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Business des mèches de cheveux : Au-delà de l’esthétique, un phénomène économique

L’entretien des cheveux est souvent considéré comme le troisième poste de dépense pour la femme après l’alimentaire et les vêtements. Mèche naturelle, synthétique ou humaine, il y en a pour tous les goûts et pour tous les prix. Mais à quel prix les femmes burundaises sont prêtes à payer pour changer de look ?

Le propriétaire d’un magasin de distribution des mèches de cheveux : « Aujourd’hui, j’exporte 4 fois par an alors qu’avant j’y allais 7 à 10 fois par an ».

Les mèches de cheveux est une addiction pour des milliers de femmes. Depuis une quinzaine d’années, on assiste à un boom de demandes de cheveux d’extension. Cela est dû à la baisse généralisée de la qualité du cheveu féminin, liée au travail et au stress, et à un manque de soins quotidiens. Chaque année, les femmes africaines dépensent plus de 7,5 milliards de dollars pour se procurer des mèches de cheveux, soit l’équivalent du PIB d’un pays comme le Niger. Ce business est un phénomène non seulement esthétique, mais aussi économique. La Côte d’Ivoire fait partie du top ten des pays africains qui commercialisent plus de mèches de cheveux. Environ 15% du revenu des ivoiriennes sont alloués au budget des  cheveux.

Un business mondial très lucratif

Les mèches se décrivent en trois catégories : les mèches synthétiques en caoutchouc, naturelles en coton et crins d’animaux et humaines prélevées sur d’autres personnes. Pour s’approvisionner des mèches humaines, les grossistes se rendent eux-mêmes en Chine, en Inde ou au Pérou. Ces pays sont les plus grands fournisseurs de cheveux au monde. Avec l’exportation de 500 tonnes de cheveux par an et un chiffre d’affaires de 140 millions d’euros, l’Inde est le leader mondial du «black diamond business». Et aujourd’hui, devant l’augmentation des demandes, à part l’Inde, le Brésil et les pays de l’Est se mettent aussi à commercialiser leurs cheveux. Aussi, en Ouganda, en Tanzanie et au Kenya sont implantés des usines de production des mèches  synthétiques. C’est d’ailleurs les points d’approvisionnements des commerçants Burundais.

Le marché Burundais peu prometteur

Si ce business du cheveu évolue sans cesse dans certains pays de l’Afrique de l’Ouest, au Burundi, ce n’est plus le cas. Dans le centre-ville de Bujumbura, le propriétaire d’une boutique de distribution des mèches de cheveux de toutes sortes, explique que son commerce boitille depuis la crise socio-politique de 2015 et aussi à cause du manque de devises. « Aujourd’hui, j’importe 4 fois par an alors qu’avant j’y allais 7 à 10 fois par an », lance-t-il.

Les femmes qui se lancent dans le business des cheveux se font de plus en plus rares. Cela s’explique par le niveau de vie et les faiblesses du pouvoir d’achat. « Ce ne sont pas les haricots ou le riz. Quand la vie devient très chère, les gens s’en  passent facilement », dit le propriétaire de la boutique.

Prélevées sur d’autres personnes, les mèches humaines coûtent environ trois fois plus que les mèches synthétiques bon marché. « Même parmi les femmes burundaises qui utilisent des cheveux en extension, peu sont celles qui peuvent s’offrir des mèches humaines », explique Abdou, propriétaire d’une maison de beauté.

La tendance nappy, une explication économique

Depuis peu, on observe une tendance très remarquable des femmes burundaises à retourner vers les cheveux naturels. «Il y a la mode qui peut expliquer ce phénomène. Cependant, je travaille dans ce métier depuis 15 ans et je peux affirmer qu’il y a une part de la faiblesse du pouvoir d’achat », argumente Abdou. Ce spécialiste de la beauté capillaire estime qu’une femme peut dépenser normalement au moins 20.000 FBu par mois, uniquement pour les cheveux. « Dépenser une telle somme pour la beauté capillaire devient un sacrilège dans une situation où même pour satisfaire les besoins vitaux, on doit se saigner aux quatre veines. Malheureusement, c’est le constat qu’on fait », se désole-t-il.

Cependant, il ne faut pas  exclure la place de la religion où certaines doctrines condamnent vivement l’utilisation de ces produits en les qualifiant de maléfiques.

Dans moins de cinq ans, les prix des produits d’extension des cheveux ont presque doublé. Il fut un temps où la société « Darling » reconnue dans l’extension des cheveux dans la région, avait un projet d’implanter sa branche à Bujumbura. Les motifs de sa non-implantation restent inconnus. Ce qui est sûr c’est que le nombre de femmes burundaises qui se passent des cheveux d’extension augmente de jour en jour.

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