Transport

Ils transportent des milliers de personnes et servent la mairie et l’Etat

Nous sommes à la cinquième semaine de la présentation de notre dossier mobilité et transport des personnes. Alors que dans les quatre semaines précédentes, Burundi Eco a donné un aperçu général sur le transport en commun au Burundi avec les interviews du DG du ministère des Transports, du DG de l’OTRACO et de l’Association des Transporteurs du Burundi (ATRABU), Burundi Eco a ensuite dressé un panorama des différentes gares routières de la capitale, nous arrivons aujourd’hui à la présentation des autres moyens de transport payants, à savoir les taxi-vélos, les taxi-motos, les Tuk-Tuks et les taxi-voitures

Dans l’édition n°237, nous avons illustré par un schéma la spirale négative ou le « cercle vicieux » de l’évolution du transport collectif si aucune initiative de soutien n’était prise par l’autorité publique. Ainsi, si la qualité du service baisse par le vieillissement des bus et les embouteillages, la durée du trajet devient longue. Les usagers de ces bus ont tendance à utiliser d’autres moyens de transport comme les taxis-motos, les taxis-vélos, les tuk-tuks et les taxis-voitures. Qu’en est-il alors de ces moyens de déplacement à Bujumbura alors que parmi eux, il y a ceux qui ne sont pas autorisés à circuler dans tous les différents coins de la capitale ? Est-ce que les personnes ont tendance à les utiliser ?

A peu près 141000 de personnes utilisent chaque jour le vélo pour se déplacer à Bujumbura

Emmanuel Nimbona est représentant légal de la Solidarité des Taxi-vélos du Burundi (SOTAVEBU). Il explique que cette ASBL compte actuellement 24 000 membres dans tout le pays dont 9 000 exercent leur métier à Bujumbura. « Si tous nos membres étaient sans boulot et sans revenu, ils constitueraient une bombe à retardement. C’est la raison pour laquelle notre métier devrait être soutenu et valorisé », estime M. Nimbona. Pour lui, un taxi-vélo peut transporter en moyenne 15 personnes par jour. « Cela montre que 141000 personnes utilisent le vélo chaque jour dans la capitale Bujumbura comme moyen de transport ». Il rappelle également que la Solidarité des taxi-vélos intervient en cas d’urgence envers ses membres. « Si par exemple un taxi-vélo fait un accident, la Solidarité paie 30 % des factures bien que ce ne soit pas dans tous les cas. Nous disposons aussi d’une caisse pour octroyer de petits crédits ». M. Nimbona fait remarquer que le métier de transport de personnes représente un secteur qui a de plus en plus d’importance économique. Il souligne notamment les entrées dans les caisses de l’Etat et dans celles de la Mairie. D’après lui, chaque vélo paie une quittance de 1 000 FBu par an ainsi que des frais de stationnement à la Mairie de 2 000 FBu par mois. Malgré son utilité et son impact positif sur la vie sociale des usagers, M. Nimbona reconnaît que de nombreux problèmes accablent les travailleurs dans ce métier. Il rappelle l’interdiction pour les taxis-vélos de circuler dans le centre-ville (mesure prise en 2011) ainsi qu’aux heures avancées. La fin de service est fixée à 18 h 30 (mesure prise en 2015). Suite à ces deux obligations, il met en évidence que les taxis-vélos travaillent à perte. « Avant ces situations, les recettes d’un taxi-vélo oscillaient entre 5 000 et 6 000 FBu par jour. Aujourd’hui, elles varient entre 2 000 à 3 000 FBu par jour. En plus, la quittance a été augmentée passant de 750 à 1 000 FBu plus les frais de stationnement qui sont collectés depuis le début de l’année 2017», regrette-t-il. M. Nimbona déplore par ailleurs que les taxis-vélos ne sont plus tenus de porter le gilet qui s’achetait 13 000 FBu et les plaques qui coûtaient 8 000 FBu. «Pourtant, c’étaient des moyens sûrs de les identifier. Par conséquent on observe pour le moment des cas de vol qui s’amplifient par les soi-disant taxi-vélos », se lamente-t-il.

D’autres préoccupations sont à soulever : le non maîtrise du code de la route par les taxis-vélos, la diminution de recettes dues à la pauvreté croissante que vit la population, l’inexistence de l’assurance pour un taxi-vélo ainsi que de nombreuses tracasseries. Parmi celles-ci, le paiement d’une somme de 1 000 FBu pour un concert de solidarité édition 2017 qui a eu lieu le 7 et le 8 avril 2017 alors que celui-ci a déjà eu lieu, avec une quittance sur laquelle ne figure pas le nom du contribuable agace les taxis-vélos. Et de renchérir : « L’ouverture d’un compte dont nous prévoyons un projet pour chaque parking peut aider à faire face à certains défis ».

