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Budget général de l’Etat, exercice 2022-2023 : Le gouvernement table sur une croissance économique de 4,6%

Le parlement vient de voter un budget en hausse de plus de 2300 milliards de FBu pour exercice 2022-2023. Même si le gouvernement se félicite d'avoir préparé un budget sur base des priorités, le montant alloué aux secteurs clés reste insignifiant (Photo prise sur la RN3 après un gigantesque glissement de terrain).

Le budget de l’Etat voté par l’Assemblée Nationale s’élève à plus de 2300 milliards de FBu. Il  affiche un déficit de 197,4 milliards de FBu qui sera financé par les ressources internes (la dette intérieure) et les dons. Dans un contexte d’inflation, l’exercice budgétaire s’annonce difficile pour les contribuables qui doivent supporter 14 nouvelles mesures fiscales    

Les projections macroéconomiques montrent que l’inflation sera contenue dans une fourchette de 8% avec une croissance économique de 4,6%.  Le gouvernement mise sur les ressources internes pour financer son budget. Le président de l’Assemblée Nationale salue l’initiative du gouvernement de préparer un budget centré cette fois-ci sur les résultats. Il s’agit d’une étape cruciale dans la gestion budgétaire. Cela va également faciliter le contrôle de l’action gouvernementale, commente Gélase Ndabirabe.  Le ministre en charge des finances et du budget, Dr Domitien Ndihokubwayo annonce que le budget cette année revêt un caractère particulier. Nous migrons progressivement vers un budget programme. C’est-à-dire que les crédits-budgetaires alloués aux activités constituent un investissement qui va générer des résultats attendus. Bref, c’est une budgétisation axée sur le résultat.  

Parmi les projets phares figure la construction des infrastructures socio-économiques pour un montant de 280 milliards de FBu dont 200 milliards de FBu alloués à la construction du chemin de fer.

Quelles priorités pour le prochain exercice ? 

Au cours de l’exercice qui s’annonce, le gouvernement va dépenser de plus 2300 milliards de FBu.  Ainsi, plusieurs activités ont été retenues pour  booster l’économie nationale. Les dépenses en investissement passent de 289,4 milliards à 794,7 milliards de FBu qui sont principalement affectés au chemin de fer, à l’agriculture, à la construction des buildings administratifs, à la digitalisation, à  la défense et la sécurité. 

Les grandes priorités qui figurent dans le projet de loi touchent sur quatre secteurs, à savoir : l’agriculture, les infrastructures socio-économiques, la sécurité et la défense.  Sans être exhaustif, les projets phares restent la construction des infrastructures socio-économiques pour un montant de 280 milliards de FBu dont 200 milliards de FBu alloués à la construction du chemin de fer.  La subvention des engrais organo-minéraux, le repeuplement du cheptel et la multiplication des semences sélectionnées ne sont pas en reste. Ces activités vont coûter 80 milliards de FBu au pays. Dans l’objectif d’optimiser la collecte des recettes, l’Etat va injecter une somme de 32 milliards de FBu dans la digitalisation des finances publiques. Le pays prévoit également une enveloppe de 100 milliards de FBu pour renforcer son système de défense et de sécurité.  

Quid des nouvelles mesures fiscales initiées ? 

D’après la Cour des comptes, le projet de loi des finances (PLF) instaure 14 nouvelles mesures fiscales. Le PLF compte retenir 15% sur les locations des véhicules et autres engins, à l’exception des celles effectuées par les contribuables qui en font la profession. Il est prévu un  prélèvement forfaitaire pour les déclarants en douane de 30 000 FBu, soit une hausse de 50%. De même sur chaque opération de transfert d’argent mobile, il sera prélevé 1% sur la commission perçue par l’intermédiaire. De plus, les associations sans but lucratif ne sont pas exonérées sauf les exonérations reconnues par les lois nationales et internationales. 

Les métiers du secteur formel jusque-là à l’abri des taxes ne sont pas épargnés. A partir de l’exercice 2022-2023, les notaires et les avocats sont tenus de calculer et de payer au compte du Trésor public la taxe, soit 10% des honoraires encaissées. Dans le secteur du transport rémunéré, en plus du contrôle technique et de la redevance routière, l’article 70 du PLF instaure un impôt forfaitaire libératoire trimestriel sur le transport rémunéré. Par exemple, un bus de plus 35 places va payer 54 000 FBu tous les trois mois. (Voir tableau). 

Catégorie

Critères 

Impôt par trimestre en FBu

1. Camion

7 tonnes et moins

39 000 

8 à 10 tonnes 

54 000

11 à 18 tonnes 

81 000 

2. Bus

De  plus de 35 places 

54 000

De 18 à 35 places

39 000 

De 12 à 18 places

24 000

3. Taxi     

Voiture 

20 000

Cyclomoteur 

15 000

Moto 

15 000 

Source : Cour des comptes

L’industrie locale sera-t-elle affectée ? 

