La Banque Mondiale via le rapport de l’enquête du Programme d’Analyse des Systèmes Educatifs de la Confemen (PASEC) accorde une bonne place aux élèves burundais de l’école primaire. Selon elle, ils obtiennent de meilleurs résultats par rapport à ceux des autres pays de l’Afrique subsaharienne. Les réformes qui ont été opérées dans ce secteur sont certaines des raisons de cette situation
Selon la Banque Mondiale, le rapport de l’enquête du PASEC 2014 indique que les enfants burundais obtiennent de meilleurs résultats que leurs pairs d’Afrique francophone en lecture (en 2ème année de scolarité) et en mathématiques (en 2ème et 6ème année). Dix pays ont été évalués. Ce sont entre autres le Benin, le Burkina Faso, le Burundi, le Cameroun, le Congo, la Côte d’Ivoire, le Niger, le Sénégal, le Tchad et le Togo. Dans les dix pays, hormis au Burundi où la langue du test et de scolarisation correspond à une langue qui est familière aux élèves, ce rapport fait savoir que les pourcentages d’élèves en dessous des seuils dits suffisants sont très élevés. Dans ces pays, la grande majorité des élèves scolarisés pendant deux ans éprouve de multiples difficultés à comprendre, ne serait-ce que des messages oraux courts et familiers dans la langue d’enseignement. En mathématique, une très grande majorité d’élèves de ces neufs pays ne maîtrisent pas les premières notions de quantités (dénombrement, comparaison) autour des objets et des nombres (inférieur à 20). La proportion globale d’enfants en grande difficulté est relativement importante, soit 12,4% en langue et 16,2% en mathématique.
Au Burundi qui fait exception, ce rapport fait remarquer que près de 8 élèves sur 10 atteignent le seuil suffisant en langue (Kirundi) en début de scolarité primaire. En mathématique, plus de 9 élèves sur 10 atteignent le seuil suffisant. Par ailleurs, les élèves qui n’atteignent pas ce seuil ont acquis les compétences les plus élémentaires mesurées par les tests. Ces résultats sont cohérents avec ceux de l’évaluation des compétences fondamentales en lecture réalisée en 2011 qui a révélé que 40% des élèves de 2ème année étaient des lecteurs autonomes et 40% des lecteurs partiels, tandis que 20% seulement ne savaient pas lire.
Selon la Banque Mondiale, le rapport de l’enquête du PASEC 2014 indique que les enfants burundais obtiennent de meilleurs résultats que leurs pairs d’Afrique francophone en lecture (en 2ème année de scolarité) et en mathématiques (en 2ème et 6ème année).
Les défis persistent malgré les avancées
Néanmoins, malgré ces avancées, on précise qu’il y a des défis considérables à relever. Si la gratuité a sensiblement amélioré les taux d’achèvement du cycle primaire, ces derniers sont encore inférieurs à la moyenne de l’Afrique subsaharienne et des autres pays à faible revenu. Quatre enfants sur dix ne terminent pas l’école primaire et sept sur dix n’achèvent pas leurs études secondaires. La pression démographique est en partie responsable de cette situation, car de plus en plus d’enfants intègrent le système scolaire. L’afflux d’élèves a mis à rude épreuve les ressources d’enseignement, en particulier dans des matières fondamentales comme le français, autre langue officielle du Burundi avec le kirundi. Alors que le Burundi compte en moyenne 4,8 personnes par ménage et que le taux de fécondité avoisine 5,9 enfants par femme, la population devrait doubler d’ici 2050. Pour répondre au défi que pose cette démographie galopante pour l’offre de services d’éducation de base, les autorités ont pris des mesures concertées de manière à satisfaire la demande, notamment le recrutement des enseignants et en mettant en place d’un nombre suffisant de salles de classe.
Depuis 2013, Chantal Mugisha, enseignante dans la province de Bubanza qui s’est entretenue avec Burundi Eco fait savoir que le Burundi a mis en œuvre une importante réforme de son système éducatif. Le niveau primaire (6 années) a été commué en 9 ans. L’ambition était de promouvoir la qualité de l’enseignement. Le système éducatif a connu une expansion forte au cours de la dernière décennie. Les effectifs scolaires sont en hausse à tous les niveaux de l’enseignement. Le préscolaire, quoiqu’encore faible au regard de la demande sociale, a vu ses effectifs presque tripler entre 2004 et 2016, passant de 32 051 à environ 92 000 enfants. Au cours de la même période, les effectifs scolarisés au primaire ont plus que doublé passant de 1 038 859 à 2 110 429 enfants dont moins de 2% sont dans des structures privées. Ceci s’est traduit par un maintien au-dessus de 100% du Taux Brut d’Accès comme du Taux Brut de Scolarisation depuis plus d’une demi-décennie. Ces taux sont respectivement passés de 117,9% en 2008-2009 à 126,5% en 2016 et de 130,4% à 114,6% au cours de la même période. Le quatrième cycle du fondamental (ancien collège) a, quant à lui, vu ses effectifs multipliés par 4 (passant de 128 283 à 535 325) avec 181 431 élèves pour la seule 7ème année. Cet accroissement est la conséquence de la mise en œuvre de la réforme du fondamental et de la suppression du concours national d’admission en fin de 6ème année.
« Le taux de réussite va decrescendo d’année en année »
Néanmoins, Mugisha fait savoir que l’augmentation des effectifs des élèves dans les écoles fondamentales ne justifie pas leurs compétences. La preuve est que les taux de réussite au concours de certification et d’orientation n’est pas satisfaisant. Même Janvière Ndirahisha, ex ministre de l’Education a déploré le faible taux de réussite enregistré au concours de 9ème, édition 2019. Il était de 14%. La note minimale d’accès à l’enseignement post fondamental a été fixée à 70/200, soit 35%. Le premier a obtenu 191 et les 5 premières écoles sur le classement national étaient les lycées d’excellence. Elle a fait remarquer que le taux de réussite va decrescendo d’année en année. Elle explique que l’Etat, les parents, les enseignants et les élèves eux-mêmes sont tous responsables de cette situation. « Le manque de matériel didactique, le sureffectif dans les classes, les enseignants qui ne préparent pas les leçons expliquent cette situation», indique Ndirahisha. Elle s’est engagée à rassembler tous les acteurs du secteur éducatif pour juguler ce phénomène.
André Nduwimana, expert en éducation et professeur à l’Université du Burundi s’inquiète du fait que la Banque Mondiale se contredit. Il fait savoir que l’année dernière, il y a eu un rapport accablant publié sur les réseaux sociaux par la Banque Mondiale sur le système éducatif burundais à propos de la compétence trop faible de nos élèves. Le rapport n’a jamais été rendu public ou aux autorités habilitées pour réaction. Il en est de même dans le même rapport, où la Banque Mondiale apprécie sans fournir aucune preuve que les performances des élèves burundais sont excellentes par rapport à celles des élèves des autres pays. Selon lui, si ces rapports sont crédibles et fiables, quel miracle se serait passé pour qu’en l’espace de 10 mois seulement les performances passent de « médiocres » à « excellentes » pour la même cible ? Cet expert en éducation se demande quels sont les outils d’analyse qui ont été utilisés pour arriver à de telles conclusions. Selon lui, les performances sont évaluées par rapport aux résultats attendus.