Les femmes doivent se battre pour prendre leur place dans les sociétés majoritairement patriarcales. Au niveau du droit, il n’y a pas de tergiversations possibles, les hommes et les femmes doivent être traités de la même façon. Mais la lutte pour l’égalité des genres doit se faire dans la complémentarité. En revanche, sur le plan culturel, il faut peut-être y aller doucement
Sur le plan du droit, tout doit être clair. Les hommes et les femmes naissent égaux. Ils doivent être traités de la même façon. Il n’y a pas de tergiversations ni de passe-droit. Par ailleurs, l’égalité des genres ne doit pas être conçue comme une chose dirigée contre l’homme. On devrait peut-être parler d’égalité des genres en termes de complémentarité. Dieu lui-même a créé des hommes et des femmes différents, mais complémentaires. C’est en substance ce qu’a indiqué Abbé Adrien Ntabona, dans une conférence-débat sur le thème « La société Burundaise face à l’égalité des genres » organisée par le collectif des bloggeurs Yaga dans les enceintes de l’Université du Burundi.
Abbé Adrien Ntabona : « Rien n’empêche l’homme d’aider sa femme dans les travaux domestiques. Qui a dit que l’homme ne doit pas balayer ou torchonner ? »
Petit à petit, la situation évolue
Abbé Ntabona a rappelé que les choses ont commencé à évoluer positivement depuis 1975 qui a été consacrée Année de la Femme. « Au cours de cette année, nous avons fait une campagne de sensibilisation pour que les hommes et les femmes aient les mêmes droits et soient traités de la même façon devant la loi ». Cela a inspiré le législateur de l’époque qui a confectionné un code des personnes et de la famille qui était évolué à l’époque par rapport à ceux des autres pays. Cette loi a été dénigrée et caricaturée par les gens de Bujumbura qui l’ont appelée péjorativement « Code Verenika » du nom de la ministre qui l’avait initiée. Mais petit à petit, la situation a évolué positivement. L’Institution des Bashingantahe a aussi pris les devants et a exigé que 33% de ses membres soient des femmes. Maintenant c’est moitié-moitié. En fait investir Umushingantahe (notable) n’est pas l’affaire d’un individu, cela concerne toute la famille. A côté de l’homme investi, il y a la femme qui le conseille.
La femme et l’Intahe
Pourquoi les femmes ne tiennent-elles pas Intahe lors des palabres alors que l’Institution des Bashingantahe est consciente de leurs droits et de leur rôle dans la société ? Est-ce la faute du système phallocratique dans lequel baigne encore notre société ? Ntabona a une position bien tranchée sur ce sujet. Les Burundais moyens de l’intérieur du pays disent umugore akaramuka akubise Intahe ica icika ubuhiri (si la femme bat Intahe, celle-ci change de nature et devient comme une massue). Nous devons respecter ceux qui croient encore en ce genre de choses. Cela provient des interdits ancestraux qu’on ne peut pas balayer d’un claquement de doigt. La tradition évolue lentement. Il ne faut pas non plus se précipiter. Culturellement, la société n’est peut-être pas encore mûre pour lever certains interdits. Il faut y aller doucement. Par contre, rien n’empêche l’homme d’aider sa femme dans les travaux domestiques. Qui a dit que l’homme ne doit pas balayer ou torchonner ?
Halte à la victimisation
« Pourquoi le garçon ne balayerait pas la cour tandis que sa sœur qui a du talent pour le faire irait courir et remporter des médailles comme Francine Niyonsaba ? C’est comme ça que la complémentarité doit être comprise », a lancé à l’auditoire Mlle Laura Sheilla Inangoma, actrice féministe invitée au débat. Les choses ont changé. L’homme ne peut plus faire tout en solo. Il a besoin du coup de main de sa femme pour subvenir aux besoins de sa famille. C’est comme cela que la femme pourrait contribuer au développement du pays, mais aussi de sa famille. C’est une question de pragmatisme, a-t-elle ajouté. « On dit souvent qu’il faut que l’homme donne sa place à la femme. Comment un garçon qui doit tout à sa mère peut-il donner la place à sa mère ? C’est absurde. C’est à nous de prendre cette place. Je suis parmi celles qui veulent la prendre et je suis là pour vous le dire », a asséné Mlle Inangoma à l’auditoire. « Je suis parmi celles qui veulent prendre leurs responsabilités et amener leur pierre à l’édifice du développement de notre pays et je l’assume », a-t-elle ajouté.
Le débat ne doit pas être porté sur le terrain de la confrontation
Le débat sur l’égalité des genres ne doit pas être porté sur le terrain de la confrontation où la femme revendiquerait ses droits et l’homme défendrait ses acquis. Non, a déclaré Abbé Ntabona. Les hommes doivent se dire que les femmes doivent avoir tous leurs droits en tant qu’êtres humains. Les femmes doivent à leur tour accepter que la société a besoin des hommes en tant que tels. Sinon les familles pourraient être détruites, a-t-il ajouté. Ce n’est pas la confrontation qui doit l’emporter, c’est plutôt la complémentarité qui doit primer.