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Cankuzo : Des avancées significatives dans la représentativité des femmes

La province de Cankuzo enregistre des avancées significatives en ce qui est de la représentativité des femmes dans les instances de prise de décision. Parmi les 5 conseillers du gouverneur, 2 sont des femmes. Les secrétaires du gouverneur sont toutes des femmes. Elles sont au nombre de 3. Sur 5 administrateurs communaux, 2 sont des femmes. Sur 6 parlementaires issus de la circonscription de Cankuzo, 4 sont des femmes. La direction provinciale de l’éducation est sous l’égide d’une femme pour la première fois dans l’histoire de cette province. Toutefois, au niveau des chefs de collines, la donne est à changer. Sur 87 collines que compte cette province, seules trois sont dirigées par les femmes. Néanmoins, Boniface Banyiyezako, gouverneur de cette province se réjouit de cette avancée

Les femmes de la province Cankuzo (frontalière de la Tanzanie) commencent à s’intéresser à la politique. Au mois de mars de 2021, nous avons rencontré quelques femmes cheffes des différentes collines de cette province. Elles se sont démarquées dans le développement de leurs collines.

Lukia Nkunduwiga, chef de colline Gisagara. Cette femme est connue pour lutter contre le concubinage sur sa colline.

Lukia Nkunduwiga, la femme qui a combattu le concubinage

Quinquagénaire Lukia Nkunduwiga est mère de 8 enfants. Elle est la cheffe de colline Gisagara de la zone et commune Gisagara. C’est en 2010 qu’elle intègre les 5 conseillers collinaires. Ce n’est qu’en 2015 qu’elle est placée à la tête de cette colline après une vaste campagne. Actuellement, cette femme brigue un deuxième mandat à la tête de la colline Gisagara. « J’étais dans un groupement de femmes. Nous avons décidé ensemble que les femmes devraient intégrer l’administration et lutter pour leurs droits. Alors, j’ai décidé de me présenter pour le poste de chef de colline et pour représenter les femmes. Je l’ai proposé à mon mari et il m’a soutenu », explique Mme Nkunduwiga.

Cette femme précise qu’elle arrive à concilier les travaux ménagers et les affaires de l’administration, avec le soutien de son mari. Elle assure parfaitement l’éducation de ses enfants. Néanmoins, Mme Nkunduwiga informe plutôt qu’être aux commandes de 417 ménages et plus de 2000 personnes n’est pas du tout simple. « Diriger les gens n’est pas difficile. Il y a des fois où je suis obligé d’aller régler les litiges alors que je m’occupe de mes propres affaires à la maison », révèle-t-elle.

Cette musulmane pratiquante se réjouit d’avoir combattu le concubinage sur sa colline. C’est l’une d’ailleurs de ses réalisations importantes. « Des fois, on empêche les filles de se marier avec des hommes qui ont d’autres femmes. Aucun homme n’a deux femmes sur cette colline actuellement », fait savoir Lukia Nkunduwiga. Elle ajoute aussi qu’elle fait des sensibilisations sur les régularisations des mariages. Lukia Nkunduwiga encourage également des femmes à intégrer des groupements des femmes (associations). Sur cette colline, il y a plus de 10 groupements de femmes, selon elle.

Dans ses projets phares figurent la réhabilitation des pistes sur sa colline, la protection de l’environnement (creusement des courbes de niveau, lutte contre l’érosion) qui sont quelques-unes de ses priorités. Elle projette aussi que chaque femme puisse intégrer les groupements de développement ou les coopératives.

Anastasie Ndigiriye connue pour la traque des boissons prohibées

Anastasie Ndigiriye, 54 ans est cheffe de la colline Nyakerera de la zone de Minyare, commune et province Cankuzo. Elle est à la tête de cette colline de 344 ménages depuis 2010. « J’étais agent de santé communautaire. J’organisais des réunions de sensibilisation. Dans le Centre de Développement Familial et Communautaire (CDFC) dans lequel j’étais membre, on sensibilisait les femmes à élire et à se faire élire et je me suis fait élire », raconte-t-elle. En compétition, elles étaient 6 femmes contre 12 hommes.  « J’ai été surprise par mon élection à la tête de la colline ». Cette femme s’est donnée corps et âme dans la mobilisation des fonds et la sensibilisation de la population pour finaliser la construction de l’école fondamentale de sa colline qui plafonnait auparavant en sixième année. Il n’y avait pas le quatrième cycle. « Nous avons commencé à collecter les pierres pour faire les fondations, puis nous avons collecté les fonds pour acheter des briques », explique-t-elle. Elle révèle que le projet en cours consiste en la construction du bureau du chef de colline. « Actuellement, on est en train de faire les cotisations pour acheter du ciment pour le finissage de la construction de ce bureau », explique Anastasie Ndigiriye.     

