Une journée de réflexion et d’échange d’expériences des acteurs impliqués dans la formation et l’insertion professionnelle vient d’être organisée. Lors d’un débat riche et instructif, les différents intervenants de ce secteur ont pu échanger sur la manière de rendre efficace et efficiente leur intervention. En filigrane, la question qui a servi de toile de fond aux discussions était: comment mieux insérer les lauréats des centres de formation professionnelle sur le marché du travail dans le cadre du partenariat public-privé
Le responsable de l’ONG Volontariato Internazionale per lo Svilippovis (VIS) qui a pris la parole en premier a fait savoir que cette journée est une occasion de promouvoir le plaidoyer en faveur d’une intervention coordonnée des partenaires du secteur de la formation professionnelle des artisans et des artistes. Un des points à développer, était le rôle du partenariat public-privé dans la formation professionnelle. En Afrique et au Burundi, plus de 50% de la population est jeune; d’où la nécessité de mener une action coordonnée et concertée envers cette catégorie de la population dans le cadre du développement humain durable, a déclaré Marco Ziliotto, représentant légal de VIS au Burundi.
Marco Ziliotto, représentant légal de VIS au Burundi : « On a constaté que localement, la formation professionnelle est un choix qui vient en dernier lieu. On veut dire aux jeunes que ce choix peut être gagnant »
Le projet «Bâtir l’Avenir» pour aider les OSC
La formation professionnelle est le lien qui se trouve entre la formation, l’éducation et le travail. C’est pour cela que VIS a mis en place le projet ‘’ Bâtir l’Avenir ‘’ financé par l’Union Européenne pour venir en aide aux Organisations de la Société Civile (OSC) qui interviennent dans ce secteur. L’objectif de ce projet est de renforcer ces organisations. On a constaté que localement, la formation professionnelle est un choix qui vient en dernier lieu. On veut dire aux jeunes que ce choix peut être gagnant. Pour cela on a besoin des partenaires comme (Chambre Sectorielle des Artisans et des Artistes (CHASAA) et l’Association des Employeurs du Burundi (AEB) pour le compte du secteur privé, mais aussi de l’Etat, a fait savoir M. Ziliotto
Les métiers sont de plus en plus considérés comme le pilier du développement
Dieudonné Gahama, directeur du département de l’Enseignement des Métiers et de la Formation Professionnelle a, quant à lui, rappelé que la finalité de l’organisation de cette conférence reste la vulgarisation du partenariat public-privé et l’insertion socio-professionnelle des lauréats des centres d’enseignement des métiers. Tout le monde n’est pas à mesure de suivre la formation classique jusqu’au post fondamental, encore moins au cycle universitaire, a-t-il indiqué. Le secteur de l’enseignement des métiers et de de la formation professionnelle est jusqu’aujourd’hui méconnu du public. « Cela parce que déjà dans l’entendement des Burundais, la formation qui a de la valeur à leurs yeux c’est celle que j’appelle classique, sociale et diplômante. Celui qui n’a pas continuer le cycle fondamental se croit laisser à lui-même. L’enseignement des métiers devrait être considéré comme le pilier du développement, car l’Etat n’est plus à mesure de donner du travail à tous ceux que le système éducatif déverse sur le marché du travail chaque année. C’est pourquoi il faut développer l’enseignement des métiers.
Dieudonne Gahama, directeur du Département de l’Enseignement des Métiers et de la Formation Professionnelle : « L’Etat n’est plus à mesure de donner du travail à tous ceux que le système éducatif déverse sur le marché du travail chaque année. C’est pourquoi il faut développer l’enseignement des métiers »
Une plateforme pour coordonner les actions
Les métiers qui ont été développés depuis longtemps sont la couture, la menuiserie et la maçonnerie. Mais actuellement, il faut penser aux métiers innovants. Heureusement qu’il y a des intervenants dans l’encadrement des jeunes. Mais ces interventions sont disparates. On ne sait pas qui fait quoi. D’où il faut comprendre cette conférence qui vise à établir une sorte de plateforme des interventions en matière de formation professionnelle. L’autre ambition de cette rencontre était de voir comment harmoniser les points de vue des intervenants depuis l’élaboration des curricula jusqu’à l’insertion des lauréats.
