La bonne gouvernance des finances publiques était un des thèmes retenus pour le forum national sur le développement du Burundi qui a tenu ses assises du18 au 19 novembre 2021. La faiblesse des institutions dont la mission principale est de surveiller la gestion financière, le manque de clarté des textes sont entre autres les défis relevés dans ce secteur
Pour une meilleure gouvernance financière, il faut une définition claire des attributions et des responsabilités. Boaz Nimpe, Secrétaire Exécutif de l’Association des Banques et des Etablissements Financiers (ABEF), un des conférenciers du jour rappelle que la gestion des finances publiques doit s’inscrire dans un cadre juridique, règlementaire et administratif clair et ouvert. Il déplore le fait que ce principe n’a pas été respecté depuis 2014 malgré la mise en place d’une loi y relative.
Selon cet homme rôdé dans les activités bancaires, l’accès aux informations en rapport avec la gestion financière des fonds publics est incontournable pour une bonne gouvernance réussie. « Le public doit être pleinement informé de l’activité financière passée, présente, prévue et sur les risques financiers », a-t-il rappelé.
Le renforcement des institutions de lutte contre la corruption et les malversations économiques reste une nécessité pour une bonne gouvernance dans le secteur public.
Les défis persistent malgré un arsenal juridique parfait
Depuis des années, le Burundi a fait des avancées importantes au niveau du cadre légal régissant la gestion financière de l’Etat. Tour à tour, Nimpe a passé en revue les instruments juridiques mis en place pour soutenir une gestion financière de qualité, entre autres le décret n0 100/168 du 31 décembre 2004 portant approbation du plan budgétaire et comptable de l’Etat, l’existence d’un code des marchés publics, d’une loi organique relative aux finances publiques considérée comme une constitution financière. Au-delà des textes législatifs, cet expert a souligné l’existence des institutions de surveillance et de contrôle telle que la Cour des comptes ou des structures comme la Cour Anti-corruption et la Brigade Spéciale Anti-corruption.
Cependant, des défis majeurs persistent. Le mauvais fonctionnement des structures en charge du contrôle des finances publiques, en l’occurrence la Cour des comptes et l’Inspection Générale de l’Etat est pointé du doigt. Le retard dans l’exécution budgétaire constitue aussi un défi dans la gestion des finances publiques. « Les difficultés de trésorerie de l’Etat affectent le secteur privé en cas de retard de paiement », prévient Nimpe.
Consolider le système de gestion des finances publiques
Si la Cour des comptes est l’un des instruments nationaux de lutte contre les malversations économiques, cette institution semble ne pas accomplir sa réelle fonction. Elysée Ndaye, président de la Cour des comptes indique que son institution souffre de défis qui l’empêchent d’accomplir la mission de contrôle externe. En effet, Ndaye reconnait l’incapacité de son institution à sanctionner les fautes liées à la mauvaise gestion des fonds publics.
Selon Faustin Ndikumana, président de l’Ong PARCEM, la gouvernance des finances publiques est la gouvernance de la nation même. Dans son intervention lors du forum national sur le développement du Burundi, il a rappelé que la cohésion nationale est le premier pilier du développement. Pour lui, il faut rassembler tous les Burundais autour d’un même objectif.
Profitant de l’occasion, Ndikumana a rappelé que la séparation des pouvoirs est essentielle pour une bonne gestion. Pour lui, il faut mettre l’homme qu’il faut à la place qu’il faut pour renforcer les services administratifs et faire une évaluation rigoureuse des réalisations de chaque membre du gouvernement.
Ndikumana n’a pas oublié de recadrer la classe politique burundaise en matière de responsabilité vis-à-vis de la chose publique. Il indique que le comportement de la classe politique doit dépasser le stade de l’opportunisme.
Agir pour remettre le bateau en équilibre
Pour Faustin Ndikumana, il est important de renforcer le principe de la recevabilité. « Il faut une action citoyenne active avec un cadre d’exigence de cette recevabilité à la base », a-t-il souligné. Il a tout de même recommandé la lutte contre le détournement des fonds publics en pointant du doigt notamment le favoritisme dans les marchés publics souvent tronqués. « Il faut réprimer les corrupteurs par une justice punitive », a-t-il insisté tout en rappelant que le renforcement des institutions de lutte contre la corruption et les malversations économiques reste une nécessité.
Dans ses recommandations, le président de la Cour des comptes a averti : « La bonne gestion ne sera pas possible tant que la reddition des comptes n’est pas effective et la reddition des comptes ne sera jamais effective tant que le contrôle externe n’est pas efficace ». Cette attention portée au renforcement des institutions de surveillance par le président de la Cour des comptes est également partagée avec Nimpe, secrétaire Exécutif de l’ABEF. Ce dernier est revenu sur la nécessité de renforcer les mécanismes de contrôle budgétaire, notamment le Parlement et la Cour des comptes.