Cheffe de la colline Nyakerera, Anastasie Ndigiriye est connue pour sa traque des boissons prohibées.

Elle est généralement connue pour avoir lutté contre les boissons prohibées dont « Murahakajari ou Umunanasi ». Cette boisson prohibée hantait les familles de cette colline. « Les hommes qui consommaient cette boisson devenaient comme des fous. Ils causaient l’insécurité sur notre colline. Ils s’adonnaient à la violence domestique dans leurs familles », informe Mme Ndigiriye. Cela impactait l’économie des ménages en particulier et le développement des familles en général.  « Pour combattre cela, on a travaillé dans la quadrilogie. Nous avons ciblé les meneurs. Le fautifs ont été traduits en justice ». La cheffe de la colline Nyakerera ajoute aussi qu’elle collabore avec le commandant du camp de Mutukura étant donné que les militaires consomment aussi cette boisson prohibée.  Elle affirme que les violences domestiques ont sensiblement diminué. «En une semaine, on a tranché plus de 10 litiges suite à la prise de ces boissons prohibées mais, actuellement, on peut passer des mois et des mois sans entendre des querelles dans les familles». Comme ambitions d’avenir, cette femme de 54 ans projette de préparer les femmes qui pourront la remplacer dans les mandats suivants.

Ntuntu Mwajuma, le sauveur des Burundais extorqués de leurs affaires à leur retour de la Tanzanie

Ntuntu Mwajuma est la cheffe de la colline Mburi (non loin frontière avec la Tanzanie) de la commune de Gisagara en province de Cankuzo. C’est elle qui accueille les Burundais extorqués de leurs affaires en rentrant de la Tanzanie. Elle affirme que de jeunes Burundais rentrant de la Tanzanie se font dépouiller de leurs affaires en cours de route. Selon elle, certains arrivent mal en point à tel point qu’ils sont directement conduits dans les structures de santé.  Cette femme accueille entre 20 et 30 personnes vandalisées en Tanzanie par mois. « Il y a des fois où nous accueillons 10 personnes par jour », ajoute Mme Ntuntu.

Selon elle, il arrive que les bureaux de la colline Mburi soient débordés. « Pour la première journée, je me bats pour les faire nourrir. Je leur donne de quoi mettre sous la dent mais je ne suis pas capable de les nourrir tous les jours», précise-t-elle. Pour faire face à ce défi, elle fait appel à des organisations caritatives qui peuvent aider dans l’octroi des frais de transport à ces Burundais pour qu’ils regagnent leurs provinces.

Les défis ne manquent pas

Même si elles se donnent corps et âme, ces femmes chefs de collines ne travaillent pas dans de bonnes conditions. Elles font savoir que les primes d’encouragement qu’elles reçoivent ne sont pas satisfaisantes.  Elles sont obligées de dépenser à leurs comptes. Les femmes sont souvent victimes des violences conjugales que leurs maris leur infligent. Selon ces leaders, les femmes de Cankuzo sont souvent victimes des violences domestiques ou conjugales.  Elles sont souvent battues par leurs maris qui sont en état d’ébriété. Le gouverneur de la province Cankuzo précise que de tels hommes sont traduits en justice. Il informe aussi que des sensibilisations sont faites pour couper court avec cette pratique.

Faire de longues études

Evelyne Dusabe, 40 ans et mère de deux enfants, est conseillère sociale, sport et culture du gouverneur de la province de Cankuzo depuis 2020. Cette ancienne enseignante et tente école au lycée communal de Cendajuru encourage les femmes à participer dans les activités de développement du pays.  Elle fait un clin d’œil à d’autres femmes pour qu’elles fassent de longues études. « Etre militante des partis politiques ne suffit pas, il faut que les femmes osent et affrontent de longues études pour avoir les capacités d’occuper des postes importantes dans la vie du pays. Si on n’a pas un niveau d’études élevé, il y a des postes de prise de décisions qu’on ne peut pas occuper», insiste la conseillère du gouverneur de Cankuzo. 

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