Le café burundais constitue une pierre angulaire de l’économie nationale. Il représente plus d’un quart des recettes totales des exportations nationales et constitue ainsi une source cruciale de devises. Dans un pays où l’agriculture domine avec plus de 98% des activités, près de 8 millions de Burundais, soit 40% de la population, vivent indirectement de la culture du café. Grâce à un climat parfait pour l’arabica et des méthodes de culture et de transformation méticuleuses, le café burundais s’impose comme un café de spécialité, acclamé sur la scène internationale et compétitif dans les plus grandes compétitions mondiales.
Au Burundi, le café demeure un pilier essentiel de l’économie nationale, apportant des devises et des revenus aux ménages. Selon les données de la Banque centrale du Burundi, en 2022, le café représentait plus de 25 % des recettes totales des exportations, constituant ainsi une source incontournable de devises pour le pays.
Introduit au Burundi depuis l’époque coloniale, la production s’étend aujourd’hui sur plus de 70 000 hectares avec plus de 122 millions de caféiers. Les principales variétés cultivées au Burundi sont l’arabica qui représente environ 93 % et une petite quantité de robusta.
Bienvenu au royaume du café
La culture du café est pratiquée par plus de 600 000 familles burundaises et environ 8 millions de burundais, soit 40% de la population, en dépendent. La majorité des caféiculteurs se trouvent principalement dans les provinces du Nord du Burundi, telles que Kayanza, Ngozi et Muyinga qui sont des régions à forte vocation de production du café.
Il est 11 heures à Kayanza, une province située au Nord du Burundi, surnommée le royaume du café burundais par les caféiculteurs. Et, à juste titre, car cette province située dans la région de Buyenzi produit un café de qualité exceptionnelle capable de rivaliser avec les meilleurs cafés du monde sur le marché des cafés de spécialité.
Nous arrivons dans le quartier Kabuye pour y rencontrer M. Claver Nzimpora, un caféiculteur de 68 ans, qui nous partage son histoire avec le café. Depuis l’âge de 12 ans, il s’est lancé dans l’agriculture, mais depuis plus de 50 ans, il se consacre principalement à la culture du café. Ce choix a été motivé par son expérience dans la cafeiculture, qui lui a montré que le café lui apportait plus d’avantages que les autres cultures vivrières. Comme il le raconte, même avant son mariage, il possédait déjà ses propres plants de caféiers, une situation rare au Burundi. Aujourd’hui, il possède 4 120 plants de caféiers et plus de 80 % de ses terres arables sont dédiées au café.
Un moteur de développement pour les ménages ruraux
Pour ce caféiculteur, tout le précieux qu’il a pu acquérir dans sa vie, il le doit à la culture du café. «Dans la lignée de mon père, nous n’avions pas de grandes propriétés foncières terres agricoles. Mais grâce aux revenus tirés de mes caféiers, j’ai pu acheter mon propre lopin de terre que je peux cultiver sans difficulté. »
Un autre avantage que j’ai tiré de la filière café est que j’ai pu facilement payer la scolarité de mes enfants jusqu’à l’université. « L’un d’eux a terminé l’université et s’est même marié. J’en ai encore trois pour lesquels je paie les frais universitaires et je peux m’en acquitter grâce à la filière café », raconte fièrement ce père de neuf enfants.
Grâce aux revenus générés par la vente du café, Nzimpora a pu s’acheter une vache et construire une maison. « Regardez la maison dans laquelle je vis. J’ai réussi à la construire grâce aux revenus tires du café », ajoute-t-il en nous montrant sa maison flambant neuve et d’une modernité sans pareilles, comparée à la majorité de celles de ses voisins. « La culture du café m’a apporté tellement d’avantages que je ne peux pas penser une seule seconde à l’abandonner. Elle me motive chaque jour à perseverer », souligne-t-il.
