Maltraitées et violentées par leurs maris, nombreuses sont les femmes qui, en province de Ngozi refusent de retourner chez elles pour ne pas abandonner leurs enfants. Dans certains cas, cette résistance calme les ardeurs de certains maris volages. Dans d’autres, elle contribue à banaliser les violences au sein des foyers.
« Accepter de quitter mon mari serait mettre en danger mes enfants car cela lui donnerait l’occasion de prendre une autre femme et cette dernière ne prendrait aucun soin d’eux », déclare Janvière Nsabushaka, une paysanne de la colline Kinyana en commune Ngozi. Celle-ci qui a déjà eu trois enfants avec son mari, reste toujours violentée par celui-ci. Malgré tout, elle reste sous le toit conjugal au moment où son mari, trop violent à son égard, a déjà engagé des procédures judiciaires pour demander le divorce. « Il me bat tous les jours pour me pousser vers la sortie afin d’amener sa concubine, mais je ne quitterai pas pour le bien de mes enfants », ajoute-t-elle.
Comme elle, de nombreuses autres femmes battues et violentées par leurs maris, surtout dans la province de Ngozi, refusent souvent de partir par souci pour leurs enfants. Par exemple dans son rapport « Appui Légal » du premier trimestre 2011, le centre de développement familial (CDF) de Ngozi signale que plus de 48% des femmes subissent diverses violences conjugales, refusent de dénoncer leurs maris ou d’intenter une action en justice pour demander le divorce. Ce refus de dénonciation a été aussi proverbialisée : Niko zubakwa. Ce qui veut dire c’est ça la vie des couples, la femme n’a qu’à s’y adapter.
Ailleurs, ces femmes et particulièrement celles qui vivent dans les collines manquent généralement des moyens financiers pour saisir la justice ou demander la médiation des notables (Bashingantahe), n’ont pas vraiment d’autres choix que de se résigner « Les procédures sont trop longues et coûteuses en temps et en argent, même les Bashingantahe demandent de la bière pour le rafraîchissement et ainsi certaines femmes se résignent », confie Marie Nezerwe, une élue de la colline Mushitsi en commune Mwumba, elle-même violentée par son second mari.
Patience parfois payante
Parfois, cette résistance stratégique des femmes qui s’accommodent des maris violents finit par payer. Elle calme les ardeurs de certains hommes et les fait revenir à de meilleurs sentiments. « Au départ, mon mari me maltraitait pour m’acculer à retourner chez moi afin qu’il soit libre de se remarier. J’ai refusé de quitter pour rester auprès de mes enfants et avec le temps, il a fini par changer et maintenant je suis tranquille », assure Fabiola Banderembako. En réalité, selon les femmes interrogées, quand on a un mari violent, il faut être patiente et attendre l’âge de la raison des maris.
Même tardif, ce retournement de situation profite dans certains cas aux enfants qui trouvent quelque fois leur équilibre psychique en raison, précisément, de cette harmonie familiale retrouvée. « Lorsque le père et la mère ne s’entendent pas dans un ménage, cela touche inévitablement les enfants et conduit à l’échec scolaire voire d’autres dérapages dans la mesure où ils n’ont plus de repères », explique Timothée Misago, un psychologue clinicien. Il affirme en outre qu’un enfant qui grandit en assistant quotidiennement à l’agression de sa mère par son père peut en rester traumatiser toute sa vie.