Le député Olivier Suguru et président de l’Association des Industriels du Burundi (AIB) n’a pas mâché ses mots. Il a  soulevé des inquiétudes quant à la contribution spéciale  des institutions financières prévue au niveau de l’article 92 du projet de loi sous étude. Les institutions financières vont contribuer à hauteur de 5% de leur résultat brut avant impôt au projet du développement du pays. Pour Suguru il s’agit d’un impôt, car une contribution est limitée. Cela risque de ralentir les investissements vers le secteur financier.  Dans ces conditions, le vœu ardent d’avoir des banques capables de financer l’économie a des taux raisonnables est voué à l’échec, déplore-t-il.

Il trouve sa préoccupation plutôt fondée et promet que la question sera analysée avec toutes les parties prenantes pour trouver un compromis. S’il s’agit de contribution ou d’impôt une étude va élucider la meilleure façon d’imposer ce secteur. Pour ce qui est des investissements, le ministre Ndihokubwayo parle d’autres initiatives pour attirer les investisseurs y compris les exonérations. 

La population en pâtit 

Sur le plan économique, certains députés craignent le pire.  Le député Athanase Hatungimana donne l’exemple de la taxe ad valorem de 1,5 % de la valeur en douane appliquée à toutes les importations sauf les produits pétroliers pour financer les infrastructures. Ce qui risque d’influer sur les prix des produits importés. Ainsi, il reviendra à la population de supporter ce lourd fardeau. Pourtant, il y a d’autres stratégies, notamment l’informatisation de l’OBR pour maîtriser toutes les fuites dans la collecte des recettes.  

Sur cette préoccupation, le ministre Ndihokubwayo est resté évasif. Pour mobiliser les 600 milliards de FBu de recettes supplémentaires, nous devons investir dans la digitalisation des services publics pour traquer les fraudeurs et  maximiser les recettes. Ainsi, la taxe de sûreté nous aide à assurer le suivi électronique et la digitalisation des services.  Il a fini par craquer en admettant  à demi-mot que le taux d’imposition est supporté par le consommateur final. « Ne soyons pas naïfs ! Concernant la taxe de sureté même si l’OBR impose l’agence qui assure les convois, c’est celui qui a commandé le véhicule qui paie cette taxe ».

Dr Domitien Ndihokubwayo, ministre en charge des finances et du budget : «Nous migrons progressivement vers un budget programme. C’est-à-dire que les crédits-budgetaires alloués aux activités constituent un investissement qui va générer des résultats attendus ».

Un budget de souveraineté  

Le budget de l’Etat pour le prochain exercice est un budget de transition vers le budget-programme. Certains députés y voient la volonté du gouvernement de compter sur ses moyens pour relever l’économie alors que d’autres déplorent le poids des taxes et impôts sur les contribuables. Le député Zachée Misago se dit lui aussi préoccupé par l’accroissement du budget à hauteur de 40 %. Cette hausse va se répercuter sur le vécu quotidien des citoyens.  Jusqu’à quel niveau voulons-nous que le budget augmente?, s’interroge Dr Ndihokubwayo. D’une part, le pays a besoin de projets budgétivores tels que la construction des barrages hydroélectriques, des routes,… d’autre part, vous voulez minorer les recettes internes. 

Si on n’augmente pas le budget pour investir dans les secteurs porteurs de croissance, le pays reste éternellement dans la catégorie des pays pauvres.  L’augmentation du budget ne signifie pas nécessairement qu’on exerce une pression fiscale sur les contribuables. « Tenez-vous bien, les citoyens tirent leurs revenus au niveau des dépenses en investissement de l’Etat (travaux de construction des infrastructures socio-économiques) », conclut-il.  

Vers une gestion rigoureuse du budget ? 

Lors de l’analyse du projet de loi des finances publiques, le ministre Ndihokubwayo s’est montré très prudent avant de charger ses pairs qui accumulent les fonds non utilisés au niveau du compte de réservation des  crédits pour les marchés en cours d’exécution. A l’heure actuelle, le montant des fonds issus des projets non exécutés s’élèverait  à 50 milliards de FBu, déplore le ministre Ndihokubwayo qui promet plus de transparence et de traçabilité. 

Le budget sera exécuté en tenant compte des Plans de Travail et Budget Annuel (PTBA) déjà arrêtés au  niveau des ministères et institutions publiques. Désormais, il doit y avoir une cohérence entre les dépenses de l’Etat, les prévisions trimestrielles inscrites dans les PTBA et les réalisations enregistrées. 

Désormais, les dépenses prévues dans les PTBA et non exécutées dans le délai fixe sont réputées nulles. Les gestionnaires sont tenus de justifier les motifs de la non réalisation de l’activité, lit-on dans l’exposé des motifs. 

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