Economie

Projet de loi des finances, exercice 2019-2020 : Les dépenses globales de l’Etat grimpent à plus de 8 %

Le parlement a adopté mercredi le 29 mai 2019 le projet de loi portant fixation du Budget Général de l’Etat, exercice 2019-2020. Ainsi, le budget global de l’Etat s’élève à 1 516,4 milliards de FBu, soit une augmentation de 8,3%. Près de 85% du budget seront financés par des ressources internes (recettes fiscales et non fiscales ainsi que les produits financiers). La société civile redoute l’augmentation de la dette intérieure et ses conséquences

Pour l’année budgétaire 2019-2020, les dépenses totales de l’Etat passent de 1 400, 7 milliards de FBu pour l’exercice précédent à 1 516,4 milliards de FBu en 2019-2020, soit un accroissement de 8,3%. Par contre, les ressources de l’Etat passent de 1237,1 milliards de FBu en 2018-2019 à 1 323,1 milliards de FBu en 2019-2020, soit une augmentation de 7,3%. Les charges salariales à elles seules sont estimées à plus de 400 milliards de FBu. 

Dans ce contexte, le déficit global du projet de Budget général de 2019-2020 s’élève à 189, 3 milliards de FBu. Le gouvernement devra donc recourir aux emprunts pour équilibrer le budget ou, dans le cas échéant, recourir aux avances de la Banque centrale. Pourtant, l’article 12 du projet de loi des finances dispose que les avances de la Banque de la République du Burundi est du dernier ressort. Sinon dans les conditions normales, le gouvernement émet des bons et des titres de trésor. 

Plus de 80 % du budget proviendront des ressources internes

D’où proviendra cette somme faramineuse étant donné que la population devient de plus en plus une vache maigre ? Les ressources du budget général de l’Etat sont constituées par les recettes fiscales (854 949 655 518 FBu), les dons (373 579 110 724 FBu), les recettes non fiscales (53 896 986 304 FBu), les recettes exceptionnelles (44 651 095 000 FBu) ainsi que les produits financiers (10 000 000 FBu).  

Dr Domitien Ndihokubwayo, ministre des Finances, du Budget et de la Coopération au Développement Economique : « Le budget d’austérité est déterminé par le niveau de l’économie du pays »

Après le gel des financements, « nous avons constaté que nous avons des richesses inexploitées. Nous avons mis de la rigueur et de la discipline dans la collecte des recettes éparpillées », indique Dr Ndihokubwayo. Ce qui est important est la prise de conscience que le pays a des potentialités pour financer son budget. D’où le taux d’indépendance budgétaire a doublé au cours des 4 dernières années passant de 42% à 84,6%. « Aussi longtemps que le pays dépendra des aides extérieures, on ne parlera pas d’indépendance du pays », constate Dr Domitien Ndihokubwayo, ministre des Finances, du Budget et de la Coopération au Développement Economique. 

La politique d’austérité est-elle consécutive au gel des financements ? 

Depuis 2015, le gouvernement a tourné le dos aux bailleurs traditionnels dont l’Union Européenne, la Belgique, les Etats-Unis, etc. La Belgique va financer le budget à hauteur de 18,3 milliards de FBu, les Pays-Bas vont contribuer à hauteur de 6,5 milliards de FBu et les fonds de la Banque Mondiale et du Fonds d’Investissement pour le Développement Agricole (FIDA) s’élèvent respectivement à 77,8 milliards de FBu et 41,5 milliards de FBu. Pourtant, avant la crise de 2015, la part des bailleurs de fonds dans le budget était de 58%. Le député Léopold Hakizimana s’inquiète de la diminution progressive de la part des bailleurs de fonds dans le budget. Peut-on s’en réjouir d’autant plus que leurs appuis budgétaires étaient nécessaires pour la vie du pays. Il évoque l’austérité qui reste de mise alors qu’il devrait être temporaire. 

Le ministre affirme que le Burundi entretient de bonnes relations avec ses partenaires. « On ne peut pas toujours dépendre des aides extérieures. Ce n’est pas le volume des financements externes qui témoigne de la bonne collaboration avec les partenaires. Non plus, je ne l’entends pas de cette oreille », a indiqué le ministre en charge du Budget. Pour lui, le budget d’austérité n’est ni déterminé ou défini par le ministre en charge des finances, ni par l’Etat, ni voté par le parlement, mais il est déterminé par le niveau de l’économie du pays. Aussi longtemps que la croissance économique ralentit, le budget demeurera d’austérité. Elle va s’estomper au moment où la production croîtra de façon consistante, conclut-il.  

Indépendance budgétaire pour quel prix ? 

Le pays aspire à une indépendance budgétaire, mais à quel prix ?  L’Observatoire de la Lutte contre la Corruption et les Malversations Economiques (OLUCOME) parle d’un budget irréaliste, car il ne reflète pas le redressement économique et une meilleure répartition des crédits budgétaires. Cependant, s’inquiète l’observatoire, le gouvernement continue à prendre des mesures fiscales en vue d’augmenter les recettes de l’Etat sans toutefois prouver, dans la pratique, la contrepartie au développement du pays. Ceci parce que le taux de pauvreté continue à augmenter, déplore l’Observatoire. 

