Economie

Pénurie du carburant : Une situation qui empire et perturbe la vie de tous

On constate depuis quelques jours que la production d’électricité est elle-même touchée par la pénurie de carburant. Les délestages se font plus fréquents ce qui obligent de plus en plus d’entreprises et d’artisans de recourir à l’usage des groupes électrogènes, gros consommateurs de carburant. L’activité économique s’en trouve elle-même perturbée.

File d’attente des véhicules de transport sur la station-service Interpetrol Asiatique

Brarudi impacté par la pénurie du carburant
La pénurie du carburant qui touche tous les secteurs de la vie économique du pays touche de manière significative la Brarudi. Le constat est fait par la chargée de Communication de cette entreprise qui affirme que l’entreprise souffre de cette pénurie comme toutes les autres entreprises du pays. Nelly Bazikamwe, de donner l’exemple de certains de leurs véhicules qui devraient livrer les boissons dans tous les coins du pays mais qui arrivent à s’approvisionner
difficilement en carburant ce qui ralenti la livraison des boissons, phénomène observé depuis la semaine du 15 mai
2017.L’inquiétude ne manquant pas pour tous, la chargé de la communication de nous rassurer que Brarudi fait ce qu’il peut pour continuer cette livraison afin de palier à une éventuelle rupture de stock surtout à l’intérieur du pays. Elle signale en outre que suite les coupures intempestives du courant de la Regideso font que la Brarudi doit faire recours aux générateurs pour continuer à tourner les lignes d’embouteillage.

Abattoir : diminution de la production, va-t-on vers une pénurie de viande de bœuf dans la capitale ?

 « Auparavant, on abattait à peu près 100 gros bétails, 300 petits bétails, et 25 porcs par jour. Actuellement on abat à peu près 20 gros bétails, 35 petits bétails et 15 porcs », informe Hubert Mbabazi, Directeur Général de l’Abattoir Public de Bujumbura. Il indique qu’à cause du délestage récurrent lié à la carence d’électricité, la machine de l’abattoir est obligée de fonctionner avec du carburant. Or, il y a carence », déplore M. Mbabazi. Il indique qu’avec la pénurie du gasoil, l’entreprise ne fonctionne pas normalement. Nous sommes mal à l’aise, se désole  M.Mbabazi. De plus, le déficit de carburant influe sur les fournisseurs. Ce sont ces derniers qui nous amènent le bétail de l’intérieur du pays. Ils proviennent des provinces de Ngozi, de Kayanza  et de Gitega. Depuis deux semaines et la pénurie, les camions ne se rendent plus dans le pays. Et les acheteurs de ce bétail se déplacent dans les bus dont le prix du billet a augmenté ! M Mbabazi fait remarquer que ces déplacements engendrent des frais de déplacement toujours plus élevés et il s’inquiète pour ce qui est de leur retour à Bujumbura. Certains préfèrent abandonner le métier et cela provoque une carence de bétail pour l’abattoir. Alors qu’avant la conjoncture socio-économique défavorable et le manque d’électricité et de carburant, on abattait 100 gros bétails, actuellement on n’en abat qu’une vingtaine, déplore-t-il.

Moins de poissons pêchés, leur prix est à la hausse.

Au marché de COTEBU, le prix des poissons a été revu à la hausse depuis le début la pénurie du carburant. En effet, aussi bien les pêcheurs que les transporteurs sont sanctionnés par l’augmentation du prix : les bateaux de pêche vont moins loin dans le lac et la durée de leur activité se voit réduite d’où la quantité de poisson a fortement diminué et son prix augmenté.

Le prix est passé de 8 mille FBu le Kg à 9 mille FBu et même 10 000 FBu le kg de poissons de type Mukeke. Les commerçants rencontrés sur place font savoir qu’un seau de ndagala frais, coûte entre 60 mille et 75 mille FBu alors qu’avant le coût oscillait entre 35 mille et 45 mille FBu. Ibrahim Nzeyimana, président des commerçants poissonniers constate avec tristesse une perte de plus de 40% de la vente.