Egide Ngendakumana est originaire de Bugendana, en province de Gitega. Il est taxi-vélo depuis 15 ans. Agé de 32 ans, ce père de famille de deux enfants explique que 100 FBu de cotisation par jour (3 000 par mois) au sein de l’association et 2 000 FBu de frais de stationnement par mois ; en tout 5 000 FBu constituent une grosse somme pour une personne ayant un revenu mensuel variant entre 60 000 et 90 000 FBu et qui doit faire vivre sa famille. Il demande que les frais de stationnement soient revus à la baisse. M. Nimbona, lui, demande la mise en place d’un centre de formation à la sécurité routière pour les taxis-vélos, la prise en compte de leurs moyens lors de la fixation des taxes et impôts et il insiste sur la nécessité de consulter les intéressés lors de la prise de certaines décisions les concernant.

Un taxi-vélo parle

Numérien Sinzumusi est taxi-vélo depuis deux ans. Rencontré au parking de la zone Buyenzi, commune Mukaza ainsi que ses collègues, il témoigne que son métier le fait vivre ainsi que sa famille. Père d’un enfant et originaire de Makebuko dans la province de Gitega, il explique qu’il envoie chaque mois une somme de 20 000 FBu à sa famille, à défaut 10 000 FBu. « De mon côté, je garde la moitié de la somme envoyée », fait-il remarquer. Quant à la restauration, il signale qu’il prend trois repas par jour si le travail s’est bien déroulé. « A chaque repas, je mange une assiette de 1 000 FBu », communique-t-il. M. Sinzumusi ajoute qu’il arrive quelques fois de prendre la bière à raison de deux Primus (1400 FBu prix unitaire) par mois ainsi que du savon équivalent à 2 000FBu par mois. Il annonce que lui et ses deux confrères louent une maison de 25 000 FBu par mois. Et de conclure : « Je fais laver le vélo deux à trois fois la semaine, à, raison de 5 00 FBu par tour et je fais faire des réparations pouvant aller jusqu’à 10 000 FBu par mois ».

Tuk-tuk : un autre moyen de transport apprécié des voyageurs

transport

Sylvestre Manirakiza, conseiller au sein de l’Association des Tuk-Tuk du Burundi (ATUBU) : « Le tuk-tuk est l’un des moyens de transport sûr qui ne causent pas beaucoup d’accidents »

Les uns l’appellent « Bajaj », les autres Tuk-tuk. Ce moyen de transport importé de l’Asie est l’un des plus sollicités par la population du centre-ville de Bujumbura. Sylvestre Manirakiza, conseiller au sein de l’Association des Tuk-Tuk du Burundi (ATUBU), association sans but lucratif qui regroupe 2100 membres au niveau national, soit 2080 à Bujumbura et 20 à Gitega, dit que ces tricycles sont au nombre de plus de 300 à Bujumbura et 5 à Gitega. Ce conseiller affirme que les passagers sont courtisés par les tuk-tuks dans le sens où ceux-ci sont moins chers et transportent trois personnes à la fois sur le plateau. Concernant les difficultés que rencontrent les conducteurs et les usagers des tuk-tuks, M. Manirakiza affirme que celles-ci sont moins fréquentes car les tuk-tuks ne causent pas souvent des accidents. « Néanmoins le temps de travailler a été réduit de moitié suite à la situation socio-sécuritaire que traverse le pays. Maintenant, l’heure à laquelle les tuk-tuks clôturent le travail est 19 heures. De plus, il n’est pas permis aux tuk-tuks de sillonner toute la capitale, ce qui constitue, une perte au niveau des recettes». M. Manirakiza certifie qu’avant cette situation, la location d’un tuk-tuk par jour se situait entre 25 000 et 30 000 FBu tandis que pour le moment, elle se situe entre 15 000 et 20 000 FBu. M .Manirakiza ne nie pas qu’il existe des tracasseries envers les conducteurs des tuk-tuks, qui eux aussi, souffrent généralement du manque de contrats avec les propriétaires de ces moyens de locomotion. Et de poursuivre : « Malgré cette situation qui n’avantage pas ceux qui investissent dans le secteur, nous continuons à faire les mêmes entrées du côté impôts et taxes, notamment le paiement de la taxe municipale qui est de 2 000 FBu par trimestre, l’autorisation de transport qui est de 2 000 FBu par trimestre, le contrôle technique qui est de 6 000 FBu par trimestre, l’impôt forfaitaire qui est de 7 500 FBu par trimestre et les frais de stationnement à la mairie qui sont de 10 000 FBu par mois». Il invite ceux qui le peuvent à investir dans ces moyens de transport afin de créer de l’emploi et, partant, de mettre en place un fonds de garantie pour encourager les investisseurs.

