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A la découverte de la pêche sur le lac Rweru

La province de Kirundo compte plus de cinq lacs. Mais c’est sur le lac Rweru que les activités de pêche sont plus importantes. Ce lac compte plus de quinze espèces de poissons. Les poissons en provenance de Kirundo sont disponibles dans toutes les provinces du Nord. Mais une grande partie de la production est vendue dans la capitale économique Bujumbura. Et une partie des poissons fumés est exportée vers la République Démocratique du Congo (RDC)

A la découverte de la pêche sur les lacs du nord, des journalistes de l’hebdomadaire socio-économique Burundi Eco se sont rendus dans la province de Kirundo et précisément sur le lac Rweru. Mardi le 12 janvier 2021, vers 11h 30 minutes, nous débarquons au chef-lieu de la zone Nyagisozi, commune Busoni, province de Kirundo. De nombreuses gens sont sur le lieu. Ils regardent attentivement notre véhicule. Nous descendons de notre jeep Prado avec notre matériel (appareil photo, gilets), « ce sont des journalistes ». Des murmures se font entendre.

Nous descendons au débarcadère de Nyagisozi situé sur le lac Rweru. Une dizaine d’hommes s’y trouvent. Ce sont des pêcheurs. Ils arrangent les bateaux. Une petite quantité de poissons de différentes espèces est là. Dans un bateau. Les policiers sont également là. Ils assurent la sécurité. Ils veillent également à ce que les pêcheurs n’utilisent pas le matériel prohibé.

Au lac Rweru, la pêche date de longtemps. Elle se fait le jour et la nuit.

La pêche, un vieux métier sur le lac Rweru

Anatole Bizohwanya, a 63 ans. Il est originaire de Nyagisozi et c’est un pêcheur à la retraite. Il est le chef (président) des pêcheurs du site de débarquement de Nyagisozi. Il affirme que la pêche sur le lac Rweru date de longtemps. Il informe qu’il a grandi en voyant ses parents pêcher. Selon lui, ce sont les Blancs surtout d’origine grecque qui ont commencé la pêche sur le lac Rweru. C’est un blanc du nom de Yorogo, pseudonyme attribué à tous les pêcheurs grecs de l’époque qui a débuté l’origine de la pêche sur le lac Rweru. A son retour dans son pays natal, il a passé le témoin à un autre blanc du nom de Nicko qui était encore au Burundi jusqu’à la crise socio-politique de 1993. Il serait mort à Ngozi, raconte-t-on.

Le lac Rweru compte plus de quinze espèces de poissons et huit sites de débarquement

La pêche, sur le lac Rweru a toujours été fructueuse. Albert Hatungimana, gouverneur de la province de Kirundo indique que cette province compte plus de cinq lacs tout en expliquant que l’activité de pêche est fructueuse sur le lac Rweru.  Plus de quinze espèces de poissons se trouvent dans ce lac. Le Protopterus aethiopicus appelé en kirundi Injombo, Oreochromis niloticus (Ikoke), Clarias gariepinus (Isomvyi), Clarias gariepinus (Imare), Tilapia rendalli (Igihwati), etc. Les principales espèces sont les Tilapias, les Clarias et les Synodonti. Selon les pêcheurs, ces espèces trouvent une nourriture abondante dans ce lac dont la vase organique en abondance, les débris végétaux et les insectes.

Le lac Rweru compte huit sites de débarquement, révèle Emile Mvuyekure, pêcheur sur le lac Rweru depuis 2011. Il s’agit des sites de Nyagisozi, Mugongo, Senga, Gatare, Gatete, Mago, Nyange et Sigu. Le Lac Rweru est riche en faune. On y trouve des hippopotames, des crocodiles, des serpents et des tortues.

Une pêche essentiellement coutumière

La pêche sur la lac Rweru est coutumière. Les pêcheurs recourent à des petites pirogues en bois. Une pirogue est utilisée par une seule personne. Pour pêcher, Emile Mvuyekure précise qu’ils utilisent des pièges qu’ils placent dans l’eau. Ils utilisent aussi un autre outil fabriqué en métal dénommé « Indowani ». Ces derniers sont fabriqués en filets ou cordes. Il y a également des hameçons. « Sur cet piège, nous mettons des choses que les poissons aiment manger (écorchures de manioc).  Si le poisson vient manger ces écorchures, il est capturé. Nous tendons ces pièges dans le lac, puis nous retournons sur la terre pour y revenir tardivement pour ramasser les poissons capturés », explique M. Mvuyekure.

Anatole Bizohwanya, sexagénaire révèle que dans le passé les pêcheurs utilisaient des matériels archaïques et illégaux.  « Auparavant, nous utilisions des outils archaïques. Ils n’étaient pas légaux. C’étaient des pièges qu’on appelait « Ishomino » en Kirundi. On pêchait des poissons plus gros que ceux que nous pêchons aujourd’hui. Ce n’était pas légal. Actuellement, on n’utilise même pas des moustiquaires parce qu’ils sont prohibés. Il n’y en a  plus ici au débarquement de Nyagisozi », explique Bizohwanya. Ils utilisaient aussi des filets maillats.

La pêche se fait le jour et la nuit. Normalement, la pêche se fait pendant la journée. Mais, il arrive que certains gens pêchent la nuit, précise M. Bizohwanya. « Certains passent la nuit dans l’eau et d’autres préfèrent pêcher pendant la journée ».

