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Le processus de réconciliation, la force de demander pardon

La connaissance de la vérité sur un passé douloureux soulage l’auteur et le rescapé de ce passé et cela permet à leur progéniture de vivre en paix. Cette affirmation est soutenue par le vécu des habitants des communes Ruyigi et Butaganzwa. L’administration communale et le diocèse de Ruyigi appellent d’autres à emboîter le pas à ces familles et espèrent un plus jamais ça. Les détails dans la chronique sur la lutte contre les messages de haine de cette semaine.

Abbé Bernard Cubwa, secrétaire exécutif de l’ONG SOPRAD du diocèse Ruyigi : « la reconnaissance de ses actes du passé rend libre et intègre ».

 

L’après-guerre impose la réconciliation comme l’axe fondamental de la reconstruction du pays. Mais cette réconciliation est impossible sans que les parties en conflits puissent s’asseoir ensemble et se dire la vérité, mais surtout se demander pardon.

Juvénal Karema et Isaac Bihogora sont tous habitants de la commune Ruyigi. Agés respectivement de 63 ans et 54 ans, ils se sont réconcilié après que Karema est reconnu avoir tué les parents de Bihogora et en demander publiquement pardon. Avec précision, Karema raconte : « Pendant la crise de 1993, j’ai été parmi ceux qui ont massacré les Hutus. J’ai tué le père et la mère de Bihogora Isaac ». Ce sexagénaire raconte qu’après la crise, quand il croisait Issac, il avait honte de lui-même. Suite aux sensibilisations de la part d’une ONGs locales comme « MIPAREC » et « SOPRAD », il a approché la famille des victimes pour lui demander pardon. « J’ai demandé à ce qu’on nous aide à nous réconcilier. J’ai mis mon orgueil et l’endurcissement du cœur de côté, j’ai reconnu que j’ai tué et j’ai demandé pardon ». Ce pardon lui fit accorder en 2017.

De son côté, le représentant de la famille Bihogora affirme que cette repentance les a réunis. « Après l’acte de repentance Karema, curieusement je me suis senti libéré. Le fait d’ignorer la vérité sur ce qui s’est passé pour mes parents m’avait tétanisé ».

Le courage de ces deux messieurs a fait que d’autres familles de la commune Butaganzwa emboîtent le pas aux premiers réconciliés. C’est le cas d’Abraham Ndikumana, 57 ans de la zone Muriza, commune Butaganzwa. « J’ai plaidé publiquement que j’ai tué les Tutsi. Je me suis engagé à chercher ceux dont j’ai tué les leurs pour qu’ils me pardonnent », confie-t-il.

Le pardon rend libre

Au départ, Karema et Bihogora expliquent que beaucoup ne comprenaient pas leur geste. « Ils me disaient que je ne suis pas le seul qui a tué. Et même mes enfants me demandaient pourquoi je m’exposais jusqu’à ce point. Mais moi, je voyais leur avenir. Je ne voulais pas qu’ils soient appelés « enfants d’un tueur » », raconte Karema. Et Bihogora ajoute : « Ils disaient que je ne pouvais pas laisser passer quelqu’un qui a avoué le meurtre de mes parents. Ils me disaient : pourquoi tu ne l’as pas achevé à ton tour ? ».

Aujourd’hui, Karema et Bihogora affirment qu’ils vivent en harmonie, se tutoient ou partagent une bière quand la situation financière le permet, contrairement à la situation d’avant où ces deux voisins se fuyaient.

Une attitude à encourager

Isaïe Nibitanga, secrétaire permanent de la commune Butaganzwa affirme que reconnaître publiquement un péché est un signe de repentance qui ne trompe pas. Pour lui, cette approche devrait être consolidée et vulgarisée.

Quant à Abbé Bernard Cubwa, secrétaire exécutif de l’ONG SOPRAD du diocèse de Ruyigi qui œuvre pour la justice et la paix en vue d’un développement durable, la reconnaissance des actes du passé rend libre et intègre. Il témoigne que le constat sur terrain est que les gens commencent à se relâcher et veulent libérer leurs cœurs.

Pour cet homme de la foi, se demander pardon et s’accorder le pardon c’est se libérer d’autant plus que lorsque la justice se saisira des cas, s’il n’y a personne qui condamne l’auteur, la justice ne le fera non plus. Raison de plus de saisir l’occasion pour faire la paix avec tout le monde.

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