Le café n’est pas seulement la principale source de revenus pour Nzimpora, elle l’est aussi pour la plupart de ses voisins. « Dans ma région, il y a de nombreux producteurs de café. Si quelqu’un s’aventurait a quitter la filière café, il se retrouverait vraiment dans une grande pauvreté, car cette culture apporte beaucoup de revenus à nos familles. C’est la seule qui peut vraiment procurer un revenu significatif à la population. Les autres cultures sont pour accessoires et ne pourraient pas générer assez de revenus pour permettre à quiconque de vivre », explique-t-il.
Cela a été confirmé par Pierre Minani, un caféiculteur de 70 ans, rencontré à la station de lavage du café de Kabingo. « La plus grande somme d’argent que je n’ai jamais touchée, je l’ai tiré de la vente du café. Je n’achète de la viande ou de beaux habits pour les membres de ma famille qu’apres avoir été payé après la vente de mon café », témoigne-t-il.
Le café Burundais, convoité à l’international
Le café burundais représente 0,3 % des exportations mondiales de café. Bien que cette quantité soit insignifiante, la qualité du café burundais est exceptionnelle. Le café produit au Burundi, notamment dans la province de Kayanza, est très prisé à l’international.
Parfait Nitunga, est un Burundais vivant en Italie. Il est docteur en Science et Technologies Alimentaires, avec expertise sur les produits alimentaires d’origine tropicale. Il a été interviewé par Illaria Beretta, coauteure de cet article.
Il témoigne : « On dit que le café du Burundi se distingue par son arôme et son goût. Pour être un “speciality coffee”, il doit se démarquer lors de la dégustation. Si vous le buvez, vous pouvez reconnaître la particularité de ce café. Il se distingue des autres. Bien que la production du café soit faible, lorsqu’il est consommé, il se distingue et on comprend alors qu’il a sa place sur le marché. Il est utilisé pour de nombreux mélanges. Mélangé à d’autres cafés arabicas ou robustas, il parvient à créer une marque de café très intéressante. On le trouve chez de grands groupes comme Lavazza qui l’utilisent comme mélange. Normalement, il est utilisé comme “single origin” dans les pays nordiques. Leur torréfaction n’implique pas forcément un mélange. Ils peuvent aussi boire du “single origin” », fait-il savoir.
Quel en est le secret ?
Ce n’est pas par hasard que le café du Burundi est considéré comme un « speciality coffee ». Plusieurs facteurs y contribuent, notamment le climat équatorial humide et l’altitude comprise entre 1500 et 2000 mètres, favorables à la production d’un Arabica de qualité.
Les conditions de culture jouent également un rôle important. Au Burundi, le café n’est pas cultivé sur de grandes étendues. Ce qui permet aux caféiculteurs de soigner chaque étape de leur travail. Les plants de café sont repiqués à la main avec peu d’engrais organiques et peu de pesticides. Les caféiers se développent ainsi de manière aussi naturelle que possible.
Lors de la cueillette, seules les cerises bien mûres, donc rouges, sont récoltées, tandis que les cerises vertes restent sur les caféiers. La cueillette se fait à la main, cerise par cerise, en triant les bonnes des mauvaises. C’est un travail minutieux mais essentiel, car plus la récolte est soignée, meilleur sera l’arôme du café. Bien que le processus de récolte sélective soit plus lent et fatigant, la qualité en est garantie.
Une fois récoltées, les cerises de café sont transportées vers une usine de transformation pour être converties en grains de café vert, prêts à être expédiés à un torréfacteur. A la station de lavage, les drupes de café sont normalement apportées par le producteur lui-même qui fait enregistrer le poids et se fait payer à la fin de la saison.
La station de lavage est un hangar équipé d’une grande machine dans laquelle les grains de café sont introduits. Cette machine calibre les grains et enlève la pulpe. Les machines sont inclinées pour faciliter le mouvement des grains. Après le passage dans la dépulpeuse, les cerises de café sont immédiatement trempées dans l’eau pour enlever le mucilage, puis elles descendent dans un bassin où elles sont nettoyées avant d’être collectées et mises à sécher.