Une clientèle qui se fait plus rare et moins dépensière.

Restaurant New Cayor

Un responsable de ce restaurant indique que les gens qui s’y rencontraient après les heures de services ne viennent plus. Ils se regroupaient chaque soir pour échanger sur différents sujets et se séparaient après avoir consommé quelque chose. Il explique que les clients ont le souci de trouver un bus-retour qui puisse les amener à leur domicile. J’ai l’impression que ce genre de rencontres se passe maintenant dans les quartiers. C’est une perte pour nous, puisque cela diminue la clientèle et, par conséquent, le rendement journalier.

Restaurant Waka Waka 

« Nous étions habitués à voir un grand nombre de clients venir prendre le petit déjeuner à 10h. Actuellement, les choses ont tourné autrement », fait savoir un travailleur à ce restaurant. Peu de gens viennent. On constate un problème de déplacement des clients suite à la pénurie du carburant. Il y avait même des personnes qui venaient ici pour se connecter sur le WIFI pendant certaines heures, mais les choses ont changé. Nous devons nous adapter. Cela est dû au fait que le carburant fait défaut. Tout le monde se presse pour faire la queue au parking de la gare du centre-ville.

Boucherie charcuterie Waka Waka Pizzeria

« Nous risquons de fermer », s’inquiète Tarzia Raimondo, patron de cette entreprise. Si le courant est coupé pendant 24 h, tout est au point mort. Le mazout n’est pas disponible pour actionner le groupe électrogène. Alors que nous avons l’autorisation du ministère ayant l’énergie dans ses attributions de nous approvisionner en gazoil dans des bidons, les pompistes ne nous donnent pas la quantité indiquée. Le propriétaire de Waka Waka Pizzeria précise qu’il va procéder à l’approvisionnement de ses clients avec des motos et des vélos.  Les frigos ne fonctionnent pas normalement. Nous avons diminué le taux d’approvisionnement de nos stocks puisqu’il n’y a plus assez de clients. Ainsi, comme le courant fait défaut dans les ménages, les clients achètent une petite quantité pour éviter que les produits achetés ne pourrissent pas dans leurs frigos à l’arrêt. Si la situation perdure, M.Tarzia indique qu’il va diminuer les heures de service de ses travailleurs.

Education : perturbations et nombreuses arrivées tardives.

« On observe un retard désabusé chez certains écoliers. Avant, tous les enfants étaient au salut du drapeau à 7heures 30 minutes, mais maintenant certains arrivent même après 8 heures du matin. Les uns marchent à pied tandis que les autres prennent des vélos ; lesquels n’ont pas accès au centre-ville », informe Longin Hakizimana, directeur de l’école Sainte Marie Mère de la Miséricorde (MAMMI). Il fait savoir que pour ne pas rompre le contrat avec leurs clients, les chauffeurs des bus scolaires louent les autres bus.

A notre passage à l’école « Arc-en-ciel » situé à l’avenue Pierre Ngendandumwe, François Nyandwi directeur pédagogique lui aussi ajoute que beaucoup d’enfants qui étudient à cette école viennent des quartiers périphériques qu’ils ont de ce fait besoin d’être déplacés. Il précise que le temps favorable à l’étude pour les enfants est le matin et qu’on enregistre un retard conséquent chez les enfants et aussi chez les membres du personnel.

« Nous enseignions sept leçons par jour, mais aujourd’hui quand on parvient à enseigner quatre leçons, c’est une chance inouie ! », s’exclame François Nyandwi avant de préciser que les enfants ne font plus de devoirs à domicile parce qu’ils rentrent fatigués et arrivent tardivement chez eux.

