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Filière café : Quand les avancées riment avec les défis

Dès le début de l’an 2020, l’Etat burundais s’est réengagé dans la filière café après plusieurs années de privatisation. Dans l’organisation de cette filière, l’Arfic a été remplacée par l’Odeca. Une année après ce changement institutionnel, ce dernier est satisfait de la plus-value au service des caféiculteurs. Emmanuel Niyungeko, directeur général de l’Odeca, donne quelques détails

En janvier 2020, l’Autorité de Régulation de la Filière Café (Arfic) a été remplacée par l’Office pour le Développement du Café du Burundi (Odeca). Ce dernier a été mis en place en vue de concrétiser la politique de réengagement de l’Etat dans la filière café. Les raisons de ce remplacement sont entre autres la baisse de la production et de la qualité du café ainsi que l’absence d’encadrement des caféiculteurs de la part de l’Etat. Ce qui a été à l’origine du désintéressement de la caféiculture par la population. Par ailleurs, après avoir constaté ces défis, en octobre 2019, l’Etat a mis en place une stratégie de redynamisation et du redressement de la filière café. L’Etat vise à s’impliquer dans tous les maillons de la filière depuis les vergers jusqu’au niveau de la transformation et de la commercialisation du café. Il envisage également de contribuer directement dans l’encadrement et l’augmentation de la production du café. L’Arfic n’était pas à la hauteur, car son contrôle était limité. Elle n’intervenait que dans la régulation et la coordination.

Par exemple, elle ne pouvait pas s’impliquer pleinement dans la transformation et la commercialisation du café. En conséquence, des spéculations sur le café ont été signalées, le non rapatriement des devises et le non-paiement des caféiculteurs ont constitué des défis de taille. Malheureusement, l’Arfic n’avait pas la prérogative de sanctionner les acteurs qui se méconduisaient. Pour ce faire, l’Etat devait intervenir et trouver une solution durable, d’où la mise en place de l’Odeca. Sa première mission est de promouvoir la culture du café et d’intéresser les caféiculteurs. Désormais, contrairement aux années antérieures, le paiement des caféiculteurs se fera dans les meilleurs délais. Et, au niveau de l’encadrement, l’Odeca est en étroite collaboration avec les caféiculteurs, les moniteurs agricoles et le ministère ayant l’agriculture dans ses attributions.

En vue de promouvoir la filière café, l’Odeca a succédé à l’Arfic, mais les problèmes persistent surtout au niveau de la collaboration avec les sociétés qui interviennent dans cette filière.

Rapatriement des devises

« Les campagnes cafés qui s’étendent de 2017 à 2020 ont connu un non rapatriement des devises exagéré. Il y avait même des acteurs qui totalisaient plus de 2,5 millions USD non rapatriés. C’est un problème pour l’économie nationale », fait savoir M. Niyungeko. Il ajoute que l’Etat a décidé d’éliminer de la filière café tout acteur qui ne payait pas les caféiculteurs ou qui ne rapatriait pas les devises. Actuellement, avec la venue de l’Odeca, l’exportation représente 80% du café vendu. Pour une autre partie du café exporté dont le rapatriement des devises n’est pas encore fait, les transactions sont en cours. L’Odeca suit de près tout ce processus. Par exemple, un acteur ne peut pas exporter un lot sans que les lots exportés précédemment ne soient régularisés au niveau de la BRB. « Si un acteur ne parvient pas à rapatrier les devises, l’Odeca pourra demander une autorisation de saisir ses biens et le café restant en vue de régulariser le trésor public », précise M. Niyungeko.

Quid des autres organisations œuvrant dans la filière café ?

Selon toujours M. Niyungeko, juridiquement, les anciennes sociétés qui travaillaient dans la filière café, notamment les Sociétés de gestion des stations de dépulpage-lavage du café (Sogestals) existent encore. Pour le moment, elles sont dans une phase d’auto évaluation parce que le sort qui sera réservé à ces entités est en cours de préparation. L’Odeca a même commencé à acquérir les stations de lavage qui, autrefois, étaient gérées par les Sogestals.

Concernant l’Intercafé et la Confédération Nationale des Associations des Caféiculteurs du Burundi (CNAC-Murima w’isangi), avec la naissance de l’Odeca, les activités qui étaient dans leurs mains ont été insérées dans les missions de l’Odeca. Ces sociétés ont été conçues à l’époque où l’Etat s’était désengagé dans la filière café. Actuellement, elles restent dans la filière à condition qu’elles revoient leurs squelettes statutaires pour se conformer à la nouvelle politique de l’Etat en la matière.

Avant que l’Odeca ne prenne les rênes de la filière café, la CNAC assurait l’encadrement de proximité des caféiculteurs et intervenait dans la production du café à partir de l’entretien des pépinières des plants. Actuellement, elle ne s’occupe que des associations des caféiculteurs qu’elle a créées et continue à défendre leurs intérêts. « A l’ère de l’Odeca, certes le caféiculteur a été payé à temps par rapport aux années antérieures mais, malgré cela, il y a toujours des défis à relever. Il est à la fois régulateur et opérateur », fait savoir Jean Pierre Ntabomenyereye, président de CNAC. Par exemple, ajoute-t-il, il y a eu un retard dans la distribution du matériel caféicole aux caféiculteurs, notamment les engrais, les pesticides et les pulvérisateurs.

En outre, le réengagement de l’Etat dans la filière café a provoqué le chômage de plus de 800 employés de CNAC. Ils réclament toujours leurs salaires compris entre 6 et 11 mois. Comme il y avait un contrat entre CNAC et Arfic, il faut que son successeur (Odeca) règle ce problème, martèle M. Ntabomenyereye. Malgré tout, le décret No 100/002 du 7 janvier 2020 recommande à l’Odeca de collaborer avec les sociétés qui interviennent dans la filière café. Pour ce faire, M. Ntabomenyereye demande à l’Odeca de ne pas négliger l’importance de CNAC dans le développement de la filière café au Burundi.

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