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Crise des hydrocarbures : Le Sénat déplore l’inaction du gouvernement

Le pays fait face à une crise du carburant sans précèdent. Les stations-services sont à sec et de longues files d’attente s’observent sur les arrêts bus. Le secteur du transport des biens et des personnes est frappé de plein fouet. Le gouvernement argue que cette pénurie récurrente est due au manque chronique des devises. Un argument qui est loin de convaincre les sénateurs qui exigent des actions concrètes de la part du gouvernement

La pénurie du carburant affecte le coût de la vie.

 

La situation devient intenable. C’est une pire crise jamais vécu dans notre pays, réagissent les habitants de la ville de Bujumbura. Depuis deux semaines, le pays connait des perturbations dans l’approvisionnement du carburant. Les services de transport sont les plus touchés. Au niveau des arrêts bus situés aux alentours de l’ex-marché central de Bujumbura, les bus se raréfient. Dès la mi-journée de longues files d’attente se forment. Les passagers n’hésitent à s’exposer à la pluie et/ou aux rayons solaires espérant avoir un moyen de déplacement. Hélas, la plupart part d’entre eux doivent rentrer à pied. D’autres montent à leurs risques et périls dans des camionnettes ou des bennes non indiqués pour le transport en commun.

Nous avons vécu cette douloureuse expérience ce lundi 18 décembre 2023. Vers 18h du soir, nous rangeons le matériel pour rentrer sauf qu’un imprévu nous surprend. Notre véhicule de service n’a aucune goutte d’essence dans le réservoir. Nous décidons d’emprunter les bus reliant Gatumba au centre-ville. Nous attendons le bus à la chaussée d’Uvira pendant une dizaine de minutes, mais en vain. Les bus passent à compte-gouttes et plein à craquer. On ne peut se frayer une place dedans. D’ailleurs, malgré plusieurs tentatives, les conducteurs ne s’arrêtent pas. Nous n’avons pas d’autres choix. Nous devons rentrer à pied. Moi et mon collègue, nous entamons un long voyage. Lui, il habite Mutakura et moi je loge au quartier Gihosha rural, le parcours est long, mais nous préserverons. Plus nous marchons, plus la fatigue nous gagne. La situation économique qui prévaut dans notre pays domine nos conversations. Nous tentons des pistes de solutions, mais malheureusement qui ne sont pas à notre portée. Vers 20h du soir après deux heures de marche, le dernier arrive chez lui avec résignation et incertitude du lendemain.

La spéculation s’invite dans la partie

Le lendemain, dès six heures et demie, on est prêt pour se présenter à nos postes d’attache sauf que la pénurie du carburant persiste. Les routes sont quasi-désertes. Il n’y pas de bus. Décidément, ceux qui ont eu la chance de décrocher un emploi se rendent au travail à pied. On dirait que c’est une journée nationale de la marche. Par malchance un bus s’improvise devant nous. Il nous dépose au pont de la République moyennant 500 FBu par personne. Certains hésitent à monter. Mais au lieu de débourser 2 000 à 3 000 FBu pour rejoindre le centre-ville en taxi, nous montons à bord de ce bus avec indifférence.

Cette expérience est partagée pour la plupart des citadins durant cette période de crise économique. Les moyens de déplacement sont très onéreux et presque inexistants. Ce qui se répercutent sur les conditions de vie de la population surtout pour les transporteurs, les pêcheurs, et d’autres personnes qui vivent des métiers nécessitant du carburant.

Une pénurie qui affecte le coût de la vie 

Dans une séance de questions orales, la ministre en charge du transport a fait savoir que la pénurie récurrente du carburant est due à la pénurie des devises que connait notre pays. « Si le pays avait assez de devises, on pourrait importer le carburant pour six mois ou une année et constituer des stocks stratégiques. Malheureusement, le pays est à court de devises. L’autre problème est lié aux procédures d’approvisionnement. Un souci au niveau des procédures d’importations peut bloquer toute la chaine d’approvisionnement et réduire considérablement la quantité des importations, explique Mme Chantal Nijimbere, ministre du Commerce, du Transport, de l’Industrie et du Tourisme.

La ministre du Commerce rejoint l’idée de son homologue en charge de l’énergie qui a déclaré la semaine dernière qu’il n’y a pas de pénurie de carburant mais un petit souci technique au niveau des procédures fiscales au port de Dar-es-Salam consécutive a la récente privatisation dudit port.

Ces arguments n’ont pas du tout convaincu le président du Sénat. Emmanuel Sinzohagera dit ne pas comprendre pourquoi même pendant les pires moments de crise que le pays a connus, le carburant coulait à flot. Certes, il y a un manque criant de devises, mais le peu qui existe pourrait satisfaire les besoins en carburant dont le pays a tant besoin.

