L’EAC vient de s’agrandir encore une fois. Les ambitions économiques traduites en relations bilatérales prennent le devant dans ce dossier. Riche en minerais et forte de sa population et de sa superficie continentale, ce pays suscite la convoitise depuis belle lurette. Désormais, la porte vers ce grand marché est grandement ouverte aux pays de l’EAC
Depuis le 27 février 2021, la RDC fait partie intégrante de la communauté de l’Afrique de l’Est. Ainsi, cette communauté minée par des dissensions internes vient de presque doubler sa superficie. Les enjeux doivent être énormes. A voir les objectifs que s’était fixée cette communauté, tout esprit critique pourrait affirmer que le processus d’intégration n’est pas allé au rythme voulu. Les enjeux économiques pour chaque pays membre ont pesé lourd sur l’agenda d’un avenir commun sur plusieurs points.
Au regard d’un critique, les pays membres de la communauté ne roulent pas dans un même train. Les intérêts divergent et tous le savent très bien. L’adhésion de la RDC a été une bonne nouvelle pour l’ensemble de la communauté mais, chaque pays membre compte beaucoup sur les relations bilatérales. Ainsi, ce nouveau marché risque d’imposer le rythme de la danse.
La course aux profits individuels s’impose
Les chiffres suffisent pour comprendre le poids de l’événement. Avant l’adhésion de la RDC, la communauté était forte de plus de 184 millions d’habitants et d’une superficie de 2. 440.408 km2. Avec l’entrée du géant francophone, la communauté a enregistré 87 millions d’habitants et 2,345 millions de km2 de superficie de plus pour constituer un territoire continentale de 4.785.408 km2 peuplé de plus de 285 millions d’habitants. De toutes les façons, l’entrée de la RDC dans l’EAC va de pair avec de nouveaux enjeux économiques dans la région.
Si ce pays qui partage le passé avec les autres pays des Grands Lacs s’engage à intégrer l’EAC, cela n’est ni un hasard ni un geste fantaisiste. Il s’agit d’une mesure qui s’inscrit dans la démarche géopolitique ordinaire motivée par des intérêts purement économiques. Ainsi, les ambitions économiques restent, logiquement parlant, le motif directeur des choix des gouvernements et une source de conflits politiques.
Cependant, les pays de la région des Grands Lacs ont depuis longtemps entrepris avec la RDC une politique de rapprochement économique. Le Kenya, l’Ouganda et la Tanzanie figurent parmi les 10 premiers fournisseurs de la RDC.
Se rendant compte de l’importance que ce marché représente pour son économie, la Tanzanie manifeste la volonté de se rapprocher de son client. En 2020, ce géant de l’East African Community projetait de développer son transport maritime pour booster ses échanges commerciaux avec la RDC.
L’Ouganda de Museveni tire la même carte. Chaque année, ce pays y exporte des marchandises et des services évalués à plusieurs millions USD. Rapportant les propos de la ministre ougandaise des investissements, l’agence Ecofin dévoile dans son article publié le 12 novembre 2019 que les échanges commerciaux transfrontaliers entre les deux pays allaient au-delà de 532 millions USD par an. Pour booster ses activités commerciales avec ce pays, l’Ouganda prévoit de verser des aides équivalant à 66 millions USD à son voisin pour la réhabilitation des infrastructures routières, le but étant de doubler le flux des échanges commerciaux. C’est dans cette optique qu’ont été signés le 9 novembre de la même année les accords visant à améliorer l’état de plusieurs corridors vitaux qui relient les deux pays.
Le Kenya n’est pas en reste. Ce pays qui n’est pas frontalier avec la géante RDC a su se tailler la place. En effet, Equity Group, une entreprise kenyane spécialisée dans le transfert des services revendique une place importante dans le secteur bancaire congolais. « RDC : le kenyan Equity Group se taille la part du lion sur le marché bancaire », titrait la Tribune Afrique en août 2020. En rachetant 66,63% des actions de la Banque Commerciale Du Congo (BCDC), deuxième banque puissante du pays, le groupe kenyan devenait un acteur incontournable du secteur bancaire de ce pays. Le Kenya exporte également ses marchandises dans ce pays continental malgré les longues distances à parcourir.