La pénurie de carburant affectant fortement l’ensemble du secteur du transport des personnes, l’ATRABU est parvenu à cibler cinq stations qui vont approvisionner ses membres en priorité, aussi bien les minibus et bus, que les motos, tuk-tuks et nombreux camions affiliés à ce syndicat. Toutefois, le problème persiste.                                                           

Dans le communiqué de presse signé le 16 mai 2017 par le ministre de l’Energie et des Mine Côme Manirakiza et qui devait entrer en vigueur la même date, suite à la pénurie du carburant, les stations-services Engen Kinama et Interpetrol Musaga vont désormais servir exclusivement les véhicules de type camions ou assimilées. La quantité à pourvoir est de 500 litres par camion-remorque, 300 litres par camion type Fuso ou camion type Benne et 200 litres par camion de type Dyna. Et cela par semaine. Les stations-services Engen Mutanga, Interpetrol Asiatique et Interpetrol Kanyosha  servent les bus et les minibus. Tout bus ou minibus de transport  dans la municipalité de Bujumbura a droit à 30 litres de carburant par jour. Les bus et les minibus se rendant à l’intérieur du pays  bénéficient de 40 litres. Interpetrol Musée vivant sert exclusivement les motos et les  tricycles (Tuk-tuk). Les quantités à servir à un tricycle et à une moto sont respectivement de 10 litres et 5 litres. Cette mesure vient de tomber en complément à celle du 3 mai qui autorisait les stations-services à n’ouvrir que de 7 heures à 18 heures. Cet horaire de distribution de carburant à la pompe va désormais de 6 heures à 19 heures. Toutes ces mesures sont prises pour faciliter la distribution du carburant et, partant, le transport ou le bon déroulement du transport de personnes et de l’activité économique. La seule question qui se pose encore : le carburant sera disponible en quantité suffisante pour le pays et sa capitale ?

Tout nouveau tout beau

« C’est un léger mieux chez les transporteurs », précise Charles Ntirampeba, secrétaire général de l’Association des Transporteurs du Burundi (ATRABU). Pour lui, après avoir constaté la situation de pénurie, les transporteurs ont approché les instances habilitées qui ont mis à leur disposition cinq stations-services pour les approvisionner. « Bien que le contrat soit verbal, c’est quand même un pas avant que, nous ne mettions en place nos propres stations. Par ailleurs, les fournisseurs de ces stations ont promis de faire leur possible pour que celles-ci soient alimentées régulièrement », se réjouit-il. L’ATRABU affirme qu’avec ce système de distribution, le travail reprend progressivement chez les investisseurs dans le domaine du transport. Ce qui constitue un plus pour l’économie du pays. « L’initiative de dédicacer les stations-services pour servir les transporteurs est vraiment louable. Cependant, pour être approvisionné, chaque transporteur doit d’abord payer une cotisation de 5.000 FBu. Nous nous demandons où va cette somme », s’inquiète un chauffeur qui fait le transport Bujumbura-Rutana.

Rien de nouveau

Charles Ntirampeba estime que le paiement d’une somme de 5.000 FBu n’est pas nouveau. « Ce qui est plutôt nouveau c’est le ciblage par l’ATRABU des stations-services qui approvisionnent les transporteurs uniquement », signale-t-il. M. Ntirampeba indique que les 5.000 FBu collectés une seule fois pour chaque transporteur sont destinés en partie à payer les superviseurs de la distribution de carburant. « Ceux-ci sont les membres de l’ATRABU. Par ailleurs, nous avons cherché les volontaires parmi les chauffeurs et les rabatteurs pour exécuter le travail de surveillance de la distribution du carburant, mais en vain », lâche-t-il. En plus, ajoute M. Ntirampeba, une autre partie de la somme collectée sert à la confection des fiches pour chaque véhicule. « Sur la fiche doivent figurer la date de réception du carburant, la plaque du véhicule, la quantité reçue et le trajet. C’est pour éviter de probables fraudes du produit », annonce-t-il.

Notons que la lettre du 5 mars 2017 adressée au ministre de l’Energie et des Mines par l’Observatoire de Lutte contre la Corruption et les Malversations Economiques (OLUCOME) stipule que pour assurer l’entrée du carburant en quantité très importante et pour un coût moindre dans le pays, l’importation de celui-ci devrait être faite par voie lacustre. Néanmoins, elle est toujours faite par voie routière car selon plusieurs sources, la voie lacustre reste interdite.

A propos de l'auteur

Mélance Maniragaba.

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