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Inadéquation formation-emploi : Un obstacle pour les demandeurs d’emploi ?

Chaque année, des milliers d’étudiants burundais sortent fraichement des universités. Le nombre de ceux qui parviennent à décrocher directement, que ce soit dans le secteur public ou dans le secteur privé est minime. Même s’ils y parviennent, peu d’entre eux parviennent à décrocher de l’emploi dans des domaines similaires à leurs formations. Quelles seraient les causes, quelles sont les pistes de solutions ? 

Ils sont des serveurs dans les bars-restaurants, des agents des services Ecocash et Lumicash, des taximen, des motards, etc. Suite au manque d’emplois dans les secteurs correspondant à leurs formations académiques, les jeunes burundais s’orientent dans d’autres secteurs pour survivre. Certains se regroupent en associations pour entreprendre de petites activités génératrices de revenus.

Suite au manque d’emplois dans les secteurs correspondant à leurs formations académiques, les jeunes burundais s’orientent dans d’autres secteurs pour survivre.

Des étudiants s’inquiètent

« Nous constatons que les formations que nous sommes en train de suivre ne répondent pas aux opportunités d’emplois qui se présentent actuellement. Peu de jeunes sont actuellement recrutés dans la fonction publique, se lamente un étudiant de la faculté de Droit à l’Université du Burundi.  En principe, nous devrions étudier tout en visant à quoi nous allons nous engager après les études ». J M, ingénieur de formation est actuellement serveur dans un bar dans la ville de Kayanza. A l’Université du Burundi, il a fréquenté la faculté des Sciences de l’Ingénieur, option Aménagement et Urbanisme. « Avoir un emploi correspondant à ce que j’ai étudié m’a été difficile. Les conditions de vie sont devenues intenables et j’ai été obligé de travailler dans un bar comme serveur pour subvenir à mes besoins. Je n’avais d’autres choix que de me débrouiller », explique-t-il.

André Nduwimana, directeur général de l’enseignement des curricula et des innovations pédagogiques au ministère en charge de l’éducation : Les jeunes qui terminent leurs études universitaires sont nombreux alors que les places à pourvoir dans les sphères de l’Etat sont limités.

L’Etat ne peut pas embaucher tous les jeunes qui terminent leurs études

André Nduwimana, directeur général de l’enseignement des curricula et des innovations pédagogiques au ministère en charge de l’éducation nationale indique que les jeunes manquent de travail suite aux emplois qui sont limités. Pour lui, les jeunes qui terminent leurs études supérieures sont nombreux alors que les emplois disponibles, les places à pourvoir dans les sphères de l’Etat sont limités.  Il précise que l’Etat ne peut pas embaucher tous les jeunes qui terminent leurs études. « Par exemple, plus de 500 étudiants terminent leurs études universitaires dans la faculté de Droit alors qu’au ministère de la Justice, il y a peu de places à pourvoir. Suite à cette situation, il se manifeste un certain favoritisme dans le recrutement. Selon lui, cette problématique amplifie le chômage.

Le secteur privé pointé du doigt

André Nduwimana montre que le secteur privé burundais n’est pas aussi capable de donner du travail à de nombreux jeunes.  « Au Burundi, la plupart des hommes d’affaires n’investissent pas dans des industries qui peuvent générer des emplois pour un grand nombre de jeunes. Ils font le commerce. Ils sont vendeurs. Là, ils ne peuvent pas générer beaucoup d’emplois. D’autres investissent dans l’immobilier alors qu’ils peuvent implanter des usines pouvant embaucher beaucoup de gens », explique-t-il.

Les programmes éducatifs ne sont pas adaptés à la réalité sur terrain

Pour Euphrasie Bigirimana, coordinatrice du Centre Universitaire de Formation et de Recherche en Entrepreneuriat (CUFORE) de l’Université Lumière de Bujumbura, l’inadéquation formation-emploi est lié aussi aux jeunes eux-mêmes, aux parents et aux systèmes d’éducation. Selon elle, avant les années 1990, les jeunes qui terminaient leurs formations universitaires trouvaient facilement des emplois. Le gouvernement avait la capacité de recruter les jeunes diplômés. Mais, suite à la démographie galopante, cette situation a basculé et le recrutement s’est au ralenti.

