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L’autonomisation financière, un « catalyseur » des droits de la femme

En marge de la célébration de la journée internationale de lutte pour les droits de la femme, la rédaction a rencontré Mme Annonciata Sendazirasa, une des femmes leaders. Elle nous partage ses attentes par rapport à la création de la banque dédiée aux femmes. Cette institution financière en gestation va sans doute booster l’inclusion financière des femmes dans le pays

Le conseil des ministres a récemment adopté une note relative à la création d’une institution financière des femmes. Pour Mme Annonciata Sendazirasa, deuxième vice-gouverneur de la Banque centrale, la banque des femmes vient changer la donne pour ne pas rallonger la liste des institutions de microfinances (IMF) très importantes, certes, et mises en place par les femmes et pour l’inclusion financière des femmes, mais qui ne peuvent se limiter qu’aux prêts de faibles montants, ne pouvant leur permettre de devenir de grandes femmes d’Affaires, responsables de grandes entreprises. Toutefois, elle rend hommage aux femmes qui sont champions de ces IMF, qui se sont organisées pour aider les autres femmes à atteindre une certaine autonomisation financière via ces IMF. Sans toutefois les nommer, pour ne pas en oublier une, elle salue leur apport en matière de développement au niveau du pays et des femmes en particulier pour leur participation à l’inclusion financière. La banque d’investissement pour les femmes en perspective est la bienvenue. Elle témoigne que les femmes avaient jusqu’à présent de grands obstacles liés à l’accès au crédit. Les femmes vivent jusqu’aujourd’hui des frustrations liées aux tracasseries administratives et juridiques discriminatoires pour leur accès au crédit.

La limite d’accès au crédit viole les droits économiques

Mme Sendazirasa espère que la banque des femmes apportera des solutions aux contraintes de paperasseries administratives et obstacles juridiques liés au statut de la femme burundaise mariée pour lui faciliter l’accès au crédit. Mme Sendazirasa en a vécu l’expérience. Elle se demande ce qui peut en être pour le citoyen lambda. Mais là, elle parle des femmes ayant accès au revenu régulier et ainsi au crédit.

Mme Annonciata Sendazirasa, deuxième vice-gouverneur de la Banque centrale : « En principe, il faut mettre la femme qu’il faut à la place qu’il faut. Au cas contraire, cela donne une mauvaise image de la femme et, par conséquent, renforce les stéréotypes envers les femmes »

Il faudra que la banque des femmes allège les conditions d’octroi du crédit pour faciliter à la femme l’accès à ce monde des finances (que ces conditions soient traduites également en kirundi). Mais la question est encore plus cruciale pour la majorité des femmes burundaises rurales, urbaines, sans revenu régulier, sans garanties quelconques. Elle se demande comment elles pourraient accéder facilement au crédit de la banque des femmes. Elle suggère la mise en place d’un fonds de garantie à cet effet. En effet, une banque des femmes est une très bonne chose ; mais le risque de crédit en est une autre. Une institution financière pareille devra tenir compte non seulement des droits économiques de la femme, mais aussi des obligations liées à l’accès à ce crédit.

Entrepreneuriat féminin, tremplin de l’économie ?

L’entrepreneuriat féminin prend de l’élan dans divers secteurs. Les femmes montent des entreprises, d’autres initient des activités génératrices de revenus ici et là. Mais les défis persistent. L’entrepreneuriat féminin est une grande étape pour que la femme puisse être autonome financièrement. Des études ont déjà démontré que le crédit octroyé à la femme à plus d’impact positif pour l’amélioration des conditions financières de la famille que pour l’homme ; mais aussi que les femmes remboursent mieux leurs crédits que les hommes. En effet, une femme qui gère une entreprise le fait comme si elle gérait les biens de la famille. L’inclusion financière qui tient compte de la femme est ainsi une porte d’entrée pour l’autonomisation financière des ménages, et partant, pour le développement économique du pays.

La législation burundaise accorde 30% de participation des femmes dans les différentes instances de prise de décisions du pays. Pourtant, ce quota n’est pas scrupuleusement respecté

Les quotas ont encore leur signification mais il faut que les chiffres reflètent les compétences des femmes occupant les différents postes de responsabilité, fait savoir Mme Sendazirasa. En principe, il faut mettre la femme qu’il faut à la place qu’il faut. Au cas contraire, cela donne une mauvaise image de la femme et, par conséquent, renforce les stéréotypes envers les femmes, estime-t-elle. Le concept Genre est un concept social qui a consacré la division des tâches des femmes, de par le passé. Il y a des endroits où si vous exigez 50% des femmes, on ne pourra pas les avoir facilement. A d’autres postes, nous réclamons plus de 30%, car il y a des femmes qui peuvent les occuper.

Pensez-vous par exemple que les femmes burundaises ne pourraient pas être capables d’occuper des postes stratégiques de la Superstructure ou présidence de l’assemblée nationale ou du Sénat ? Mais, déplore-t-elle, cela fait un bon bout de temps que ces postes sont occupés uniquement par des hommes. Il en est de même des postes de présidents des Conseils d’Administration ou de Directeur Général des Institutions ou Entreprises publiques, d’Administrateur Directeur Général des Banques. Trop peu de femmes les occupent. Nous avons initié le « Guide de l’intégration du Genre dans la mise en œuvre du PNRA » (Programme National de la Réforme Administrative) lorsque nous étions encore en charge du Ministère de la Fonction Publique, nous avons relevé tous les chiffres en rapport avec le Genre dans l’Administration burundaise. Les chiffres sont là. Evidemment, 50% de femmes à l’Armée ou la Police aujourd’hui, il serait très difficile d’atteindre ces quotas. Ici, il faut de la sensibilisation des femmes. Dans les secteurs de l’Enseignement et la Santé par exemple, vous trouverez plus de femmes que d’hommes.  Il y a des outils pour améliorer les équilibres-genre, on devrait les exploiter. Et ce qui est déplorable, les erreurs d’une poignée de femmes sont plus repérées que celles des hommes. Peut-être parce que Eve a trompé Adam dès la création du monde; mais nous sommes aujourd’hui, dans la Nouvelle Alliance, l’alliance individuelle, le temps de la Grâce. Chacun devrait répondre de ses propres actes.

Elle plaide pour une augmentation des quotas à tous les échelons, car les femmes méritent plus que 30%. Elle ne s’arrête pas au niveau numéraire, elle évoque aussi le  niveau des compétences pour avoir la femme à la place qu’il faut. La représentativité de la femme suppose l’attribution des postes de responsabilité aux femmes de la base au sommet. Si la femme est représentée à tous les échelons, de la base aux grandes instances de prise de décision, les revendications féminines auront plus de poids. Cela changerait radicalement la considération en ce qui concerne l’image de la femme.

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