Aujourd’hui, les femmes qui enseignent le swahili dans les universités au Burundi ne sont pas nombreuses. Clarette Ndayisenga fait partie du peu qui existent. Elle nous partage son expérience dans l’enseignement de cette langue vernaculaire africaine.
Clarette Ndayisenga enseigne le swahili à l’Ecole Normale Supérieure (ENS) depuis 2011.
Clarette Ndayisenga est enseignante de la langue swahilie à l’Ecole Normale Supérieure (ENS) et à diverses autres universités. Bien que dans son enfance, elle a grandi dans des quartiers swahiliphones comme à Bwiza (Bujumbura), elle a appris le swahili standard à l’Université du Burundi dans la faculté des Langues et littératures africaines en 2001. Ce qui l’a motivé à aimer particulièrement le swahili. Après avoir décroché le diplôme de licence, elle a travaillé comme enseignante du cours de swahili au Centre de Formation Professionnelle (CFP) Don Bosco de Buterere à Bujumbura et, parfois, elle a dispensé le cours de kiswahili à l’Institut Français du Burundi (IFB). C’est en 2011 qu’elle a été recrutée à l’ENS pour enseigner le swahili jusqu’aujourd’hui.
« Malgré tout, j’avais toujours la soif de décrocher d’autres diplômes à côté de celui de licence », indique Mme Ndayisenga. En 2017, elle a entamé les études au niveau mastère avec 11 autres masterants qui ont bénéficié des enseignants venus de la Tanzanie et du Kenya dans le cadre de l’East African Community (EAC). Elle est allée jusqu’au bout en passant par la présentation du mémoire avant de décrocher le diplôme de mastère en langues africaines, option enseignement du kiswahili. Pourtant, Mme Ndayisenga a envie de continuer les études jusqu’au niveau doctorat.
Les défis rencontrés
« Même aujourd’hui, il y a des personnes qui se demandent comment une femme burundaise peut être influente dans la langue swahilie », précise Mme Ndayisenga. Cela remonte de l’époque coloniale où quelqu’un qui parlait le swahili était considéré comme une personne mal éduquée, menteuse ou voyoute. Mais, aujourd’hui, la réalité est tout autre. La langue swahilie commence à intéresser tout le monde. Ce qui est tout à fait logique, car c’est la langue la plus utilisée dans la région de l’Afrique de l’Est.
« A l’université, nous avons appris difficilement le swahili, car il n’y avait pas assez de livres pour approfondir les connaissances dans cette langue », déplore Mme Ndayisenga. Cela parce qu’à l’époque, les décideurs ne comprenaient pas l’avantage de la langue swahilie et ne voulaient pas non plus l’intégrer dans les cursus scolaire et académique. Même dans la société, beaucoup de personnes pensaient que le fait de connaître le swahili n’est pas important et ce n’est même pas difficile de l’apprendre. Pour elles, il suffit de côtoyer un swahiliphone ou de vivre dans des quartiers où on parle cette langue comme à Buyenzi, Bwiza, etc. « Mais, en réalité, le swahili standard s’apprend à l’école voire à l’université. C’est une science comme les autres », rassure Mme Ndayisenga.
Un autre défi est que dans les années 2000, la faculté où été logé le swahili à l’université du Burundi n’était pas très convoitée. Un étudiant qui y était orienté ne se sentait pas épanoui comme celui orienté dans les facultés de Droit, d’Economie…, selon Mme Ndayisenga. La faculté était même surnommée « mu gitwa » (chez la population autochtone Batwa, ndlr), signe de rabaissement. C’est pourquoi nombreux de ses promotionnels, surtout les filles, ne se sont pas intéressés à la langue swahilie. La preuve en est que les femmes burundaises qui enseignent cette langue dans les universités sont moins de cinq aujourd’hui.
Cette universitaire demande à l’Etat d’appuyer un peu plus les étudiants et les enseignants du swahili. « Par exemple, je souhaite faire le doctorat dans la langue swahilie, mais les moyens ne me le permettent pas, car c’est cher. J’ai besoin d’être appuyée pour aller étudier en Tanzanie ou au Kenya », fait savoir Mme Ndayisenga. Pour elle, il vaut mieux que le gouvernement donne des bourses aux enseignants du swahili. En plus, que le gouvernement facilite la documentation en disponibilisant beaucoup de livres de swahili et aide les étudiants à faire une immersion linguistique dans un pays swahiliphone.
Les filles s’intéressent-elles à la langue swahilie ?
Mme Ndayisenga estime qu’aujourd’hui les filles s’intéressent à apprendre le swahili comme les garçons. Cela est quelque chose à saluer. Par rapport aux années antérieures, la langue swahilie occupe aujourd’hui une bonne place dans l’enseignement supérieur, notamment dans les structures publiques comme à l’Université du Burundi et à l’ENS.
Pour maîtriser le kiswahili, cette universitaire recommande aux filles de rejoindre, en plus des programmes académiques, les clubs qui promeuvent cette langue comme Solution Académique à la Promotion du Swahili Standard (SAPROSS), Chama cha Wanafunzi wa Kiswahili vyuo vikuu Burundi (CHAWAKIBU), etc. De surcroît, qu’elles participent dans des congrès autour du kiswahili. Elle finit par rappeler aux femmes/filles qu’elles sont capables. Ainsi, qu’elles étudient différentes disciplines sans oublier le swahili en vue de promouvoir cette langue africaine.