Les taxis-voitures de plus en plus souvent équipés d’une innovation : le taximètre

Gédéon Nkeshimana, directeur commercial de « Safe taxi » : « Les Burundais ne se sont pas encore familiarisés avec les taximètres »

Elle s’appelle « Safe taxi », une entreprise créée depuis novembre 2016 et dont le souci est de faciliter le transport par taxi-voiture. L’une des innovations comme le signale Gédéon Nkeshimana, directeur commercial de cette entreprise, est l’usage d’un taximètre. C’est un appareil qui compte automatiquement les kilomètres parcourus et les tarifs y correspondants. Selon lui, « Safe taxi », dispose pour le moment de trois taximètres qui sont en phase de test depuis 2 mois. Au fur et à mesure que les passagers s’y habitueront, l’entreprise va importer d’autres appareils. Il précise que le taximètre compte 1 100 FBu par kilomètre et à moins d’un kilomètre, elle enregistre 2 000 FBu. M. Nkeshimana estime que les clients des taxis-voitures devraient être soulagés car l’appareil diminue les spéculations des transporteurs et du client. « En outre, l’entreprise sert de pont entre les usagers et les taximens de façon que toute personne désirant prendre un taxi étant dans un milieu inaccessible téléphone immédiatement à l’entreprise et cette dernière est tenue de lui envoyer le taxi se trouvant sur le parking le plus proche », notifie-t-il avant d’indiquer qu’il y a une soixantaine de taxi-voitures qui sont partenaires. M. Nkeshimana s’inquiète que les personnes ne se sont pas encore habituées à ce genre de service, surtout qu’au tarif ordinaire on ajoute parfois une somme de 500 ou 1 000 FBu afin de faire fonctionner l’entreprise. Mais il tranquillise ceux qui bénéficient de ce service, qu’ils sont souvent sécurisés ainsi que leurs biens. M. Nkeshimana note enfin qu’au niveau national, il n’existe pas d’association de taximens. Malgré cela, il fait savoir que d’après une étude qui a été faite par « Safe taxi », il y a plus de 500 taxi-voitures dans la capitale. Un taximan avec lequel on a échangé sur ce sujet informe qu’on peut faire 5 courses par jour, soit 2 500 usagers de taxis-voitures au total. En ce qui est des impôts et taxes, le taximan raconte qu’un taxi-voiture paie l’autorisation de transport 2 000 FBu par trimestre, les frais de stationnement à la Mairie 15 000 FBu, le contrôle technique 28 100 FBu par trimestre (au cas où le véhicule ne subit pas le pinçage de 15 000 FBu). Le taximan déplore le manque des clients ainsi que les frais de stationnement à la Mairie qu’il qualifie d’énormes.

Taxi-moto : un moyen auquel recourent les retardataires !

Une femme qui a gardé l’anonymat habite le quartier Carama à 8 km du centre-ville. Travaillant au sein d’un des ministères dont les bureaux sont situés au centre-ville de Bujumbura, elle authentifie que depuis l’interdiction des taxis-motos et taxis-vélos d’entrer en ville, elle est toujours en retard au service. « Je suis stressée car au boulot, il y a un registre dans lequel nous signons les présences. Après 7 heures 30, on trace une ligne et les retardataires signent en dessous. C’est au cas où le registre n’est pas transféré aux supérieurs pour que ceux qui ne signent pas soient considérés comme absents au travail. Par contre, avant la mesure si on constatait qu’on était en retard, la moto ou le vélo devenait un moyen intermédiaire car ils se faufilaient même dans les embouteillages. Aujourd’hui, nous devons attendre le bus ou un lift, moyens qui sont, à leur tour, plus rares surtout aux heures de pointe pour se rendre au travail », se désole-t-elle.

Nous n’avons pas encore pu rencontrer les responsables de l’association des taxis-motos pour les interviewer sur leurs points forts et leurs points faibles. Les motards sont estimés à 9 000 dans tout le pays dont 2 800 à Bujumbura et ses environs.

A propos de l'auteur

Mélance Maniragaba.

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