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Elevage des lapins, il y a loin de la coupe aux lèvres

Les cunicultures de la province Gitega et Ruyigi peinent à réaliser leur rêve. D’autodidactes sur « youtube » en quête d’informations au manque de races améliorées, de médicaments, d’aliments sains, de marché d’écoulement en passant par la mort de lapereaux, le chemin semble parsemé d’embuches. Le point.

Pour prêcher par le bon exemple, la province de Ruyigi élève 6 lapins depuis novembre 2023

 

« Depuis bientôt 5 mois, j’ai investi dans l’élevage des lapins. J’ai pour le moment 41 lapins. J’ai été inspiré par l’appel du Président de la République du Burundi à pratiquer la cuniculture pour accroître les revenus des ménages », explique Nestor Nikuze alias Jocker, un des administratifs de la colline Rutegama, commune Gitega et province de Gitega.

Ce quadragénaire, père de 8 enfants affirme qu’il avait débuté son élevage avec 15 lapereaux achetés chez les cuniculteurs traditionnels à 4.000 FBu le lapereau. « Ces derniers sont tous morts », déplore-t-il avant d’informer qu’il n’a pas lâché prise, mais qu’il a dû s’approvisionner en une race moderne chez un cuniculteur de la même colline. Ce qui fait qu’il a continué son élevage.

Malheureusement, affirme-t-il, lui et ses collègues ne trouvent pas de centres où s’approvisionner en races améliorées. « Les vétérinaires sont par ailleurs des privés qui prestent sur commande. Le marché se fait gré à gré tandis que les urines des lapins ne trouvent pas de marché d’écoulement », témoigne M. Nikuze alias Jocker.

Toutefois, notifie-t-il, les lapins contribuent à la satisfaction des besoins élémentaires des familles des cuniculteurs. « Un jour, j’ai manqué les frais pour payer les cours du soir de mes enfants qui étaient fixés à 60 mille FBu. J’ai dû emprunter cette somme et pour embourser ma dette, j’ai dû vendre un lapin à 30 mille FBu. A cette somme, j’ai ajouté 30 mille FBu gagnés dans la vente des poules », indique M. Nikuze.

Des similitudes chez les cuniculteurs

Jean Paul Manirambona est président de la coopérative Kazoza de la colline Rutegama, commune et province de Gitega. Il fait remarquer que la coopérative a commencé la cuniculture avec 42 lapins en juin 2023. « Ceux-ci sont morts les uns après les autres et leur effectif s’est réduit jusqu’à 17 lapins. Malgré cela, ces derniers se sont multipliés. Nous en avons aujourd’hui 54. Nous, quatre membres de la coopérative s’arrangent avec nos propres ressources estimées à 40 mille FBu par tête et par mois pour les entretenir », dit M. Manirambona, avant de signaler que la coopérative s’est consacrée à la cuniculture pour répondre au programme d’élevage des lapins afin de faire face à la pauvreté.

Et de renchérir : « A voir les lapines en gestation, le futur est prometteur. Des milliers de lapins vont mettre bas d’ici trois ans. D’où, la nécessité d’un marché d’écoulement ».

Consolate Habonimana, une autochtone de la colline Rukoba, commune et province de Gitega témoigne qu’elle élevait les lapins avant l’annonce du programme. La trentenaire et mère de 8 enfants signale que l’un de ses enfants a été opéré il y a de cela 7 ans d’une tumeur grâce à l’argent tiré de la vente des lapins. « Le coût de la facture était de 120 mille FBu. J’ai vendu 8 lapins en ma possession pour obtenir cette somme. Dieu aidant, mon enfant a été opéré. Il s’est rétabli et fréquente pour le moment la 6ème année de l’école fondamentale », se réjouit-elle avant d’annoncer qu’elle n’a pas renoncé à l’élevage des lapins suite à l’attachement à leur viande. Maintenant, elle élève 3 lapins achetés à 6 mille FBu chacun, soit 18 mille FBu. Malencontreusement, ceux-ci sont des bouquins.

Un autodidacte devenu formateur

Eric Vyumvuhore connu sous le sobriquet de « Rukwavu » traduit en français par lapin est un cuniculteur modèle de la colline Rutegama, commune et province Gitega. Trentenaire et père d’un enfant, il avise qu’il a débuté la cuniculture en 2009 comme par amusement. Cela par une lapine et un bouquin.

« En 2017, j’ai eu la chance d’être formé gratuitement par un Tanzanien. Ce qui a fait que j’ai migré de la cuniculture traditionnelle vers la cuniculture moderne », fait-il savoir. M. Vyumvuhore révèle qu’il possède 200 lapins tout en répertoriant 510 lapins distribués gratuitement dans la chaîne de solidarité créée par lui-même. Cela pour valoriser la cuniculture.

Ce lauréat de la 6ème année fondamentale confie que la cuniculture est très rentable. Par exemple, martèle-t-il, il vend sa production à raison de 9 mille FBu le kg. Ce qui fait qu’un lapin pesant 10 kg peut générer facilement 90 mille FBu, soit 900 mille FBu pour 10 lapins.

