semblent désormais vraiment à l’aube de la plus violente transformation de leur histoire.

D’après l’étude de Citi Group, le secteur bancaire devrait perdre 1,8 million d’emplois en Europe et aux Etats-Unis dans les 10 prochaines années. Aujourd’hui, les banques du vieux continent emploient près de 2,9 millions de salariés (équivalent temps plein pour être précis). En 2025, ils ne seraient plus, selon cette étude que 1,82 million. Une hémorragie de plus de 1 million d’emplois en l’espace d’une petite décennie.

Selon le journal français, « l’Opinons », en Europe, plus de 600 000 emplois ont été supprimés dans le secteur bancaire depuis 2008. En sept ans, les banques ont perdu plus d’un demi-million d’employés dans le monde, révèle l’agence américaine Bloomberg. Au niveau international, c’est le groupe américain Citi Group qui a été le plus durement touché par ces baisses d’effectifs. Un tiers des effectifs, soit 140 000 salariés ont ainsi été licenciés depuis 2008. En Europe, c’est la Deutsche Bank qui a supprimé le plus d’emplois. La banque allemande prévoit un plan d’économie de 4,7 milliards d’euros d’ici 2018, dont 26 000 licenciements.

En France, la Société Générale a supprimé des milliers de postes depuis 2008. Elle prévoit désormais la fermeture de 400 agences sur les 2221 dont elle dispose d’ici 2020, soit 20% de son réseau. La restructuration passera par le «non remplacement» de 3 000 départs à la retraite, promet la banque. Cette situation fait néanmoins peser un climat lourd dans l’entreprise. Le 9 décembre 2015, dans une lettre adressée à Emmannuel Macron, le syndicat Force Ouvrière reproche à la banque le paradoxe entre son «absence totale de reconnaissance à l’égard des salariés» et ses très bons résultats (1126 milliards d’euros au troisième trimestre de 2015).

Faut-il en déduire que les banques burundaises doivent s’attendre à des années difficiles ?

A propos de l'auteur

Mathias Ntibarikure.

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