Pour l’OLUCOME, l’indépendance budgétaire est loin d’être acquise d’autant plus que le gouvernement fait recours à l’endettement interne pour résorber le déficit budgétaire. Cette situation ajoute le drame au drame. Elle stimule la dévaluation monétaire qui induit de manière indirecte l’inflation. La dette intérieure a déjà atteint une somme de plus de 1 600 milliards de FBu. Le budget d’austérité annoncé n’est pas pratiqué. Il serait d’actualité au cas où certaines dépenses seraient rationnées au profit des secteurs porteurs de croissance. 

Les secteurs clés de développement priorisés

Les ressources seront orientées essentiellement vers les secteurs prioritaires du gouvernement tels que retenus dans le Plan National de Développement (2018-2027). Il s’agit surtout des secteurs porteurs de croissance économique (agriculture, énergie et mines, transport, etc.), les secteurs de la sécurité et de la défense, les secteurs sociaux (éducation, santé …) et de tous les secteurs nécessaires au développement du pays, lit-on dans le projet de loi portant fixation du Budget Général de l’Etat, exercice 2019-2020. 

Ainsi les grandes priorités sont notamment la poursuite des provisions pour les élections de 2020 pour un montant de 33,2 milliards de FBu, l’appui au développement des communes avec une enveloppe de 570 millions de FBu par commune, la mise en place du Fonds d’Impulsion et de Garantie pour appuyer les coopératives des jeunes pour un montant de 4 milliards de FBu, la mise en place de la banque des jeunes et la finalisation de la construction du barrage hydroélectrique de Mpanda pour un montant de 18,6 milliards de FBu, la subvention des engrais chimiques pour un montant de 10 milliards de FBu ; la mise en œuvre du projet de reboisement « Ewe Burundi urambaye » pour 1 milliard de FBu. 

Des mesures pour accroître les recettes fiscales

Dans le but d’accroître les ressources intérieures, certaines nouvelles mesures seront mises en œuvre. Il s’agit essentiellement de : la révision de la législation fiscale, le renforcement de la collecte des taxes dans le secteur minier, la réduction du secteur informel à travers une fiscalité de proximité, le recouvrement des arriérés par l’OBR, etc.

La Cour des Comptes estime que ces mesures n’apportent pas d’impact significatif en termes d’augmentation des recettes dans le Projet de Loi des Finances (PLF 2019-2020). Comme certaines de ces mesures visent la révision des textes de loi, leur impact ne pourra être apprécié qu’après le vote des lois annoncées, constate la Cour.   

Les innovations contenues dans la nouvelle loi budgétaire 

Il est créé une ligne budgétaire cellule statistique dans tous les ministères pour faciliter la collecte et le traitement des données.  Pour faciliter le transport, le gouvernement exonère des droits et taxes à l’importation des véhicules transport rémunéré des personnes. Les véhicules doivent être neufs ou âgés de 5 ans au plus et avoir au moins une capacité de 30 places assises. Cette mesure a été motivé par le fait que les objectifs escomptés pour l’exercice précédent n’ont pas été atteints. Depuis juillet 2018, neuf véhicules seulement ont été importés.  

Le projet de loi budgétaire prévoit des budgets additionnels pour les conseils nationaux et les commissions spécialisées. Ces institutions vont bénéficier des augmentations de 150 millions de FBu chacune. Cela pour leur permettre d’accomplir efficacement leurs missions. 

Dans le but de préserver l’environnement, il est opéré une surtaxe de 100% sur les sachets importées ou l’importation des matières premières servant à la fabrication des sachets. De plus, le dénonciateur d’un individu coupable d’un incendie portant sur les réserves naturelles bénéficiera d’une prime forfaitaire de 10 millions de FBu. 

Pour se conformer aux normes de la Communauté Est Africaine, l’année budgétaire débute le 1er juillet pour se clôturer le 30 juin de l’année suivante. Dans ces conditions, le projet de loi budgétaire sera promulgué au plus tard le 30 du mois courant. 

Qu’est-ce qu’ un budget ? Le budget est l’état des dépenses et des recettes publiques prévues pour un an ou pour un exercice. Les budgets nationaux, ou comptes prospectifs annuels, sont dressés sur des hypothèses générales. Bref, le budget ordinaire d’un Etat est la traduction chiffrée de ses priorités en matière de son fonctionnement, et de sa politique de développement. Chaque année, le ministre des finances défend le budget devant les deux chambres du parlement qui l’adoptent qui l’adopte avant sa promulgation par le Président de la République. La notion de déficit budgétaire désigne le budget de l’État qui est en déficit: les recettes de l’Etat (hors emprunt) sont inférieures à ses dépenses (hors remboursement d’emprunt) d’où un solde budgétaire négatif. Dans le cas opposé, on parle d’excédent budgétaire. Pour le cas du Burundi, les dépenses de l’Etat sont de loin supérieures aux recettes. Les prévisions de l’exercice 2019-2020 montrent que le montant global des dépenses s’élève à 1 516,4 milliards de FBu alors que les recettes sont estimées à 1 323,1 milliards de FBu, soit un écart de 189,3 milliards de FBu. Le déficit budgétaire peut se traduire par de nouveaux emprunts contractés par l’État au cours de l’année, en plus de ceux destinés à amortir les emprunts antérieurs arrivés à échéance. Ces emprunts viennent alimenter la dette de l’État, de même que le déficit public augmente la dette publique.

A propos de l'auteur

Benjamin Kuriyo.

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