 Et de continuer : « Pour ce qui est des urines des lapins, je parviens à avoir plus de 10 bidons de 20 litres par trimestre. C’est donc plus de 200 litres par trimestre. D’une façon globale, je distribue gratuitement ces urines de lapins pour expérimenter le déparasitage des cultures. » Ce qui, soutient-il, évite l’usage des produits chimiques nuisibles à la santé humaine. S’il lui arrive de les vendre, le coût d’un litre est de 3 000 FBu. M. Vyumvuhore affirme que les crottes de lapins sont un bon fumier pour l’agriculture.

A partir des revenus tirés de la cuniculture, celui-ci témoigne qu’il est parvenu à construire une maison d’habitation, à engager neuf employés payés mensuellement et à se procurer 8 vaches frisonnes et 20 moutons. « Ces vaches me procurent 40 litres de lait par jour que je vends à 1400 FBu le litre, soit 56 000 FBu que je gagne par jour », se félicite M. Vyumvuhore avant de préciser que ce qui l’a marqué le plus est qu’il forme les voisins cuniculteurs. Cela sans tenir compte du niveau de ses études.

Quand « Youtube » devient une source de formation

Joseph Nahimana, septuagénaire de la colline Gasanda, commune et province de Ruyigi certifie qu’il a accueilli à bras ouvert le programme d’élevage des lapins. « Depuis août 2023, j’ai acheté 5 lapins. Inopportunément, trois d’entre eux ont été volés. Toutefois, je n’ai pas renoncé à élever les lapins. Actuellement, j’en ai 24 », avoue-t-il.

M. Nahimana reconnait que les lapins sont rémunérateurs, surtout qu’il a déjà vendu une vingtaine pour acheter les semences de haricot. Il ajoute également que des lapins avoisinant une soixantaine ont été vendus pour subvenir aux besoins quotidiens. Une vingtaine ont été mangés et 4 cadeautés aux enfants.

M. Nahimana s’inquiète qu’il ne maîtrise pas les techniques de la cuniculture, malgré qu’il veut s’en approprier. « Les notions que j’utilise pour le faire sont puisées sur Youtube », raconte-t-il avant de rappeler que même le capital pour commencer la cuniculture n’est pas moindre. Le coût du clapier moderne (planches de bois, chevrons, tôles, tuyaux et grillages), selon toujours M. Nahimana est d’environ 60 mille Fbu : « Ce prix n’est pas facilement abordable pour quelqu’un qui pratique l’agriculture de subsistance. »

Il revient aussi sur le manque de lapereaux de race améliorée, de granulés, de médicaments…Il regrette qu’il ait perdu un effectif important de lapereaux d’un mois à 3 mois.

L’appropriation du programme de cuniculture, encore un long chemin à faire

Valéry Nkunzimana, chef de cabinet du gouverneur de la province de Ruyigi authentifie que les habitants de la province de Ruyigi adhèrent progressivement au programme d’élevage des lapins. « Ceux qui n’ont pas encore commencé à le faire avancent comme motif de manque de capital », déclare-t-il.

M. Nkunzimana rappelle que pour prêcher par le bon exemple, la province de Ruyigi élève depuis le mois de novembre dernier 6 lapins. Cela avant de s’inquiéter que ceux-ci n’ont pas encore mis bas.

Il notifie qu’il n’existe pas de pharmacie vétérinaire publique dans la province de Ruyigi, mais que le Bureau Provincial de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Elevage s’occupe du suivi des animaux domestiques.

Jean Claude Havyarimana, chef de service production et santé animale et halieutique dans la province de Gitega fait savoir que la population  intègre le programme d’élevage des lapins. Il se réfère aux statistiques.

Jean Claude Havyarimana, chef de service production et santé animale et halieutique dans la province de Gitega : « Un centre naisseur des lapins sera bientôt construit sur la colline Kiremera de la commune Giheta ».

Actuellement, souligne-t-il, les lapins élevés dans la commune Giheta sont au nombre de 6 981, dans la commune de Bugendana au nombre de 13 325, dans la commune de Gitega au nombre de 25 363, dans la commune d’Itaba au nombre de 8 104, dans la commune de Makebuko au nombre de 9 113, dans la commune de Bukirasazi au nombre de 6 642, dans la commune de Buraza au nombre de 5 130, dans la commune de Gishubi au nombre de 7 731, dans la commune de Ryansoro au nombre de 3 100, dans la commune de Mutaho au nombre de 14 856 et dans la commune de Nyarusange au nombre de 4 672.

Bien que la province de Gitega ait 3 à 4 races améliorées, M. Havyarimana se lamente de l’absence d’un centre naisseur de lapins dans cette circonscription. Ce qui peut impacter la multiplication de ceux-ci et, partant, la consanguinité.

Malgré cela, il annonce qu’un marché pour construire un centre naisseur sur la colline Kiremera de la commune Giheta est déjà conclu. M.Havyarimana déplore la mort des lapereaux ayant entre 1 mois et 3 mois et conseille de les nourrir de foin séché pendant deux à trois jours. Il expose aussi que la province de Gitega possède 25 vétérinaires dépourvus de moyens de déplacement. Ce qui n’arrange pas l’accompagnement du programme. Le manque de marché d’écoulement est aussi un défi pour la province. M.Havyarimana fonde son espoir sur l’usine de conditionnement de la viande du lapin en construction. En attendant, on peut produire pour vendre dans les hôtels, dans les restaurants…

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