A ce stade, les grains, encore protégés par le parchemin (la couche argentée), sont séchés pendant 8 à 15 jours sur des tables grillagées. Les cerises mûres fraîchement récoltées ont un taux d’humidité de 65%, qui doit être réduit à 11 ou 12%. Ensuite, les grains vieillissent pendant 15 à 60 jours pour homogénéiser l’humidité, améliorer les attributs de qualité et garantir un meilleur vieillissement. De 5,5 kg de fruits, après avoir enlevé la pulpe, le mucilage et le parchemin, on obtient un peu moins d’un kilo de café vert, prêt à être expédié à un torréfacteur, généralement situé à l’étranger.
« Toutes ces étapes, exécutées selon une tradition rodée et améliorée au fil du temps, permettent au Burundi de commercialiser un “speciality coffee”, c’est-à-dire une qualité de café très précieuse qui suit un protocole reconnu et jouit de notes aromatiques précises », explique-t-il.
Comme l’explique Dr Nitunga, les cafés de spécialité sont évalués par des commissions d’experts indépendants parmi lesquelles les plus célèbres sont l’Alliance for Cup of Excellence et le Coffee Quality Institute. Ces experts décrivent leur travail avec des termes poétiques et évoquent quatre composants essentiels qui, en se combinant, créent une boisson parfaite : l’arôme, le corps, l’acidité et la saveur. « L’arôme est le parfum qui promet souvent plus que ce que nos papilles ne perçoivent. Le corps fait référence au ‘poids’ du café dans la bouche, à la manière dont il glisse sur la langue et remplit la gorge. L’acidité se rapporte à une saveur piquante qui peut ajouter une note distinctive à la tasse de café. Enfin, la saveur est le goût qui explose dans la bouche et persiste après la dégustation », explique-t-il.
Le Burundi dans le top 10 de cup of excellence
Le Burundi participe depuis 2012 à un concours appelé Cup of Excellence organisé chaque année par l’Alliance for Cup of Excellence. Ce concours constitué la plus haute distinction pouvant être attribuée à un café de spécialité. Les cafés sont dégustés “à l’aveugle” par des examinateurs qui n’ont aucune information sur la production. Chaque échantillon doit passer par six tours et obtenir au moins 86 points sur 100 à chaque étape pour avancer.
Chaque année, des milliers de cafés sont examinés pendant la compétition, mais au maximum 10 remportent l’étiquette de gagnants de la Cup of Excellence au niveau international et peuvent espérer être vendus aux enchères à un prix très élevé.
La participation du Burundi à cette compétition est remarquable car, parmi les 54 pays producteurs de café dont la moitié se trouve en Afrique, seuls trois pays africains, dont le Burundi peuvent concourir à cette prestigieuse compétition. Le Burundi est le pays africain ayant le plus souvent figuré dans le top 10 de cette compétition.
En 2017, un lot de café issu de la station de lavage de Kibingo dans la province de Kayanza a été désigné meilleur café du monde lors de la vente aux enchères. Un kilo de ce café a été vendu à 115 dollars et les producteurs ont bénéficié de primes allant jusqu’à 100 francs burundais par kilo.
Le café burundais a également été primé dans d’autres compétitions comme l’African Fine Coffee Competition. En 2022, le Burundi a été choisi comme le premier pays producteur du meilleur café au monde lors de la foire-exposition Speciality Coffee Expo organisée par la Speciality Coffee Association du 8 au 10 avril à Boston aux États-Unis.
Cet article a été réalisé grâce à Journalismfund Europe par deux journalistes : moi, Florence Inyabuntu(Burundi Eco) et Ilaria Beretta(Avvenire), avec le soutien du Dr Parfait Nitunga.