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Des images choquantes, faut-il tout partager ?

L’image est indispensable pour authentifier l’information. Et avec les nouvelles technologies de l’information et de la communication, les gens ont eu accès aux outils de diffusion instantanée des images. Malheureusement, ces images dont certaines sont choquantes font le tour du monde  sans qu’on tienne compte des conséquences que cela peut engendrer    

Elles sont souvent issues de contextes difficiles : des guerres, des tragédies humaines, des catastrophes naturelles, des accidents, des attentats, des meurtres. Des images choquantes, le public burundais en a vu suffisamment avec la crise de 2015 qu’a traversé le pays, les catastrophes naturelles et plus récemment  les attaques à la grenade à l’ex- marché central de Bujumbura. Et là, on ne passerait pas sous silence les accidents de roulage de tous les jours. Ce sont des images qui montrent la mort, la mutilation, l’intolérance, la cruauté, la sauvagerie de l’Humain ou de la nature. Ce sont des images qui offensent, qui révulsent, qui indignent, qui attristent.

Les témoins de ces scènes prennent des images et les partagent sur les réseaux sociaux et ces images deviennent virales. Malheureusement, les images qui devraient être traitées délicatement avant d’être partagées,  sont  partagées inconsciemment en ne tenant pas compte d’un certain nombre de risques. Pour Simon Kururu, spécialiste en communication non-violente,  le public est ignorant et, malheureusement, n’est pas éduquée.

Les images choquantes peuvent être dangereuses. Pour les partager, il faudra bloquer l’aperçu de l’image et indiquer que l’image peut choquer.

Penser à la dignité et aux proches de la victime

Le droit au respect de la dignité humaine ne cesse pas avec la mort. Lorsque des personnes meurent au cours d’une guerre, d’une catastrophe, etc., leurs dépouilles doivent être traitées avec respect et dignité.  Dans le contexte qui prévaut, la dignité de la personne humaine est mise en cause.

La diffusion des images choquantes peut  avoir de graves conséquences surtout sur les proches de la victime.  En cas de survenue d’un événement grave et surpris qui a coûté la vie au sien, la personne a besoin d’être préparée. «  C’est choquant quand un enfant voit par exemple le cadavre de son parent circuler dans le monde entier sans qu’il soit au courant de sa mort», explique M. Kururu. Si la perte d’un être cher est un événement en soi traumatisant, ne pas être préparé accentue le choc psychologique surtout que la victime est décédée dans des conditions atroces.

Le choc est également moral pour les proches. « C’est un sentiment de honte pour la famille quand le cadavre du sien est découvert au monde entier », dit Kururu

Mais faut-il partager ou pas ?

Au nom de la diffusion de l’information,  le public ou la presse utilise des images qui sont jugées sensibles. Il existe des façons de cacher les images, mais surtout les visages des personnes, indique M. Kururu. Sinon, il faudra indiquer avant l’ouverture de l’image que cette dernière est sensible. Cette méthode est utilisée par le réseau social Facebook. Il bloque l’aperçu de l’image et indique que le contenu de l’image peut choquer. Cela permet de mettre le lecteur en contexte et de cliquer s’il  veut la voir.

«Même les médias tombent dans le piège. Il y a des médias qui se font de l’argent par le sang et les larmes», fait savoir le spécialiste. Mais c’est une larme à double tranchant qui est dangereuse, dit-il. Il explique que ces images peuvent inciter à la haine, à la vengeance et plus encore à banaliser la mort. Tout le monde est dépassé par les événements, les réseaux sociaux sont devenus incontrôlables. Certes, publier ou partager des informations est un droit. « Mais là où le droit des uns s’arrête c’est là où commence les droits des autres »

Pour Kururu, le législateur doit mettre en place des lois qui protègent les victimes des catastrophes et des accidents routiers. On en a vu en Australie après le terrible attentat de Christchurch en Nouvelle-Zélande durant lequel le tueur avait filmé et diffusé en direct la vidéo de son massacre de près de 50 personnes dans deux mosquées le 15 mars 2019, une vidéo qui est devenue virale sur internet. Les élus australiens ont adopté une nouvelle loi qui prévoit des peines de prison et des fortes amendes à l’encontre des plateformes numériques comme Facebook, Twitter et YouTube, dans le cas où des contenus choquants ne seraient pas rapidement supprimés, après leur mise en ligne. Dans d’autres pays comme la France, les atteintes au droit à l’image sont sanctionnées civilement de la même manière que les atteintes à la vie privée.

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