L’opérationnalisation effective de l’Union Monétaire dans les pays membres de l’East African Community se fait toujours attendre. Malgré les efforts fournis au niveau des banques centrales respectives, le projet de création de la monnaie unique prend du retard. Initialement prévue pour 2024, la monnaie unique a été ajournée de sept ans. Le temps pour que tous les pays membres se conforment aux critères de convergence fixés. Analyse.
En date du 15 octobre 2024, les questions adressées au ministre de la Jeunesse, de la Culture et de l’EAC relancent les débats. Gervais Abayeho a fait savoir que les pays membres de cette communauté ont du mal à se conformer aux critères de convergence. « L’évaluation faite en mars 2023 a révélé qu’aucun Etat membre de la région ne remplissait les critères macro-économiques pour utiliser la monnaie unique ». Ainsi, il a été décidé de poursuivre les préparatifs jusqu’en 2031.
Par ailleurs, une rumeur de mauvais goût sur la mise en circulation d’une monnaie unique pour la région EAC a été diffusée sur les réseaux sociaux en mars 2024. Cette fausse information a été vite démentie par le secrétariat de la Communauté d’Afrique de l’Est. Dans un communiqué diffusé sur sa page X anciennement Twitter, le secrétariat a indiqué que le processus d’introduction de la nouvelle monnaie est toujours en cours. « Le cheminement des Etats partenaires vers une monnaie unique est un travail en cours. Veuillez ignorer toute rumeur concernant le dévoilement de nouveaux billets pour la région».
Quid des critères de convergence ?
Les Etats membres doivent harmoniser leurs politiques monétaires et mettre en place les institutions nécessaires pour parvenir à une monnaie unique pour la région. Le chantier doit respecter certains critères avant de frapper les billets estampillés EAC. Ainsi, les pays membres de ce bloc régional doivent stabiliser le taux d’inflation à 8 % sur au moins trois mois, réduire le déficit budgétaire jusqu’à 3% du PIB, maintenir la dette publique à un seuil fixé à 50 % du PIB et enfin avoir un stock de réserves de change pour financer les importations sur une période de 4,5 mois.
Les principaux avantages de l’union monétaire sont entre autres : la réduction des coûts des transactions, l’économie des réserves internationales, l’élimination du risque de change et l’harmonisation des prix à l’échelle régionale.
Une étape cruciale mais…
A côté de l’union douanière et du marché commun, l’instauration de la monnaie unique constitue une étape cruciale pour aspirer à l’intégration effective. Le protocole EAMU-Eastern Africa Monetary Union-qui a été signé à Kampala en novembre 2013 devrait durer 10 ans.
Pratiquement, la monnaie unique devrait exister dès janvier 2024, mais la communauté évolue dans un environnement économique et géopolitique très instable. A l’époque l’EAC, comptait six membres mais, actuellement, le groupe compte 8 pays. Les nouveaux venus apportent un paquet de défis dans la communauté handicapant ainsi ses performances.
Pour le cas du Burundi, le retard de la mise en œuvre du protocole sur l’Union douanière et la détérioration des indicateurs macro-économiques tels que le taux d’inflation, le déficit global du Budget et les réserves de change handicapent le processus d’intégration. L’inflation est passée de 18,8% en 2022 à 27,1% en 2023. Les experts de la Banque Africaine de Développement (BAD) estiment que l’inflation est due la hausse des prix des produits alimentaires (37,2%) aggravée par la faiblesse de la production agricole et la dépréciation de 38,5 % du franc burundais par rapport au dollar américain.
Sur la même période, le déficit budgétaire s’est creusé, pour atteindre 5,3% du PIB en 2023. Selon le Fonds monétaire international (FMI), le risque de surendettement extérieur reste élevé. Dans ce contexte, la dette publique du Burundi dépasse 72% du PIB en 2023.
La convertibilité des monnaies, une alternative
En date du 17 mars 2023, les Gouverneurs des Banques Centrales réunis en conclave à Bujumbura ont signé un Addendum au Mémorandum d’Entente de 2014 sur la convertibilité et le rapatriement des monnaies respectives de la CEA. « La signature de cet addendum ouvre la voie pour le Burundi d’intégrer le système régional de paiement de la CEA et de permettre les paiements transfrontaliers en utilisant les monnaies respectives de cette Communauté », informe la Banque de la République du Burundi (BRB).
La Banque centrale a rassuré l’opinion que les procédures d’intégration effective du Burundi au système régional de paiement (East African Payment System –EAPS) sont en cours arguant que les préalables techniques exigés étaient en cours de finalisation. Une année après, le vœu des pays membres de cette communauté d’utiliser leurs monnaies respectives pour assurer les échanges commerciaux n’a pas été concrétisé. La secrétaire générale de l’EAC salue les progrès réalisés en matière de paiements transfrontaliers même si le gap reste important. Ainsi, «le transfert d’argent d’un Etat partenaire à un autre reste coûteux et trop lent. En même temps, l’interopérabilité des systèmes de paiement numérique au niveau régional fait défaut ». Mme Veronica Nduva fait savoir que l’adoption du système de paiement de l’Afrique de l’Est (EAPS) a été très faible. En conséquence, la plupart des banques de la région utilisent encore des banques correspondantes étrangères pour effectuer des paiements transfrontaliers régionaux.
Une intégration à double vitesse
La région rassemble des pays qui affichent des performances économiques dont la Tanzanie, le Kenya et l’Ouganda qui se montrent plus ou moins résilients par rapport au contexte économique mondial. Cependant, d’autres pays tels que la Somalie, le Burundi et le Soudan du Sud éprouvent d’énormes difficultés économiques et financières pour peser sur l’échiquier régional.
Les perspectives économiques de la Banque Afrique de Développement (BAD) montrent des signaux positifs pour la relance de l’économie burundaise. Les projections macro-économiques tablent sur une croissance économique de 4,6% en 2024 et de 5,9% en 2025. Une croissance stimulée par l’investissement dans le secteur minier et l’investissement public. Le pays demeure vulnérable par rapport aux chocs extérieurs et aux aléas climatiques. Une moindre détérioration du contexte politique et sécuritaire du pays ainsi que la faible mobilisation des financements pourraient compromettre ces perspectives. Ainsi, le Burundi doit poursuivre les réformes économiques et financières soutenues par ses partenaires.