On ne connait peut-être pas leurs noms. Leurs travaux sont tombés dans l’oubli mais ces femmes ont marqué l’histoire de notre Burundi royal. A l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, Burundi Eco vous fait remonter dans l’histoire et vous partage la vie de certaines de ces grandes figures de l’ombre de l’époque royale
On néglige souvent le statut de la femme dans une société patrilinéaire. Malgré tout, il y a des femmes dans la société d’antan qui ont pu se démarquer par leurs bravoures et déterminations. On vous dira que la femme de cette époque n’avait pas de parole. Et contrairement à ce que l’on dit, vous allez découvrir que la femme de l’époque royale n’était pas stigmatisée. De la cour royale aux coins les plus reculés, les historiens, les livres et écrits historiques en disent long.
Ririkumutima, la reine de fer…
« Aucune femme n’aura autant marqué l’histoire du Burundi que l’ingénieuse Ririkumutima. Moins estimée que la dernière reine du Royaume du Burundi, la gracieuse Baramparaye, il y a lieu de reconnaître que Ririkumutima a réellement bouleversé le cours de l’histoire », lit-on dans l’article de « Reines et Héroïnes d’Afrique! Elle comptait parmi les nombreuses épouses du roi Mwezi Gisabo qui vécut de 1850 environ à 1908. Ririkumutima était son épouse préférée, celle à qui il attribua le surnom de « Bizima bitazimiza Mwezi », littéralement « celle qui ne fait pas dévier Mwezi ». En conséquence, elle joua ses meilleures cartes afin de convaincre son bien-aimé de faire une exception et de laisser un de ses fils régner juste après lui. Néanmoins, convaincue de l’amour inconditionnel de Mwezi, Ririkumutima continuait à croire qu’il finirait par céder à l’approche de sa mort. Mais grande fut sa déception lorsqu’aux sentiments, Mwezi, qui était connu pour être un homme intègre, préféra la tradition. Mbikije, enfant du roi né d’une relation extraconjugale et que Ririkumutima avait élevé était âgé de quinze ans lorsqu’il avait été désigné pour succéder à son père en 1908. Après la mort de Mwezi, Mbikije porta le nom de Mutaga. Ce qui irrita la reine. Que son mari Mwezi lui ait refusé qu’un de ses fils règne était une trahison supportable, à cause de la force de son amour.
La reine Ririkumutima, une femme, dans l’histoire du Burundi du début du siècle, par ses intrigues savamment orchestrées et débouchant souvent sur des assassinats, se sera fait admettre comme mwamikazi et mugabekazi par le peuple en s’appuyant sur sa descendance et sur son lignage. L’histoire nous parle qu’il exerça deux régences (sous la règne de Mutaga et de son fils Mwambutsa) après qu’elle ait orchestré l’assassinat de leurs mères (Ntibanyiha et Ngezahayo).
Tout au long de son « règne », puisqu’on peut l’appeler ainsi, Ririkumutima s’employa à étendre l’influence de ses fils et des Banyakarama, son propre lignage, aux dépens des Benengwe qui, ayant fourni la mère de son feu mari le roi Mwezi Gisabo, Vyano, avaient connu leur apogée sous le règne de ce dernier. Elle partagea les terres des Bavubikiro, exterminés parce que tenus pour responsables de la mort de Mbikije, entre son fils Nduwumwe et ses parents, notamment le « munyakarama » Rutuna, mari de sa fille Inabayengero (fille de Mwezi et de Ririkumutima). La légende dit que cette reine d’une main de fer ne dormait que 2h par jour. Les allemands la décrivent comme une grande politicienne rompue à tous les arcanes et intrigues.
Ririkumutima mourut en 1917, probablement, elle aussi, étranglée. On gardera de cette reine qu’elle était la femme qui faisait la pluie et le bon temps et ne perdait jamais. Ririkumutima bouleversa la vie monarchique et clanique burundaise de façon irrémédiable! Figure marquante, l’histoire ne peut s’écrire sans qu’elle soit mentionnée dans le panthéon des Reines et Héroïnes d’Afrique.
On lui dédia aussi une rue dans la ville de Bujumbura.
Les « Batimbuzi », femmes administrantes
Ce sont ces femmes qui géraient les provinces, les territoires, des chefferies dont leurs maris (princes) sont décédés n’ayant pas d’héritiers. Quand un chef décédait et qu’il n’avait pas un fils majeur ou n’avait même pas quelqu’un pour lui succéder, le pouvoir royal conférait cette tâche à la femme de celui-ci. L’historien, professeur Emile Mworoha, affirme que c’était très fréquent dans l’administration royale qu’une femme soit à la tête d’un territoire. Il nous donne l’exemple de Nandabunga, fille de Mwezi Gisabo. « L’histoire nous parle de beaucoup d’autres Batimbuzi », dit-il
Ces femmes gardiennes d’emblèmes…
Depuis l’administration royale jusqu’aujourd’hui, l’emblème définit et fait l’originalité d’un royaume ou d’un pays. Ce qui est sûr c’est qu’il était plutôt sacré à l’époque royale qu’aujourd’hui. « Karyenda », le tambour sacré, le symbole du royaume était gardé par « Mukakaryenda ». C’était une femme dont la légende parle qu’elle était mystiquement mariée à Karyenda. Elle restait célibataire tout au long de sa vie. Lors de l’Umuganuro, elle avait un rôle très important à jouer. Ce statut faisait que tout le monde lui vouer du respect. A part Karyenda, on parle d’un autre symbole du python : «Bihiri bigonzi». Il y avait à Muramvya une femme qu’on appelait «Juru ry’i Kagongo» qui avait le même statut que Mukakaryenda. Celui de garder Bihari bigonzi »
Inamujandi, la Jeanne d’Arc des Grands Lacs…
On est en 1934. Le royaume du Burundi est occupé par la Belgique. Le 23 septembre de la même année, une révolte de caractère local se produit dans l’Ouest de la région de Ndora. Une vieille femme prêtresse « Inamujandi » se présentant comme une « visionnaire », annonça la venue d’un nouveau Mwami pour libérer le peuple de l’emprise coloniale. Cette femme parvient à mobiliser entre 2500 et 3000 rebelles. Les dégâts furent énormes. On estime à 400 le nombre de huttes qui ont été incendiées, mais également, les chapelles et les écoles ont été pillées et incendiées.
Ce qui est intéressant de constater est que l’occupant belge fut embarrassé par la résistance que lui opposait cette insurrection dirigée par une femme. Comme toujours dans ces cas-là, cette capacité de mobilisation et de leadership a été attribuée non pas au génie propre de cette femme, mais au surnaturel et à la sorcellerie.
La capacité d’Inamujandi à motiver son peuple était telle qu’elle aurait eu des pouvoirs magiques. Dans un rapport du gouvernement belge, on la décrit comme une sorcière. Elle fut capturée le 6 novembre 1934 et envoyée à Ruyigi.
L’histoire de la bravoure et de l’héroïsme de cette femme reste gravée à jamais dans les mémoires pour avoir refusé les mirages de l’occupant.
Que les actions de ces femmes soient impitoyables ou modestes, cela importe peu. Ce qui fait d’elles des héroïnes est leurs bravoures, leurs sacrifices, leurs déterminations et leurs forces de s’imposer…Leurs noms sont gravés dans les livres des historiens et seront toujours parmi les nombreux exemples des femmes qui se sont données une place là où elle n’est pas ou qui ont bien assuré les fonctions sacrées dans le royaume.