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La prise en charge des malades mentaux, un long combat à mener

Depuis longtemps, on a associé les troubles mentaux à la sorcellerie  ou à la croyance. L’existence d’un seul centre neuro-psychiatrique spécialisé, l’insuffisance du personnel spécialisé, la population qui n’est pas informée sur la maladie mentale…font que la prise en charge des malades mentaux connait une certaine faiblesse. Des avancées en la matière oui, mais  un long chemin reste à faire

Comme le paludisme, le diabète, le cancer, etc., la maladie mentale n’est pas une fatalité. Les personnes qui souffrent de cette maladie sont pourtant stigmatisées, et abandonnés à leur triste sort. Si on les rencontre errant dans les rues, agressifs, c’est que d’une manière ou d’une autre leur maladie a été négligée par eux-mêmes ou par leur entourage. Pourquoi alors ces gens ne sont pas traités ? Que peut-on faire ? Par qui et comment ?

Le CNPK, l’unique  centre spécialisé dans les soins neuro-psychiatriques

Le Centre Neuro-Psychiatrique de Kamenge (CNPK)  prend en charge les malades mentaux depuis 1981. Auparavant, les malades étaient dans une unité à l’hôpital Prince Régent Charles (salle 14), où ils étaient internés, mais pas soignés. C’est après la convention qui a été établie entre la communauté des Frères de la Charité et le gouvernement du Burundi via la médiation de l’Eglise catholique que les soins psychiatriques ont été administrés.

Ayant une capacité d’accueil de 150 personnes, le CNPK compte actuellement 156 personnes.

« Ce centre a commencé avec 30 lits et compte aujourd’hui 156 lits. Il a une capacité d’accueil de  150 personnes. Il  avait une unité divisé en deux. Il en est actuellement à 4 unités : une pour les hommes en crise, une pour les hommes stabilisés, une pour les hommes améliorés et une pour les femmes. Cette dernière est divisée en deux sous-unités (celle pour les malades en crise et celles pour les malades stabilisées». La pauvreté de la plupart des patients, la cherté des médicaments qui sont très chers, l’insuffisance du personnel sont entre autres les difficultés que rencontre ce centre. L’approvisionnement en  médicaments est un autre défi auquel le centre fait face. Les médicaments qu’ils utilisent ne sont pas produits localement  et ne sont pas disponibles à la CAMEBU (Centre d’Achat des Médicaments Essentiels du Burundi), fait savoir le directeur du CNPK.

« Il y a du personnel qui nous est  donné par le ministère de la Santé, et  le personnel qui est engagé par le centre. Cependant, nous avons toujours un personnel insuffisant», fait remarquer le directeur du centre. Quant à l’appui dont bénéficient les patients qui n’ont pas de moyens, le directeur du CNPK dit que certains arrivent à décrocher l’aide du ministère de la Solidarité, d’autres cette chance ne les sourit pas. Pour ces derniers, le centre est obligé de les prendre en charge, surtout que l’origine de la plupart d’entre eux, leur origine n’est pas connue. « Certes c’est une perte pour le centre, mais nous sommes un centre à caractère social. Nous essayons de tenir le coup », ajoute-t-il.

Un léger mieux depuis la décentralisation  du centre

Ayant une capacité d’accueil de 150 personnes, le centre compte à l’heure actuelle 156 personnes. Même si  aujourd’hui ce centre est dépassé  en ce qui est de la capacité d’accueil, le directeur indique qu’un léger mieux  s’observe depuis qu’on a créé deux sous-centres, l’un à Gitega (en 2011), l’autre à Ngozi (en 2014). Ces deux sous-centres ont été créés pour justement pallier au problème de surpopulation du CNPK, mais aussi pour que les malades de l’intérieur du pays puissent accéder aux soins psychiatrique facilement sans toutefois parcourir de longues distances. Encore, ces centres sont tellement petits. Au centre de Gitega par exemple, on ne peut hospitaliser que 20 personnes et à Ngozi, c’est même moins. Si la capacité de prendre en charge les malades mentaux constitue un problème, celui de les accueillir est un casse-tête.

Dans cette même optique, le ministère de la Santé en collaboration avec ce centre a mis en place une politique d’intégration des soins de santé mental dans les soins de santé primaires. A défaut de ces centres de proximité, les malades viennent en grand nombre au CNPK. Comme le dit le directeur du CNPK, cette politique est dans sa première phase.  Malgré tous les efforts fournis, les gens continuent à ignorer l’existence de ces centres de l’intérieur, peut-être par manque de confiance en leur expertise.

La maladie mentale, un tabou non brisé ?

Le fait d’associer la maladie mentale à la sorcellerie et à la croyance fait qu’une fois la maladie détectée, les gens font recours aux charlatans ou aux chambres de prière qu’aux centres de soins. En conséquence, les malades sont amenés au centre étant dans un état critique. Les autres sont battus ou terrorisés par l’entourage à cause de leur agressivité. Justement, dans la politique ci-haut citée, on commence par la sensibilisation et l’éducation de l’entourage sur le comportement à adopter face à une personne présentant les troubles mentaux. Plus on sensibilise, on éduque, plus les gens viennent se faire soigner.

Pour le  psychologue Alexis Ndayizigiye, coordinateur de la clinique de l’éducation et de la psychothérapie, les gens devraient savoir que la maladie mentale ne vient pas comme un éclair. Elle se développe lentement mais, malheureusement, les gens ne sont pas au courant de ses signes précurseurs.  Des signes qui pourraient être traités dans un centre psychosocial plutôt que dans un centre neuro-psychiatrique. Ils ne sont pas informés  sur la maladie que, parfois même, la personne qui affiche un comportement bizarre est critiquée et maltraitée. D’autres qui sont au courant de leurs problèmes refusent de se faire soigner à cause de la honte qu’il subira quand l’entourage sera au courant de sa maladie. Aussi, entre les psychologues, les psychiatres et les psychanalystes, il peut être difficile de savoir à qui s’adresser pour se soigner.

Dans un pays comme le Burundi qui a connu des crises socio-politiques, on devrait s’attendre à des cas de personnes souffrant de troubles mentaux. « Avoir des psychologues engagés et créer des centres psychosociaux proches de la population viendraient relever le défi ». lance Ndayizigiye.

– Le psychologue a suivi une formation universitaire dans le domaine de l’étude des grandes lois régissant le comportement humain. Le psychologue clinicien peut vous proposer des entretiens à visée thérapiques (psychothérapie de soutien, psychothérapie cognitive), des tests divers (de personnalité, d’intelligence, etc..) mais il ne pourra pas vous prescrire des médicaments car il n’est pas habilité à délivrer une ordonnance.

– Le psychiatre a passé avec succès le concours de médecine puis, durant son cursus, s’est orienté dans l’étude des troubles psychiatriques. Comme le psychologue, il propose des entretiens thérapiques, mais lui peut prescrire des médicaments (antidépresseur, anxiolytique…).

– La psychanalyse désigne un mode de traitement psychologique qui se base sur les concepts liés aux processus mentaux inconscients. Le constat étant que les gens sont la plupart du temps inconscients des facteurs déterminants leurs émotions et leurs comportements. Le but est de parvenir à la guérison de l’analysé, qu’il comprenne et modifie son rapport à son histoire afin d’être capable d’y rechercher les ressources nécessaires pour sortir de l’impasse dans laquelle il se trouvait.

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