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Discours de haine, un accélérateur de conflits en période électorale

Les discours de haine créent un terreau pour l’escalade des conflits politiques et sociaux et influencent l’atmosphère électorale. L’impact de ces discours dépasse les simples échanges en ligne. Cependant loin d’être de simples propos isolés, ils peuvent provoquer des violences physiques.  L’application des lois contre ces discours de haine pourrait faciliter la lutte contre ces messages.

Abbé Dieudonné Niyibizi : « Les expressions contenant une dose de haine ou de violence que les Burundais utilisent dans leur communication peuvent renforcer la division sociale».

 

L’étude analytique menée en mois de février 2024 par le philosophe Docteur en Sciences de l’information et de la communication Abbé Dieudonné Niyibizi montre que les expressions contenant une dose de haine ou de violence que les Burundais utilisent dans leur communication peuvent renforcer la division sociale.  « Ils peuvent être des signes avant-coureurs de discrimination, de mauvais traitement, de violences et de conflits, voire de crimes contre l’humanité », explique-t-il. D’après lui, ils constituent également une attaque à la dignité, à l’égalité, à la tolérance, à l’inclusion, à la diversité soit à l’essence même des normes et principes des droits de l’homme.

Il signale que l’incitation à la violence dans les médias peut avoir des conséquences directes. « Elle entraîne des agressions physiques, des actes de violence ciblée mais aussi une culture de la peur où les individus se sentent menacés en raison de leur identité ou de leurs croyances. »

Selon Abbé Nibizi, par l’interconnexion des plateformes numériques, ces publications peuvent être relayées dans les groupes et communautés whatsapp et atteindre le plus grand nombre de personnes.

Ainsi, avec la possibilité de « liker », de partager et de commenter qu’offrent les réseaux sociaux, les médias sociaux peuvent attiser la division et la haine au sein de la population. « Car, à travers ces canaux les Burundais utilisent un langage parfois agressif, menaçant, violent incitant à la violence. »

D’après cet expert en Sciences de l’information et de la communication, ils recourent aux expressions du langage courant avec une intention d’insulter, d’agresser, de soutenir la violence, de s’identifier aux agresseurs, de crier au secours et d’inviter à la violence contre une personne ou un groupe d’individus.

Cependant, critique-t-il, les médias sociaux sont les plus actifs dans cette forme de communication. « Car, ils offrent des opportunités d’évasion communicationnelle où on s’adresse librement à son interlocuteur disant souvent sans souci de bonnes manières et de responsabilité. »

Rendre électrique la période électorale

Selon Thierry Kitamoya, assistant du ministre de la Communication, des Technologies de l’Information et des Médias, abonde dans le même sens. Il affirme qu’avec les discours de haine, l’atmosphère électorale ne peut pas être saine. « Des tensions naissent entre les partis politiques, entre les rivaux et en conséquences ce sont des conflits qui s’en suivent. » 

M.Kitamoya donne l’exemple des périodes électorales qu’a connu le Burundi.

« La période de 1993 est une période qui a été marqué par des discours de haine, des discours tribaux, des discours qui ne présentaient pas l’intérêt de la société mais qui présentaient à tort et à travers le côté sombre de l’autre. Ce qui a entraîné des affrontements entre les membres des partis politiques, des blessés mais aussi des morts. »

D’après lui, les discours de haine aboutissent à la violence. « Les gens se battent, s’insultent, se stigmatisent, font du n’importe quoi et le résultat c’est la violence qui s’en suit. »

Ici, il revient sur ce qui s’est passé en 2015.  « Il y a eu des violences qui ont fait que des gens soient assassinés et un bon nombre de personnes a fui le pays. Tout cela à cause des discours haineux qui ont été utilisés pendant la période pré-électorale. »

Une éducation citoyenne

En guise de solution contre les discours de haine, Thierry Kitamoya propose qu’il y ait une éducation citoyenne et électorale. « Et ce, afin de faire comprendre à la population qu’après les élections les gens sont toujours appelés à cohabiter, à partager, continuer à vivre ensemble dans l’harmonie. »

Pour lui, il faut que les concurrents politiques présentent à la population des projets ou des programmes de société de leurs partis politiques au lieu de parler des adversaires.  « De par le passé, nous avons vu qu’il y a des candidats, des responsables des partis politiques ou des indépendants qui ne font que parler d’autres, que montrer les échecs de l’autre au lieu d’expliquer leurs programmes. » Pour lui, ces genres de candidats devaient être écartés de la compétition.

Et dans les médias ?

Selon l’étude analytique menée en mois de février 2024, les médias ont la responsabilité de déconstruire ces mécanismes déshumanisants et de promouvoir une représentation juste et digne de tous les groupes de la société plutôt que de relayer des messages haineux.

Et pour y arriver, Abbé Dieudonné Nibizi, son auteur propose qu’il faut mettre sur pied un community management dans les médias en ligne : vigilant, actif qui module les commentaires, les redresse, les masque, les supprime ou les signale. Dans une émission interactive directe ou des synergies sur la thématique des messages de haine, il signale qu’il faut maitriser le cadrage des invités. « Il faut un monitoring permanent et systématique des messages de haine et lutter contre la désinformation par strict respect aux règles du métier. »

Pour la communauté, Abbé Nibizi, il faut créer des contenus médiatiques visant à déconstruire les messages de haine : émissions, magazines, feuilleton, sketch, reportages, émission interactive et talkshow, … approcher les personnes qui profèrent des messages de haine, cultiver la tolérance politique à travers une politique nationale de communication politique et renforcer le contrôle et la régulation des médias.

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