Développement

Lac Dogodogo, du pain-béni pour les riverains

Sis entre la 2ème et la 3ème  avenue de la commune Rugombo, le petit lac Dogodogo est devenu un gagne-pain pour ses riverains. Ils se sont regroupés en association pour exploiter de manière responsable ce cadeau de la nature. Un reporter de Burundi Eco y a effectué une virée matinale avec les pêcheurs

C’est par une matinée ensoleillée aux environs de 6h15’ que le reporter de Burundi Eco a débarqué sur les rives de Dogodogo. Tout est simple et calme. Un groupe de gens attend sur les rives. Une dizaine de petites pirogues est encore amarré. Il y a des pêcheurs qui n’ont pas encore pris le large. Et pour cause, certains attendent que les eaux soient réchauffées par le soleil. Il parait que le poisson remonte à la surface  quand les eaux sont plus ou moins chaudes. Le reporter demande si c’est possible d’embarquer dans une des pirogues après avoir décliné son identité. Les pêcheurs se concertent rapidement. La sentence tombe. Oui, c’est possible à condition d’avoir l’autorisation du président de l’Association des Pêcheurs du Lac Dogodogo (APLD). Pas de bol ! Le président n’est pas là. Le reporter s’arrange pour les convaincre de l’amener avec eux. Encore quelques minutes de conciliabule et enfin Marine Ndayisenga dit Ndayi, un des pêcheurs en tee-shirt  à rayure jaune et noire accepte. Il faut encore trouver une pirogue capable de transporter deux personnes car, généralement, les pirogues utilisées sont très petites parce que conçues pour une seule personne. Nouvelles conciliabule et nous voilà parti.  Les eaux sont de couleur noirâtre. Le lac est calme. Il n’y a ni de vagues ni  courant. 

L’excursion de tous les dangers

La petite pirogue glisse doucement, mais sûrement sur Dogodogo. Ndayi explique que le petit lac a une profondeur de 4 à 6 m et que ses eaux sont très boueuses. Gare à celui qui tombe dedans. « L’en sortir est une affaire difficile », indique Ndayi, très calme. Cela ne rassure pas le reporter, car la petite pirogue commence à tanguer légèrement, mais cela n’inquiète pas outre mesure Ndayi.  On n’utilise même pas des pagaies pour naviguer sur Dogodogo. Juste deux morceaux de plastique dure ayant la forme de la patte palmée d’un canard taillés dans les fameux bidons jaunes. Pour notre petite excursion lacustre Ndayi n’a même pris ces pagaies de fortune. Ce sont ses bras costauds qui lui servent de pagaies.  Bon gré mal gré, la pirogue avance. Ndayi va d’abord vérifier si son piège qui se trouve à l’autre bout du lac a attrapé quelques poissons.  On se rend donc tout droit sur l’autre rive. Arrivé sur les lieux, Ndayi examine le contenu d’un filet de plus ou moins 3 m. Il y a quelques petits poissons qu’on appelle « ibijoli ». Il juge le contenu encore maigre et replonge le filet sous les eaux. Le reporter lui demande si c’est possible d’aller voir un autre pêcheur. Quelques rames de bras à gauche et la pirogue vire à droite. On navigue pendant quelques minutes et on aperçoit un autre pêcheur affairé  à remonter un filet plein de poissons. 

Nininahazwe content des revenus qu’il tire de la pêche

Il s’appelle Joseph Nininahazwe. Il est célibataire. Il habite la deuxième avenue de la commune Rugombo et avoue pêcher sur Dogodogo depuis plus de 10 ans. « Je pêchais déjà quand j’étais encore à l’école primaire. Un bon jour, j’ai constaté que ça n’allait pas avec les études, j’ai renoncé aux études pour me consacrer à la pêche. Durant les périodes où il y a carence de poissons dans le lac, je cultive mes champs. Je gagne entre 10 et 20 mille FBu par jour. Mais il arrive qu’on ne gagne que 3 mille FBu seulement. Ce qui est intéressant aussi c’est que je ne manque pas de poissons à manger à la maison », a indiqué M. Nininahazwe joint en pleine partie de pêche. Il a ajouté qu’en principe la prise de poissons diminue aux mois de janvier et février. La pêche se fait normalement aux premières heures de la matinée. Car, avec le soleil, l’eau se réchauffe et pousse les poissons à remonter à la surface. A 11 h, les pêcheurs quittent le lac. On ne peut plus rien prendre.

Joseph Nininahazwe, pêcheur au lac Dogodogo : « Durant les périodes de carence de poissons dans le lac, je cultive mes champs. Je gagne entre 10 mille et 20 mille FBu par jour. Mais il arrive qu’on ne gagne que 3 mille FBu seulement. Ce qui est intéressant aussi c’est que je ne manque pas de poissons à manger à la maison »

Kubudika, la technique imparable 

Il faut connaître quelques astuces pour prendre le poisson. On ne va pas pêcher en plein lac. Il faut s’approcher des rives. C’est là où migrent les poissons pour se nourrir. On ne pêche pas à la ligne dans le lac Dogodogo. On utilise le filet qu’on tend pour piéger le poisson. Cette technique qu’on utilise s’appelle « Kubudika ». Un bon pêcheur doit maîtriser à la perfection cette méthode. Après avoir tendu le piège, certains pêcheurs regagnent les rives pour retourner plus tard récolter les poissons pris. D’autres préfèrent attendre sur place. C’est le cas de Nininahazwe qui, après avoir « Kubudika », a attendu patiemment près de son piège où le reporter l’a rencontré en train de remonter le filet.  Avant de verser le contenu du filet dans sa pirogue, le pêcheur vérifie s’il n’y a pas de petits poissons. S’il y en a, il les prend et les remet dans l’eau du lac. Si on les pêche tout petits, ils n’auront pas le temps de se reproduire  et, partant, demain il n’y aura plus de poissons à pêcher, a indiqué M. Ndayi, le pêcheur qui servait en même temps de guide au reporter.  Dans le but de pérenniser la pêche au lac Dogodogo, les pêcheurs se sont répartis les aires de pêche délimités par des piquets de bois plantés au fond du lac. Le soir, chacun vient avec les écorchures de manioc (Amakororo) pour nourrir ses poissons. Il ne viendrait à l’idée de personne d’aller pêcher ailleurs que dans sa ‘’parcelle’’. « A Dogodogo, on ne pêche pas le poisson qu’on n’a pas nourri », a déclaré M. Ndayi. 