Les prix des denrées alimentaires moins affectés

La pénurie du carburant qui s’observe au Burundi n’a pas beaucoup affecté les prix des denrées alimentaires si on tient compte des prix de ces produits avant cette période.  Dans une descente effectuée jeudi le 21 décembre 2023 par le Journal Burundi Eco au marché Ngagara II dit Cotebu, il a été constaté qu’un kg de haricot de type jaune s’achète actuellement à 3600 FBu, celui de type de Kinure à 3000 FBu et celui de type Kirundo à 2500 FBu.

Un kg de riz de dernière qualité s’achète à 3800 FBu quand celui du riz de bonne qualité coûte 4200 FBu. Un kg de grains de maïs varie entre 1900  FBu et 2000  FBu.

Un kg de petit pois sec coûte 4800 FBu. Un sac de 25 kg de farine dénommée Isembe s’achète à 75 000 FBu.  Un kg de pomme de terre varie entre 1600 FBu et 1700 FBu.

Selon les commerçants qui se sont entretenus avec un reporter de Burundi Eco, les prix de pas mal de produits alimentaires n’ont pas beaucoup augmenté pendant cette période de pénurie du carburant comme on le croyait.

Les commerçants demandent alors au gouvernement de trouver une solution efficace à la pénurie du carburant.

 

La plupart des fournisseurs s’approvisionnent dans les pays voisins

« Les commerçants se débrouillent pour trouver du carburant. Ceux des provinces du Sud du pays s’en approvisionnent en Tanzanie. Ceux des provinces du Nord du pays s’en approvisionnent au Rwanda», fait remarquer Jean Claude Nshimirimana, commerçant des denrées alimentaires au marché dit Cotebu.   Selon toujours lui, il y en a d’autres qui s’en approvisionnent en RDC.

Aline Ndayisaba, commerçante des denrées alimentaires âgée de 45 ans abonde dans le même sens. « Pendant cette période de pénurie du carburant, mes fournisseurs sont surtout ceux qui habitent dans les provinces frontalières avec les pays voisins, car ce sont eux qui s’arrangent pour trouver le carburant », précise-t-elle.  Ils trouvent de l’or noir dans les pays limitrophes, argue-t-elle.

S’approvisionner en carburant dans les provinces qui sont loin de la frontière n’est pas facile

Selon elle, les commerçants qui s’approvisionnaient dans les provinces qui sont loin de la frontière éprouvent beaucoup de difficultés liées à la pénurie du carburant.

A titre illustratif, elle indique qu’elle dispose d’une grande quantité de pommes de terre dans la commune Mukike de la province Bujumbura.

Pourtant, elle déplore qu’elle n’a pas du carburant pour les acheminer vers la capitale économique Bujumbura.  C’est la raison pour laquelle une grande quantité de pommes de terre qui se trouvent sur le marché dans la municipalité de Bujumbura proviennent de la province de Kayanza, renchérit-elle.

Que le gouvernement trouve une solution efficace !

Ces commerçants demandent alors au gouvernement de trouver une solution efficace à la pénurie du carburant pour que l’activité économique se normalise.  Ils précisent cela, car ils sont confrontés à pas mal de difficultés.

«Nos amis des pays voisins nous considèrent actuellement comme des réfugiés si nous  nous rendons chez eux à la recherche du carburant.  Ils nous étiquettent de cela, car ils ne comprennent pas comment un pays qui n’est pas dans une période de guerre manque de carburant pendant plus d’un mois », se lamentent‐ ils.

Attention au pire !

Les consommateurs qui se sont entretenus avec Burundi Eco craignent que le pire arrive.  Si les pays voisins refusent de servir le carburant aux commerçants burundais qui en ont besoin, Michel Camahembe, habitant la commune Ntahangwa indique que les habitants surtout des villes vont mourir de faim comme des mouches, car ils consomment les denrées alimentaires qui proviennent de l’intérieur du pays. Ces craintes riment avec les propos de la ministre en charge du commerce quand elle affirme que la pénurie du carburant affecte le cout de la vie de la population, les industries locales. Pour preuve, le charbon se raréfie dans la ville de Bujumbura car les camions ne sont pas approvisionnés régulièrement en mazout.

Ce sexagénaire confie que c’est la première fois qu’il voit une pénurie de carburant qui dure plus d’un mois au Burundi car, même pendant la période d’embargo sous le règne de Feu Président Pierre Buyoya, la population se déplaçait sans problème, car il y avait du carburant.                         

Le président du Sénat exige des actions concrètes de la part de l’exécutif. Le Burundi peut s’inspirer du Kenya qui a signé des conventions commerciales avec les pétroliers pour lui fournir du carburant en monnaie locale. Dans l’entretemps, les pays de l’EAC explorent l’inter-convertibilité monétaire, une politique qui permet aux pays membres de ce bloc régional d’importer avec leurs monnaies respectives.

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