Santé

L’OMS tire la sonnette d’alarme sur l’usage des antibiotiques

Le bureau de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) au Burundi a organisé une journée d’échange avec les professionnels des médias et ceux de la santé sur l’état des lieux de l’usage des antibiotiques. Les mauvaises pratiques comme l’automédication favorisent le développement des germes plus résistants aux antibiotiques. Et, par conséquent, le monde se projette vers une ère où toute infection ou une petite blessure pourrait être mortelle faute de médicaments efficaces

La résistance aux antibiotiques constitue aujourd’hui l’une des plus graves menaces pesant sur la santé mondiale, la sécurité alimentaire et le développement. C’est un phénomène naturel, mais le mauvais usage de ces médicaments chez l’homme et l’animal accélère le processus, précise l’OMS. Elle fait remarquer qu’il faut urgemment changer dans le monde entier la façon de prescrire et d’utiliser les médicaments. Même si on met au point de nouveaux antibiotiques, la résistance demeurera une grave menace sans une modification des comportements, lit-on sur le site de l’OMS.

M. Donatien Bigirimana, responsable du programme « Médicaments essentiels et politique pharmaceutique » à l’OMS/Burundi : « Les antibiotiques doivent être prescrits par un médecin. Ils sont servis dans les pharmacies sur ordonnance médicale.»

L’OMS rapporte que de nouveaux mécanismes de résistance aux antibiotiques apparaissent et se propagent dans le monde entier, compromettant ainsi la capacité à traiter les maladies infectieuses courantes. Pour un nombre croissant d’infections, comme la pneumonie, la tuberculose, la septicémie et la gonorrhée, le traitement devient plus difficile voire parfois impossible, du fait de la perte d’efficacité des antibiotiques.

Usage irrationnel des médicaments

D’après Emmanuel Bamenyekane, directeur du département de la Pharmacie, Médicament et Laboratoire au sein du Ministère de la Santé Publique et de Lutte contre le Sida, les principales causes de l’usage irrationnel des médicaments sont : le manque de connaissances, de compétences ou d’information indépendante, le manque de réglementation sur la disponibilité des médicaments, la surcharge de travail du personnel sanitaire et une promotion inappropriée des médicaments ainsi que des motifs plus lucratifs pour la vente de médicaments.
M. Donatien Bigirimana, responsable du Programme « Médicaments essentiels et politique pharmaceutique » à l’OMS/Burundi note que certains médicaments peuvent être servis dans les officines sans ordonnance médicale. C’est ce qu’on appelle « over-the-counter ». Ce sont des médicaments comme les antalgiques, etc. Mais les antibiotiques doivent être prescrits par un médecin. Ils sont servis dans les pharmacies sur ordonnance médicale. Malheureusement, beaucoup de personnes utilisent les médicaments à leur gré.

La «pharmacie par terre».

La présence des médicaments de la rue dits aussi « pharmacie par terre » a un impact sur l’usage rationnel des médicaments. « C’est un problème de santé publique puisque beaucoup de médicaments de la rue sont dans des conditions de conservation qui ne sont pas adéquates. A cela s’ajoute aussi la médecine traditionnelle. Dans la pratique courante, l’utilisation des plantes médicinales pousse les usagers à abandonner les médicaments qu’ils prenaient auparavant. Ce qui devient un problème de santé publique », indique M. Bamenyekane.
D’après l’OMS, la résistance aux antibiotiques entraine une augmentation des dépenses médicales, une prolongation des hospitalisations et une hausse de la mortalité. Si nous ne prenons pas des mesures d’urgence, nous entrerons bientôt dans une ère post-antibiotique dans laquelle des infections courantes et de petites blessures seront à nouveau mortelles, prévient l’OMS.

L’automédication

Dr Joseph Nyandwi, professeur à l’université du Burundi dans la faculté de médecine, évoque les principales raisons qui poussent la population à recourir à l’automédication. Selon une étude sur l’évolution de la consommation des antibiotiques réalisée auprès de 460 clients qui ont visité 32 pharmacies entre janvier et septembre 2015, en mairie de Bujumbura, 56 % des sujets interrogés pratiquent l’automédication, car ils n’ont pas de ressources financières pour accéder aux soins de santé. 27%, se réfèrent à la dernière prescription du médecin pour les mêmes symptômes et 13% disent qu’ils évitent les files d’attente dans les services de santé publique. Et les antibiotiques les plus fréquemment utilisés pour l’automédication sont : l’amoxicilline, la ciprofloxacine et le cotrimoxazole.
L’étude menée en 2013 sur la prévalence des bactéries montre que malgré l’utilisation des antibiotiques, les bactéries persistent encore. Ainsi, trois principales causes de l’infection urinaire chez les enfants hospitalisés au Centre Hospitalo-Universitaire Kamenge (CHUK) ont été relevées. Il s’agit de E coli (82%), K pneumonie (10%) et P mirabilis (3%). Ces résultats montrent que les bactéries affichent une résistance aux antibiotiques. A titre illustratif, en 2002, le taux de résistance de E. Coli était seulement de 50% pour l’ampicilline et de 47% pour l’amoxicilline alors qu’en 2013 elle atteint 82%.

Pourquoi la résistance aux antibiotiques ?

M. Bigirimana évoque des situations qui favorisent le développement des germes plus résistants. Il s’agit entre autres : de la prescription excessive d’antibiotiques, des patients qui ne terminent pas leur traitement, de l’usage excessif des antibiotiques dans l’élevage et la pisciculture, des pratiques inadéquates de lutte contre les infections dans les établissements de santé ainsi que de l’absence de nouveaux antibiotiques en cours de développement.
Quand on donne plusieurs antibiotiques de catégories différentes à un enfant ou à un adulte, cela favorise la sélection des germes et constitue un facteur de résistance. Plus on administre les antibiotiques, plus les germes s’adaptent et deviennent résistants. L’antibiotique n’aura pas d’effet sur la pathologie, explique Dr Nyandwi.

Perspectives

Le plan d’action mondial de lutte contre la résistance aux antimicrobiens a été élaboré avec 5 objectifs. Au Burundi, « on travaille sur la mise en œuvre du 4ème objectif et des études sur la consommation des antibiotiques ont été réalisées et une enquête rétrospective sur la résistance des antibiotiques ont été réalisées», indique M. Bigirimana. Il y a eu la mise en place d’un comité de surveillance sur l’usage des médicaments (pharmacovigilance). Des guides thérapeutiques et une liste des médicaments à prescription médicale obligatoire seront bientôt publiées.
Notons que la semaine du 13 au 19 novembre a été dédiée au bon usage des antibiotiques. Le thème choisi cette année est : « Demandez conseil à un professionnel de santé qualifié avant de prendre des antibiotiques».

A propos de l'auteur

Benjamin Kuriyo.

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