Le phénomène de mendicité des enfants dans les rues de Bujumbura a visiblement fléchi depuis la décision de la mairie de faire retourner ces enfants dans leurs communes respectives. Mais il suffit de faire un tour dans certains quartiers proches du centre-ville pour voir l’autre face de la médaille. Burundi Eco s’est rendu dans un de ces quartiers. Le constat est inquiétant
Il est 18h 25 dans le quartier asiatique de la commune Mukaza. Les rues sont illuminées et le commerce bat son plein comme pendant la journée. Certes ce quartier, peuplé en grande partie par les Asiatiques qui sont des commerçants chevronnés, est connu pour son business florissant. Mais des mouvements inhabituels s’y observent depuis quelques temps. Des enfants en situation de rue y deviennent de plus en plus nombreux selon les habitants de ce quartier. Il suffit d’y passer une demi-heure pour constater les faits. Des enfants dont la tranche d’âge se situe entre 3 et 12 ans font des navettes jour et nuit dans les avenues de ce quartier. Ils demandent de l’argent à toute personne qui passe. Près de l’ex ciné-caméo, je vois un groupe de 6 enfants assis sur le trottoir en train de partager quelques billets récoltés auprès des âmes charitables. Le plus âgé qui, apparemment joue le rôle de leader, surveille l’opération et décide qui doit avoir beaucoup ou peu et le reste du groupe doit obtempérer. « Après les rafles de la police dans le centre-ville ces derniers jours, nous nous sommes repliés ici pour trouver de quoi manger », confie Cédric, le plus âgé du groupe. Quelques mètres plus loin, d’autres enfants sont devant les portes des magasins et ne cessent de suivre les clients pour une éventuelle demande d’aumône. Ils n’hésitent même pas à lancer des mots qui ne plaisent pas aux passants. Un phénomène qui prend de l’ampleur aux yeux des résidents.
Des enfants venus de nulle part pour y élire domicile
« Ils deviennent de plus en plus nombreux et le problème c’est qu’ils ne rentrent même pas », s’indigne Omar, un habitant du quartier asiatique. Selon ses propos, cela fait presqu’un mois que ces enfants fréquentent ce quartier. « Avant on ne voyait qu’une dizaine, mais aujourd’hui ils sont plus d’une cinquantaine. Ce qui n’est pas sans conséquence parce que même au milieu de la nuit, on peut les entendre crier dans la rue. Ce qui veut dire qu’ils ont aménagé des abris de fortune ici », affirme-t-il. Un avis partagé par une mère trouvée à l’avenue Swahili qui fait savoir que ces enfants commencent à devenir dangereux. « Ils viennent souvent par dizaine frapper à la porte en disant qu’ils ont faim. Nous craignons qu’ils deviennent bientôt de potentiels racketteurs », s’inquiète-t-elle. Ces enfants que les habitants de ce quartier qualifient de « bombe à retardement » viennent des différents quartiers périphériques de la mairie de Bujumbura. Certains ont abandonné l’école dès leur bas âge et doivent, à tous les coups, vivre quotidiennement grâce à la rue. D’autres ont fui la pauvreté qui sévit dans leurs ménages et n’ont d’autres choix que s’éterniser dans la rue.
Les habitants du quartier asiatique appellent la police à intervenir pour endiguer ce phénomène
Comme la rue est leur demeure, ces enfants la connaissent très bien, savent tout ce qui s’y passe et en maîtrisent toutes les ficelles. Ils sont généralement très débrouillards et autonomes dès lors qu’ils sont plongés dans ce milieu. C’est leur seul moyen de survie. Ils ont quitté le centre-ville parce que la police pouvait facilement les y traquer. Ce qui est difficile maintenant car, selon les résidents de ce quartier, les patrouilles policières sont rares. « Il faut que la police se saisisse de cette situation et qu’elle prenne des mesures préventives avant que ce ne soit trop tard », martèle un vieil homme rencontré sur une des avenues de la localité avant d’ajouter que plus le temps passe, plus d’autres enfants viennent gonfler l’effectif.
Les services ayant la question des enfants en situation de rue dans leurs attributions seraient-ils encore aptes à trouver une solution ? En tout état de cause, le problème persiste. Des mesures drastiques s’imposent pour le bien de la société.