Revigorer le partenariat public-privé (PPP)
Le PPP a été lancé en juin 2014. Ce partenariat est d’une grande utilité dans la formation et l’insertion socio-professionnelle. Il doit être renforcé. D’abord au niveau de l’élaboration des curricula, il faut que la formation professionnelle forme en fonction des besoins du marché. Or ceux-ci sont connus par ceux qui embauchent les lauréats. C’est dans cette optique que les privés devraient participer à l’élaboration de ces curricula. Ensuite au niveau des stages qui précèdent l’insertion professionnelle, il faut une implication réelle et effective du secteur privé dans l’organisation et le déroulement de ces stages. Enfin, la formation professionnelle exige beaucoup de moyens. Il ne suffit pas seulement d’une salle de classe, d’un tableau noir et d’un enseignant, a déclaré M Gahama en marge de cette rencontre. En plus de cela, il faut des équipements et des consommables. Le secteur privé doit participer au financement de la formation professionnelle, a-t-il ajouté
Petit à petit, l’oiseau fait son nid
Le pas déjà franchi par ce partenariat est encourageant. Une convention-cadre PPP existe déjà. Un comité paritaire chargé de gérer cette convention a été mise en place. Ce qui reste c’est la mise en place des textes d’application pour l’opérationnalisation de ce partenariat. A ce niveau, il faut la volonté des uns et des autres pour faire fructifier ce projet. Les parties prenantes doivent s’impliquer davantage. C’est aussi l’un des objectifs de cette rencontre.
Concernant toujours le PPP, Adalbert Hakizimana, directeur exécutif de la CHASAA trouve que beaucoup de choses ont été déjà faites dans le cadre du PPP. La CHASAA est contente du pas déjà franchi. Le fait que le secteur privé représenté par la CHASAA s’implique dans ce secteur est une sorte de remède aux différents maux handicapant la gestion des centres de formation. Le comité de suivi de la convention-cadre s’est déjà réunie 3 ou 4 fois. Je ne parlerais pas de lacune à ce stade, car le comité a déjà analysé les besoins qui sont énormes alors que les ressources sont limitées. Ce qui est nécessaire, c’est de faire une évaluation de ce qui a été déjà fait et de ce qui doit être réalisé maintenant. Ce qui est important de savoir c’est que le PPP ne concerne pas seulement le secteur artisanal. Au moins, nous, nous faisons notre part. Qu’est-ce qui a été fait dans d’autres secteurs ? C’est une interpellation aux autres secteurs pour qu’ils puissent s’impliquer dans la mise en œuvre du PPP.
Le fait que le privé représenté par la CHASAA s’implique dans ce secteur est une sorte de remède aux différents maux qui handicapent les centres de formation
La certification, l’autre point à régler
Les participants ont longuement discuté sur le problème de la certification des formations dispensées par les différents intervenants. L’Etat doit-il garder le monopole de la certification ou déléguer ce pouvoir à certains acteurs du secteur de la formation professionnelle ? Selon le directeur exécutif de la CHASAA, la formation n’est pas une fin en soi. C’est l’insertion qu’il faut viser en premier lieu. On peut former et donner des certificats aux lauréats, mais si la personne n’est pas insérée, si elle ne parvient pas à intégrer le monde du travail, la formation n’aura servi à rien. L’argent aura été gaspillé. Il faut que le gouvernement ouvre des canaux de certification pour que les compétences qui ont été dispensées à un bénéficiaire puissent être reconnues.
Ce point de vue n’a pas été partagé par Emmanuel Nduwarugira, directeur général de l’Office Burundais de l’Emploi et de la Main d’œuvre (OBEM) qui pense que cela poserait le problème de contrôle de ces documents délivrés en désordre. En outre, il a rappelé que le pays fait déjà face à un problème de falsification et de fraude des documents administratifs. Libéraliser la certification des formations professionnelles ajourait le drame au drame selon lui.
Cette rencontre devrait être le premier pas qui inaugure des rencontres plus élargies initiant une réflexion plus approfondie sur le secteur de la formation professionnelle et l’insertion des lauréats au marché du travail, a souhaité le responsable de VIS.