Selon Mme Bigirimana, les programmes éducatifs ne sont pas adaptés à la réalité sur terrain. Les jeunes continuent à fréquenter aveuglement des filières qui ne débouchent pas sur des embauches. S’ils ne parviennent pas à se faire embaucher dans l’enseignement, les lauréats des instituts pédagogiques finissent par devenir des chômeurs. Elle déplore que les orientations dans les universités ne tiennent pas compte des talents des jeunes. Mme Bigirimana dénonce également le fait que les parents ne permettent pas à leurs enfants de fréquenter les facultés de leur choix. Un élève qui a des talents dans le design et qui est orienté dans la faculté de Droit ou dans la faculté des Lettres sans tenir compte de ses talents ne va pas réussir dans sa vie professionnelle.

Euphrasie Bigirimana, coordinatrice du CUFORE :« Les programmes éducatifs ne sont pas adaptés à la réalité sur terrain ».

Des étudiants qui ne sont pas bien outillés ?

Balthazar Ndaboroheye, président de l’Association des Industriels du Burundi a, quant à lui, fait savoir que les étudiants qui sortent actuellement des universités n’ont pas de capacités suffisantes pour être embauchées dans les industries. « Il y a souvent manque de profils qualifiés pour les emplois disponibles dans les industries », précise-t-il. Dans le domaine de la métallurgie, on ne peut pas par exemple trouver des Burundais qui vont y travailler. « Pourquoi les universités ne proposent pas des programmes adaptés aux emplois disponibles ? », se demande-t-il

M. Ndaboroheye admet néanmoins que les industries burundaises ne sont pas diversifiées. Seules les petites industries de transformations des produits alimentaires existent et elles ne peuvent pas absorber tous les étudiants qui terminent leurs études. « Nous avons des référentiels dont on tient compte pour évaluer si les programmes dispensés sont en conformité avec les lois et ce que le pays a besoin. Chaque nouvelle université qui se crée doit mettre en place des programmes adaptés à la situation du moment », a indiqué Dr Alexis Ndabarushimana, secrétaire exécutif de la commission nationale de l’enseignement supérieur.

L’introduction de nouveaux programmes, une nécessité

Daly Ngarambe, un jeune burundais qui a fait ses études à l’étranger ne va pas de gauche à droite. Il faut que les Burundais changent de mentalités. S’adapter aux réalités du moment, que ce soit dans le système d’enseignement, dans la manière d’enseigner, dans la manière d’étudier est une solution. Pour lui, le système d’enseignement burundais devrait beaucoup viser les secteurs porteurs de croissance dont l’agriculture et l’élevage, les secteurs miniers, l’hôtellerie et le tourisme, etc. Les universités devraient mettre beaucoup d’efforts dans le domaine de la recherche. Il faut que les universités se concentrent dans les domaines techniques au lieu des facultés théoriques.  « Ces mécaniciens de Buyenzi n’ont pas de diplômes en mécanique automobile mais ils sont capables ».

Les centres de recherche burundais devraient être renforcés afin de collaborer avec les universités, recommande Balthazar Ndaboroheye. «Ils sont agonisants. Les personnels insuffisants qui y travaillent n’ont même pas de moyens pour mener leurs travaux à bon port».

André Nduwimana tranquillise que cette problématique est en train d’être résolue. Dans les récentes réformes, on a introduit une direction générale chargée de la recherche et de l’innovation qui travaille avec les universités. Euphrasie Bigirimana recommande aux jeunes lauréats des universités de prendre conscience de leur avenir et de définir leurs visions de ce qu’ils vont devenir dans leurs vies. Les parents devraient laisser les enfants choisir eux-mêmes les facultés qu’ils vont fréquenter. L’Etat devrait soutenir les privés qui aident dans l’octroi des stages professionnels. Prendre en compte les talents des jeunes dans l’orientation des élèves serait également une nécessité pour inverser la tendance. Cela pour valoriser les talents des jeunes afin de leur permettre de se créer de l’emploi.

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