Au moins trois administrateurs communaux ont été suspendus de leurs fonctions depuis le début de l’année 2022. Ceux des communes Nyabihanga dans la province de Mwaro, de Vugizo dans la province de Makamba et le cas le plus récent de Giteranyi dans la province de Muyinga. La plupart d’entre eux sont suspendus pour insubordination, abus de pouvoir et manque d’éthique en matière de gestion du patrimoine communal
Les communes du Burundi sont actuellement considérées comme la base du développement économique et sociale du pays, selon la loi communale de 2020 portant organisation de l’administration communale. La loi portant transfert des compétences à la commune a été promulguée en 2016 et la politique de décentralisation l’a été depuis 2005. Cela pour renforcer le rôle de la commune dans le développement du pays.
« La commune est le moteur du développement. Si la commune se développe, c’est tout le pays qui se développe », renchérit Prof Fulgence Nahayo, directeur des programmes de la formation continue et de l’expertise à l’Ecole Normale d’Administration (ENA).
Dr Alexis Manirakiza, professeur à l’Université du Burundi : «… il devrait y avoir un niveau requis de formation des dirigeants de la commune et particulièrement de l’administrateur».
Toutes les conditions ne sont pas réunies
Force est de constater qu’au lieu que les communes soient la base de développement du pays, il est clair que tous les outils ne sont pas là pour que cette réalité soit visible sur terrain, précise Gabriel Rufyiri, président de l’Observatoire de Lutte contre la Corruption et les Malversations Economiques (Olucome). Il explique que certains administrateurs communaux affichent de l’incompétence dans la gestion de leurs entités. M. Rufyiri dénonce d’abord que la manière dont les administrateurs sont nommés ne met pas en place des critères objectifs pour que ceux qui sont chargés de gérer la commune soient des individus compétents et outillés dans plusieurs domaines. « Nous constatons que dans la plupart des cas ce sont des militants des partis politiques ».
Un diplôme universitaire pour administrer une commune ?
Le niveau de formation n’est pas toujours le gage de la compétence mais des études ont montré que la commune fonctionnait mieux là où l’administrateur communal avait un niveau élevé (diplôme universitaire) par rapport à la commune où l’administrateur avait un diplôme du niveau inférieur (humanités générales), fait savoir Dr Alexis Manirakiza, professeur à l’Université du Burundi. Selon lui, à voir les missions assignées à la commune, il devrait y avoir un niveau requis de formation des dirigeants de la commune et particulièrement de l’administrateur. « Ce niveau devrait être au moins un niveau universitaire », dit-il tout en rappelant que la loi communale et le code électoral en vigueur ne prévoit pas le niveau de formation de l’administrateur communal. En 2020, lors de l’adoption de la loi portant organisation de l’administration communale, l’Assemblée Nationale avait senti le besoin que l’administrateur communal devrait avoir un niveau universitaire. Malheureusement, le Sénat a amendé cette loi et a biffé cette exigence, déplore Dr Manirakiza.
Devant les députés, Pascal Barandagiye, ministre de l’Intérieur d’alors avait condamné la mauvaise gouvernance consécutive au manque de compétences de certains administrateurs communaux.
Le renforcement des capacités s’impose
Pour asseoir la performance dans la commune, chaque administrateur doit d’abord s’imprégner des indicateurs d’aide dans les décisions afin de savoir sur quelle base commencer et comment évoluer au niveau de la gouvernance, précise Prof Fulgence Nahayo. Il informe que cette école dispense des formations de renforcement des capacités aux élus locaux, notamment les administrateurs communaux dans différents domaines. Selon lui, en 2021, tous les administrateurs ont suivi une formation de 5 jours sur 6 modules, entre autres le PND 2018-2027, le leadership et la gouvernance, la gestion des performances dans les communes…
L’introduction d’un poste secrétaire permanent au niveau des communes pour appuyer l’administrateur
Selon Jean Baptiste Kirimwinzigo, secrétaire exécutif de l’association des communes du Burundi (ex ABELO), le gouvernement vient de mettre en place un poste de secrétaire permanent au niveau des communes. Cela pour pallier à ce défi. « Les administrateurs ont beaucoup de dossiers à gérer. Il fallait donc qu’il y ait un technicien expérimenté pour pouvoir gérer les dossiers techniques. Le profil retenu pour ces derniers est qu’ils soient des licenciés ». Les questions techniques reviennent à ces techniciens, notamment la préparation des dossiers de procédure des marchés publics. Les administrateurs vont intervenir seulement au niveau de la signature.
Lors de la séance des questions orales avec les députés le 24 février 2022, Gervais Ndirakobuca, ministre en charge du développement communautaire a révélé que dans la loi communale en préparation, les administrateurs ne doivent pas faire partie des conseils communaux. Selon lui, il a été constaté qu’ils font pression sur certains membres du conseil communal quand arrive le moment fatidique de prise de décision. Cette fois, le conseil communal va le convoquer pour justification.