L’abondance des poissons est périodique

Selon les pêcheurs, l’abondance des poissons dans le lac Rweru s’observe selon les saisons. Emile Mvuyekure révèle que les poissons sont abondants à partir du mois de juin jusqu’au mois de novembre. « On peut capturer entre dix et quinze gros poissons. Dès le mois de février, la pêche n’est plus rentable. On capture entre trois et cinq poissons ».  C’est suite aux pluies abondantes. Pendant cette période, Il n’y a pas de soleil. Ce qui fait que les poissons vont se réfugier en profondeur car il fait froid. « Si les poissons sont dans les bas-fonds, on ne peut pas les attendre. C’est un défi », se lamente M. Mvuyekure.

Plus d’1 million de FBu de recettes communales enregistré par semaine

Selon le gouverneur de la province Kirundo, qui fut dans le temps administrateur de la commune Busoni, cette commune tire énormément profits du lac Rweru.  « Le lac Rweru aide dans le développement de la commune Busoni en ce qui est des taxes. De 1 à 2 millions de FBu de taxes sont collectés chaque semaine. Cette année, la commune de Busoni prévoit encaisser 100 millions de FBu de taxes provenant de la pêche », fait-il savoir. Vous comprendrez que ce lac donne des rendements importants. Un carton rempli de poissons est taxé à 5 mille FBu, précise Albert Hatungimana.

Le lac Rweru aide dans le développement de la commune Busoni. Plus d’1 million de FBu de recettes communales enregistré par semaine.

Les investisseurs en tirent profit

Ezéchiel Bwitonze est également originaire de la commune Busoni. Avant d’y mettre fin,  il avait investi dans la pêche au lac Rweru. Il indique que par jour, il pouvait gagner entre 50 et 100 mille FBu. Il révèle que par mois, il pouvait gagner à peu près un million de Fbu. Selon lui, au minimum il gagnait 600 mille FBu par moi.

Cependant, avec l’augmentation du nombre de pêcheurs et d’engins de pêche illicite dans le lac Rweru la production a chuté. Il a orienté ses investissements vers les activités agricoles.

Le lac Rweru fait face à de nombreux défis

La pêche dans le lac Rweru fait face à des défis non négligeables. Ezéchiel Bwitonze investisseur-pêcheur au lac Rweru indique que de nombreux cas de vol d’engins de pêche (filets) se remarquent dans le lac Rweru. Une des causes de son désengagement de la pêche. Il souligne aussi les questions liées à l’insécurité. Face à tout cela, le gouverneur tranquillise. Actuellement, la marine burundaise assure la sécurité côté burundais.

Le gouverneur de Kirundo ajoute que certains pêcheurs utilisent toujours des outils rudimentaires et non reconnus. « Ils utilisent toujours des moustiquaires ou des filets maillats.  On est en train de faire face à cela. Il y a trois semaines on brûlait des moustiquaires et on détruisait les pirogues des récalcitrants », fait savoir Albert Hatungimana.  Les pêcheurs n’ont pas également d’outils de sauvetage entre autres les gilets de sauvetage.  Il indique qu’il s’observe des cas de décès suite à la noyade. Nous envisageons de leur donner des gilets de sauvetage.

Le mauvais état de la route qui mène à ce lac constitue un autre défi de taille. « Si les routes sont en bon état, le commerce s’améliorera », explique le gouverneur. A Busoni, il n’existe pas de congélateurs pouvant servir à la conservation des poissons. Si le fumage tarde, ils se détériorent. Certains pêcheurs travaillent à perte.  Cette problématique pourra être résolue prochainement. Et les 20 km entourant le lac Rweru seront électrifiés d’ici peu de jours. Les travaux vont bon train. Des investisseurs vont injecter des fonds dans ce secteur, rassure-t-il.

Il y a également la rivière Nyabarongo du Rwanda qui déverse des déchets dans le lac Rweru. Le lac change de couleur et devient rouge. Cela fait que le rendement de poissons soit faible. Albert Hatungimana espère que le Burundi et le Rwanda vont s’entendre sur la manière de faire dévier les déchets qui se déversent dans le lac. Une partie non négligeable de ce lac n’est pas propice à la pêche suite aux ilots flottants qui se déplacent régulièrement sous l’influence du vent.

Plus de 150 personnes habitent dans une île dans le Rweru

Au milieu du lac Rweru dans la partie Burundaise se trouve une île appelée Kuruyoka. Cette dernière abrite environ 172 personnes réparties en 45 ménages, fait savoir le gouverneur de Kirundo avant d’ajouter que ces personnes vivent dans une misère sans nom. Pas d’écoles ni de structures de soins de santé. Ces familles n’ont ni eau potable ni latrines. Le gouverneur trouve que ces gens nécessitent d’être évacués étant donné que le lac peut déborder d’un moment à l’autre. « Les éloigner de cette ile serait la meilleure solution. Nous avons soumis ce problème aux autorités compétentes. Nous espérons qu’une solution adéquate lui sera trouvée ».

Selon le gouverneur Hatungimana, la province de Kirundo compte plus de cinq lacs. A part le lac Rweru, cette province compte en son sein le lac Rwihinda qui sert de lieu touristique. On l’appelle le lac aux oiseaux. C’est une zone protégée. « Toutes les espèces d’oiseaux du monde s’y retrouvent ». Il y a également les lacs Cohoha, Kanzigiri, Gacamirindi et Gitamo.

En guise de conclusion, on peut dire que la pêche n’est pas très structurée au niveau du lac Rweru. Elle est pratiquée par des agri-pêcheurs. Ceux-ci ne portent pas de gilets de sauvetage et adhèrent de moins en moins aux coopératives alors que c’est une exigence sur le lac Tanganyika. Ils n’utilisent pas d’outils sophistiqués. Ils utilisent des pirogues de fortunes sans moteurs. La pêche sur le lac Rweru n’exige pas assez de moyens et d’efforts par rapport aux standards du lac Tanganyika.

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