Des jeunes Burundais migrant vers la Tanzanie à la recherche de l’emploi se font extorquer leurs affaires lors de leur retour au pays. Des policiers du service d’immigration tanzanien les dépouillent de tout ce qu’ils ont et ils reviennent au pays les mains vides. Ce sont des phénomènes fréquents, affirme l’administration locale. A la rencontre dans la province de Cankuzo, de quelques jeunes qui se sont fait extorquer tous leurs biens
Des jeunes Burundais extorqués de tous leurs biens à leur retour de la Tanzanie mènent une vie misérable à Camazi dans la commune Gisagara de la province de Cankuzo. Arrivant sur le sol burundais, bon nombre d’entre eux, originaires de différentes provinces, manquent les frais de transport pouvant leur permettre de regagner leurs familles. La police et les agents des services de renseignements tanzaniens sont pointés du doigt.
Esta Scolastique a 16 ans. Elle est originaire de la commune Bukemba dans la province de Rutana. Cette jeune fille indique qu’elle est allée en Tanzanie depuis l’âge de 12 ans et qu’elle a l’habitude de faire des allers retours. « C’est une personne qui était à la recherche d’un travailleur qui m’a emmené en Tanzanie. Au début, je suis allé à Moshi puis à Dar-Es-Salaam. Dernièrement, j’étais à Mwanza », précise-t-elle.
Rencontrée à Camazi avec sa petite sœur, elle raconte qu’elles venaient de passer trois ans en Tanzanie sans rentrer au Burundi. Elles étaient filles de ménages. Chacun touchait 50 mille shillings correspondant à 70 mille FBu (1 shilling équivaut à 14 FBu). Esta Scolastique révèle qu’elle possédait 300 mille shillings à son retour au Burundi. « A notre retour, les policiers tanzaniens nous ont arrêté à Gakonko et nous ont fait descendre du bus. On était nombreux. Apres avoir découvert qu’on était burundais, ils nous ont malmenés, ils nous ont battu et ont fouillé dans nos sacs et ils ont pris toutes nos affaires (argent, habits, etc.), explique la jeune fille. Après, ils nous ont mis dans leurs véhicules et nous ont conduit à la frontière burundaise, mains vides, a-t-elle ajouté.
A la frontière burundaise de Gasenyi (côté Gisagara en province de Cankuzo), ces personnes sont accueillies par les services d’immigrations burundais. Pendant cette période de Covid-19, elles sont amenées aux centres de santé pour faire les tests de Covid-19. Après les tests négatifs, elles sont hébergées dans les bureaux de la colline Mburi de la zone Camazi en commune Gisagara de la province Cankuzo.
Le calvaire commence
Sans aucun sous, Esta Scolastique et sa petite sœur ne savent pas à quels seins se vouer pour rejoindre leur province natale. « Nous restons coincer à Camazi. Nous n’avons pas de moyens pour arriver à Rutana ».
Selon elle, elles mènent une vie misérable. « Nous n’avons pas de quoi mettre sous la dent. Nous dormons à même sur le sol sans couverture. Nous voulons rentrer à la maison, mais nous n’avons pas de moyens de transports », se lamente Esta Scolastique.
Le chômage, une des raisons de départ vers la Tanzanie
Lionel Niyomwungere est un autre jeune rencontré sur la même colline Mbuyi de la zone de Camazi. Originaire de la colline Buheka de la commune Nyanza-Lac dans la province Makamba, il se rend régulièrement en Tanzanie depuis 2015. Niyomwungere précise qu’il pratiquait la pêche à Kigoma. « Ces derniers jours, je travaillais dans les salons de coiffure ». Il indique également qu’il s’est fait extorquer de ses affaires à Gakonko. « Je ne sais pas comment contacter ma famille parce que mes cartes sims ont été détruites par la police tanzanienne».
Lionel Niyomwungere fait savoir que le chômage est la raison de son départ vers la Tanzanie. « Le chômage criant nous a poussé à migrer en Tanzanie. Il n’y a pas de boulot. L’Etat devrait voir comment résoudre ce problème de chômage chez les jeunes. De nombreux jeunes passent leurs journées sur les ligalas ».
Plus de 20 personnes accueillies chaque mois
Ntuntu Mwajuma est la chef de la colline Mburi. C’est elle qui accueille les jeunes extorqués de leurs affaires en Tanzanie. Elle affirme que des jeunes Burundais venant de la Tanzanie se font dérober leurs affaires en cours de route à leur retour au Burundi. Selon elle, certains arrivent mal en point à tel point qu’ils sont directement conduits dans les structures de santé. Elle indique qu’entre 20 et 30 personnes vandalisées en Tanzanie sont accueillies par l’administration locale dans un mois. « Il y a des fois où nous accueillons 10 personnes par jour », ajoute Mme. Ntuntu.
Selon elle, il arrive que les bureaux de la colline Mburi soient débordés. Certains contactent leurs familles et ces dernières viennent les récupérer ici ou leur envoient des tickets de transport. Ntuntu Mwajuma explique que les problèmes frappent pour ceux qui arrivent sans aucun contact. « Pour la première journée, je me bats pour les faire nourrir. Je leur donne de quoi mettre sous la dent, mais je ne suis pas capable de les nourrir tous les jours», précise-t-elle. Pour faire face à ce défi, certains optent pour travailler dans les champs afin de gagner des sous pouvant leur permettre de se payer les frais de transport dans un proche avenir. « Dans les mois passés, l’OIM les aidait dans le transport. Cette ONG octroyait des frais de transport à ceux qui ont ne savait comment regagner leurs provinces. Mais, actuellement, il y a un bon moment qu’elle n’intervient pas », révèle la chef de colline Mburi.
Ntuntu Mwajuma demande aux hautes autorités de prendre cette problématique en mains. « C’est un gros fardeau pour nous ».
« Les biens extorqués sont souvent saisis et remis aux propriétaires »
Gratien Nitunga, administrateur de la commune Gisagara confirme que de tels cas sont très fréquents. Et de préciser qu’ils collaborent avec les autorités tanzaniennes afin qu’elles suivent de près de tels cas. « Avant la fermeture des frontières, on rencontrait les autorités tanzaniennes chaque mois pour échanger sur certains problèmes. Mais, comme actuellement les frontières sont fermées suite à la pandémie de Covid-19, nous ne pouvons pas nous y rendre. Nous les contactons via les téléphones », précise-t-il avant d’informer que les biens extorqués sont souvent saisis et remis à leurs propriétaires. « S’ils nous sollicitent sans trop tarder, nous poursuivons ces cas d’extorsions. Mais certains préfèrent garder le silence parce qu’ils n’ont pas de papiers. S’ils sont entrés clandestinement en Tanzanie, ils préfèrent ne pas révéler de tels cas ».
L’administrateur de Gisagara recommande à la population burundaise de ne pas entrer clandestinement sur le sol tanzanien.