Un retard notoire pour le Burundi
Le Rwanda et le Burundi sont les plus petits pays de l’EAC. Dans la course aux profits économiques dans une communauté grandissante, le Burundi semble être un retardataire à la table des invités. Le Burundi est presqu’absent du marché congolais alors que le Kenya, la Tanzanie et l’Ouganda sont prêts à renforcer davantage leurs relations avec la RDC.
Avec une balance commerciale très déficitaire et une population inférieure à 5% de la population de l’ensemble des 7 pays membres de l’EAC, le Burundi semble ne pas embarquer dans le même bateau que ses voisins. Coincé entre les géants RDC et Tanzanie respectivement à l’Ouest et à l’Est, ce petit pays risque de leur servir de pont. Le Burundi n’a pas pu bénéficier de cette position stratégique pour développer ses échanges avec ses voisins. Depuis des années, il ne fait que subir les exportations, principalement de la Tanzanie et de l’Ouganda. La balance commerciale du Burundi est restée très déficitaire. Ce qui prouve que la production est limitée dans tous les secteurs.
Quid des relations commerciales entre le Burundi et la RDC ?
Au moment où tous les pays de la région ont les yeux tournés vers la RDC, les échanges entre la RDC et le Burundi sont, quant à eux, très limités. Plusieurs obstacles empêchent les échanges de prospérer. Le commerce informel se taille la part du lion et les commerçants opérant à ce niveau disent faire face à divers obstacles. La corruption, le mauvais état des routes ou l’insécurité dans l’Est du Congo sont des obstacles majeurs aux échanges entre le Burundi et la RDC. Le processus de facilitation des opérations commerciales à cette frontière entre les deux pays a trainé.
Lors de la 14ème réunion des ministres des Affaires Etrangères du COMESA tenue à Addis-Abeba le 28 mars 2015, la question a été abordée. Selon les recommandations de ladite réunion, la RDC poursuivrait le processus menant à la mise en œuvre du Régime Commercial Simplifié sur tous les principaux postes de frontière avec ses voisins. Dans cette optique, une réunion bilatérale entre la RDC et le Burundi a eu lieu du 9 au 11 février 2016 à Bujumbura. Cette réunion a recommandé que les deux pays accélèrent le processus de mise en œuvre du régime commercial simplifié (Récos) à leurs frontières communes. Malheureusement, le Burundi est resté réticent à adopter la liste proposée des produits à échanger. Cependant, les autorités affirment poursuivre le processus. Selon Léonidas Ndayizeye, économiste et professeur à l’Université du Burundi, le Récos était très bénéfique autant pour le Burundi que pour la RDC.
Les nouveaux horizons pour le Burundi
L’adhésion de la RDC à l’EAC n’est pas un rien pour le Burundi. Le bloc de l’Afrique de l’Est semble s’être plus consolidé pour que le Burundi, à son stade embryonnaire en développement des entreprises, puisse lui faire face. Ce qui justifie le rang qu’occupe la RDC dans les exportations du Burundi. Avec l’ouverture de la RDC, suivant le principe de libre échange régissant les échanges commerciaux au sein de la communauté, le Burundi pourra agrandir le marché d’écoulement pour ses produits.
Pour se tailler une place dans la région, le Burundi devra entreprendre de grands chantiers dans plusieurs secteurs. Le développement des secteurs énergétique, entrepreneurial et financier,… est obligatoire pour se hisser à l’échelon supérieur. Ce pays doit donc revoir à la hausse sa production, mettre à l’honneur ses échanges commerciaux avec la RDC et encourager les investisseurs étrangers à investir au Burundi.
L’East African Community (EAC) ou la Communauté d’Afrique de l’Est est une organisation politico-économique internationale comprenant sept pays: le Burundi, le Rwanda, la Tanzanie, l’Ouganda, le Kenya, le Soudan du Sud et la RDC. A l’origine, cette communauté fut fondée en 1967 sur l’initiative du Kenya, de la Tanzanie et de l’Ouganda. Née d’un compromis des Etats aux intérêts divergents et aux visions irréconciliables, la communauté finira par se dissoudre en 1977. L’esprit plus libéral du Kenya, la philosophie socialiste de la grande Tanzanie et la bataille à cheval de l’Ouganda sur les deux mondes ont fini par mettre à mal la jeune communauté. Elle renaîtra plus tard en 2000-2001.