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Bugarama : les manieurs du couteau et de la broche en désarroi

Connu pour ses brochettes au goût implacable pendant longtemps, le centre de Bugarama semble ne plus être la destination des amateurs de la viande grillée. L’explosion de prix des animaux domestiques à la veille de la sortie de la loi sur la stabulation permanente est l’une des raisons de cette situation. Burundi Eco a dépêché un journaliste sur place. Reportage   

C’était lundi le 18 octobre 2021 autour de 18 heures quand nous avons débarqué à Bugarama. Ce soir du premier jour de la semaine, une foule nombreuse se faisait remarquer comme d’habitude. La partie Est de ce centre commercial était bondée de monde. Là, on aurait dit un quartier carrément réservé à d’autres affaires que la vente des boissons et des brochettes. Des centaines de femmes sont sorties pour vendre des fruits, des légumes ou d’autres ingrédients nécessaires à la cuisine. Aux allures des femmes Swahili, elles rivalisent dans l’attrait de clients. Certaines n’hésitent pas à se lancer des injures. Ces femmes-là sont amplement différentes de celles de la campagne.    

Même si Bugarama conserve son caractère de centre commercial qui attire les affairistes, ce centre ne constitue plus la référence pour la bonne brochette. Plusieurs vendeurs de brochettes ont dû abandonner ce business. Ce soir, seuls 3 vendeurs de brochettes étaient présents devant les bistrots. Les amateurs des brochettes de bœuf n’en ont pas bénéficié depuis le matin. On n’a plus le choix entre plusieurs types de brochettes depuis un certain temps. Le mouvement impressionnant des jeunes gens qui courent après chaque voiture qui passe, brochette à la main, n’est plus.

Connu pour ses brochettes au goût implacable pendant longtemps, le centre de Bugarama semble ne plus être la destination des amateurs de la viande grillée.

Les « vétérinaires » dévoilent les raisons de cette situation

Nous nous sommes entretenus avec quelques manieurs du couteau et de la broche pour comprendre les raisons de ce déclin du commerce de brochettes. Manirakiza, vendeur de brochettes rencontré sur place fait savoir que rien n’est plus comme avant. Occupé à découper la viande en morceaux qu’il met ensuite sur la broche, il appelle son assistant à qui il remet le couteau pour ensuite se confier à nous. Cet homme dévoile les raisons qui seraient à l’origine de la situation actuelle. D’après lui, il n’y a plus d’intérêt à se lancer dans ce business.

Si la brochette de bœuf se fait rare, cela trouve l’origine dans la cherté excessive des vaches sur le marché. « Les prix d’achat des vaches et des chèvres ont beaucoup grimpé ces derniers mois à cause de la mise en application de la loi sur la stabulation permanente », explique-t-il. En effet, il soutient que cette mesure a beaucoup pesé sur le commerce de la viande à Bugarama. Cependant, il indique que le commerce de la brochette de bœuf est le plus risqué. «C’est facile d’acheter une vache à un million de FBu et perdre de 100 à 300 mille FBuaprès la vente, car les vaches sont très chères», indique-t-il pour expliquer pourquoi il préfère vendre la brochette de chèvre. Il fait remarquer tout de même que le prix de la chèvre a aussi explosé. En effet, le prix d’une chèvre qui s’achetait auparavant à 70 mille FBu peut atteindre aujourd’hui 110 mille FBu. «On a été obligé de rehausser le prix de la brochette de 500 FBu pour réduire les risques de perte», conclut notre interlocuteur.

Le manque d’espace où travailler, une autre raison

Pour un autre vendeur de brochettes interrogé, l’autre raison serait la démolition des infrastructures construites dans l’espace tempo-obligatoire sur les côtes de la route nationale. «Mais il y en a qui n’ont pas où travailler après toutes ces destructions. Ne vois-tu pas qu’il n’y a plus de ces barza d’autrefois ?», nous a-t-il lancé. En effet, ces barza de bistrots longeant la RN1 où on pouvait apercevoir de la viande de bœuf ou de chèvre suspendue sur des cordes ne sont plus.

Selon lui, beaucoup de choses ont changé ces derniers jours et le commerce de la viande a été la plus touchée. Sans faire des commentaires sur l’impact de la hausse du prix d’achat des animaux domestiques à abattre, il soutient que la brochette de bœuf y est désormais rarement vendue, mais affirme qu’on peut l’avoir pendant le week-end.

Dans le temps, les vendeurs de brochettes de Bugarama ont été très innovateurs à ce centre qui a vu le jour dans les années 60 à environ 40 Km au Nord-Est de la capitale économique Bujumbura. Créée dans le but de mettre à l’honneur le commerce des légumes et des fruits tropicaux, ce centre avait fini par se faire un nom avec ses brochettes. Des noms attribués à différentes sortes de brochettes le montrent. Il y avait des « VW », les « CEPGL » ou encore des « Je m’en fous ». Des noms bizarres qui piquent la curiosité.

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