Edition Spéciale Environnement

La ville de Bujumbura menacée par les rivières qui la traversent

Plus de cinq rivières traversent la ville de Bujumbura. Cependant, suite à différentes actions qu’exerce l’homme sur ces dernières, elles sont devenues fâcheuses à tel point qu’actuellement elles constituent une menace pour la population riveraine. Les experts affirment que si rien n’est fait, des conséquences plus sévères s’abattront sur la population.

Malgré la tentative de construire des murs de soutènement sur les berges de la rivière Ntahangwa (côté Kigobe Sud), les infrastructures environnantes sont toujours ménacées.

Ces derniers temps, presque chaque année, la ville de Bujumbura et sa périphérie, surtout dans sa partie nord-ouest, font face aux  inondations provoquées par les crues de ces  rivières.  Sur ce, il a été  initié un projet de protection de ces cours d’eau financé par  la  Banque Mondiale. Les  principales activités de ce projet visaient  la protection des rivières Gasenyi et Nyabagere, mais également de  certaines zones dangereuses de la RN 1.

Dans la même optique, il a été initié les travaux de  protection de la rivière Ntahangwa. Cependant, pour des raisons non encore élucidées, les travaux se sont arrêtés momentanément. Ce cours d’eau en a  profité pour continuer ses ravages. La rivière Ntahangwa traverse plusieurs quartiers qui  abritent beaucoup d’infrastructures. Mais ces dernières sont menacées d’écroulement ou se sont déjà écroulées. La situation s’est aggravée avec l’action anthropique  de destruction de l’environnement. Les gens ont déboisé les bassins versants de cette rivière, provoquant ainsi  l’érosion.

En plus de ce déboisement, les gens exploitent de façon anarchique cette rivière. Ils y extraient du sable, du gravier et  du moellon et ils le font tellement mal qu’ils détruisent le lit de cette rivière. C’est ainsi que même les arbres plantés pour  soutenir ses berges sont emportées par ses crues.

Les infrastructures ménacées

Les berges  de la rivière Ntahangwa sont protégées à certains endroits, mais cela n’empêche pas  qu’elles soient emportées par l’eau. C’est le cas des berges attenantes au quartier Kigobe sud, dans la zone Gihosha ou au quartier Jabe de la zone Bwiza. Cette rivière a déjà emporté des maisons. Il y a lieu donc de se demander  comment les pouvoirs publics acceptent  qu’on construise  dans la zone tampon. Maintenant que ces maisons sont emportées par l’eau, qui en est responsable ? Où sont les services de l’urbanisme ? Où sont les services chargés de la  protection de des rivières qui traversent la ville de Bujumbura ?

Même son de cloche sur  la rivière Mutimbuzi qui a dévié de son lit, envahissant certaines  localités de cette  zone. Comme conséquences, certains ménages de cette zone sont  dans la détresse absolue.

Les rivières Kanyosha, Muha et Mpimba n’ont pas encore occasionné des dégâts de grande envergure. Mais si rien n’est fait, elles le feront un jour.

Pr Jean Marie Sabushimike, enseignant dans le département de Géographie de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines  à l’Université du Burundi  précise que  la ville de Bujumbura connait ces derniers jours une croissance urbaine mal contrôlée.  Il indique que l’aménagement de la ville  de Bujumbura  gagne de plus en plus les escarpements des failles des Mirwa.  Il fait remarquer  que plus l’urbanisation marque un paysage, plus il y a un problème de drainage des eaux car  l’espace urbanisé n’est pas viabilisé. C’est-à-dire qu’on n’a pas prévu des collecteurs d’eaux qui les acheminent de façon organisée vers des exutoires bien étudiés.

« Nous sommes dans un contexte de changement climatique confirmé »

Pour Pr Sabushimike,  deux facteurs  expliquent la virulence de ces rivières .Il s’agit des milieux naturels dont la plaine de l’Imbo d’un côté et les escarpements des failles des Mirwa de l’autre. Selon lui, le contact brutal de ces deux régions font  sentir la torrentialité des cours d’eau dans un contexte de changement climatique, c’est-à-dire qu’à chaque fois qu’il y a des pluies diluviennes qui s’abattent en hauteur avec le profil des cours d’eau, la torrentialité est garantie. Pr Sabushimike fait remarquer qu’il   faut considérer chaque cours d’eau dans l’ensemble du bassin versant qui le constitue parce qu’ils n’ont pas les mêmes caractéristiques physiques.

Le bassin de Ntahangwa est le plus méchant

« Il faut agir sur les phénomènes d’érosion et cela suppose l’aménagement respectueux de l’environnement », indique Pr Sabushimike. Pour lui, il faut  d’abord concevoir un guide d’aménagement. Ce dernier devra contenir les mécanismes de protection des bassins versants. Il faut en même temps envisager l’augmentation de la production des cultures vivrières  ou le boisement. C’est-à-dire que que  ce soit en amont ou en aval, l’aménagement de ces bassins versants devrait envisager la transformation des défis en opportunités

Le curage normé, une condition 

« L’exploitation des matériaux de construction dans les rivières ne respecte pas le curage normé. On exploite le talus  et souvent le lit. Ce qui fait que l’érosion de ces cours d’eau est à la fois verticale et latérale », souligne Pr Sabushimike. Il explique que pour stopper cela, le respect des zones tampons est de rigueur, c’est-à-dire qu’il faut  éviter  de construire dans les zones à  très haut risque.  Mais aussi il faut respecter les textes de lois  dont  le code  l’environnement, celui  de l’eau ,  celui de l’urbanisme …Sur ce , le service foncier devrait arrêter d’attribuer  des parcelles dans les zones à  très haut risque de glissements de terrain ou  d’inondations.

Pr Sabushimike estime qu’il faut agir dans  l’urgence. Réaliser une étude multidisciplinaire fait par des  experts, et c’est à base de cette étude que sortiront des propositions concrètes pour la réalisation des travaux qui envisageraient la stabilisation de ces cours d’eau dans le long terme en fonction du contexte actuel du changement climatique et de la croissance urbaine en mairie de Bujumbura et surtout en fonction des aménagements ruraux en amont de ces bassins versants.

Rappelons qu’en février 2014, les crues de  la rivière Gasenyi ont causé plus de 70 morts.

A propos de l'auteur

Mathias Ntibarikure.

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