On utilise le filet qu’on tend pour piéger le poisson. Cette technique s’appelle « Kubudika »

Dogodogo ne nourrit  pas  les pêcheurs seulement

Après la pêche, les pêcheurs regagnent les rives où les attendent ceux qui commercialisent le poisson. Le reporter a assisté à l’échange entre un pêcheur et une femme qui lui a acheté toute la prise, à l’exception de quelques bons spécimens que le pêcheur a gardés pour sa consommation personnelle. Après d’âpres négociations, le prix a été fixé à 10 mille FBu et l’affaire s’est conclue. La femme (qui a tenu à garder l’anonymat) a indiqué qu’elle comptait revendre son poisson au détail entre 15 et 20  mille FBu après avoir mis de côté 4 ou 5 poissons qu’elle voulait renter à la maison pour sa famille. 

Elle est partie directement, un seau en plastique contenant son poisson sur la tête, parce qu’un de ses clients réguliers l’attendait à la maison pour lui en acheter une partie. Sur les rives de Dogodogo, plusieurs personnes vivent de la pêche sans forcément être pêcheurs. A côté des pêcheurs, des vendeurs et  des acheteurs de poissons, il y a des jeunes gens qui se chargent de la préparation du poisson que les pêcheurs emmènent à la maison. Une autre partie du poisson est consommée sur place et ce sont les mêmes gens qui préparent le repas et mangent tout près du lac. D’ailleurs les pêcheurs ont généreusement invité le reporter à partager le repas fait de la traditionnelle pâte de manioc  avec du poisson fraîchement pêché et rapidement cuit.    

L’APLD fait entrer 1,4 millions de FBu de taxes  dans la caisse communale

La commune Rugombo tire également son épingle du jeu. Chaque pêcheur paie annuellement 50 mille FBu de taxe à la commune. Cela fait une somme de 1,4 millions de FBu collecté par l’APLD pour le compte de la commune. Mais l’association est également très utile pour les pêcheurs. Elle prône l’entraide mutuelle. Elle prêche le développement par le biais de l’épargne. Ainsi, à côté d’une contribution hebdomadaire de 500 FBu, chaque pêcheur apporte entre 1 et 10 mille FBu toutes les deux semaines qui servent de fonds d’épargne  à partir duquel est calculé le crédit qui lui sera accordé en cas de demande.  Cela permet aux membres de l’APLD de financer leurs petits projets sans problèmes. Actuellement, seulement 150 mille FBu se trouvent sur le compte de l’association alors que ses membres détiennent plus de 2 millions de FBu de crédits.  L’APLD a également distribué 60 mille FBu à chaque pêcheur pour les fêtes de fin d’année 2018, a indiqué Apollinaire Cirindiriye, président de cette association. 

Apollinaire Cirindiriye, président de l’APLD : « Actuellement, seulement 150 mille FBu se trouvent sur le compte de l’association alors que ses membres détiennent plus de 2 millions de FBu de crédits. L’APDL a également distribué 60 mille FBu à chaque pêcheur pour les fêtes de fin d’année 2018

Quelques défis persistent   

Le lac Dogodogo est relié à la rivière Rusizi par un canal du côté Sud-Ouest. Le poisson emprunte ce canal pour rejoindre la Rusizi. «On a souvent demandé à l’administration de mettre un filtre en métal pour retenir le poisson tout en laissant passer l’eau. Cela n’a pas encore été fait. En fait le poisson qu’on nourrit à longueur de journées se retrouve dans la Rusizi. C’est une perte pour nous. Il y a même de petits malins qui n’appartiennent pas à l’association qui vont en aval du canal  pour pêcher alors qu’ils ne nous aident pas à nourrir le poisson. Ils exploitent injustement nos efforts. Nous continuerons à plaider pour qu’un filtre en métal soit installé à l’embouchure du lac», a indiqué le président de l’APLD. Le matériel qu’on utilise est cher. Les pièges coûtent entre 100 et 300 mille FBu à Bujumbura sans parler des frais de transport. L’autre écueil est que certaines personnes ne respectent pas les règles qui ont été édictées par la direction de l’Environnement. Normalement il est interdit d’effecteur n’importe quelle activité dans un périmètre de 50 m à partir du lac.  On voudrait aussi apprendre comment sécher et bien conserver le poisson. Cela parce que quand les prises sont bonnes, il est difficile de tout vendre. Or, avec certaines techniques, on pourrait conserver le poisson pour  le vendre plus tard. 

Dogodogo, des origines mystérieuses ?

Le lac Dogodogo coupe en deux la 2ème Transversale de Rugombo. Son origine demeure mystérieuse. Il y a un siècle le lac n’existait pas. Il parait que ce sont des eaux souterraines qui auraient jailli des profondeurs de la terre à travers un trou de WC que creusait un habitant. Les eaux se seraient ensuite répandues chassant les habitants du coin. C’est comme ça que Dogodogo serait né.  

A propos de l'auteur

Parfait Nzeyimana.

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