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Le secteur privé Burundais émaillé de moult couacs

Le dialogue public-privé qui ne fonctionne pas à la merveille, le processus de certification boiteux, les routes en état de défectuosité, la non digitalisation des services de l’OBR et  l’injustice commerciale sont certains des défis majeurs qui minent le secteur privé

Malgré que le Burundi a entrepris toute une série de réformes dans l’optique de redynamiser le secteur privé, ce dernier est émaillé de moult couacs, indique Denis Nshimirimana, secrétaire général de la Chambre Fédérale du Commerce et d’Industrie du Burundi (CFCIB). Cela est ressorti des échanges sur la contribution du secteur privé au développement du pays organisés au mois de décembre 2022 par le Centre for Development Enterprises great lakes (CDE) en collaboration avec l’Agence de Développement du Burundi (ADB).

Selon lui, l’environnement légal et réglementaire est visible, mais le dialogue public-privé ne fonctionne pas à merveille.

Les lois sur le secteur privé sont quelquefois promulguées sans consulter ce secteur.  Il explique que parfois, l’homme en cravate avec une chaussure bien cirée ne raisonne pas  comme un homme d’affaires qui met la main dans la pâte et qui voit tous les problèmes qui se posent sur le  terrain.

Le dialogue public-privé nécessite une amélioration

Pourtant, en collaboration avec la présidence de la République et l’ADB, il se réjouit du fait qu’un projet de décret sur la relance du dialogue public-privé a été mis en place.  Il suggère alors  qu’on fasse des efforts supplémentaires sur  ce côté-là pour inverser la tendance.

Une autre entrave au développement du secteur privé burundais évoquée par Nshimirimana est la certification des produits. «Le BBN n’est pas bien équipé. Il  manque de ressources matérielles et humaines qualifiées suffisantes.   Ce qui fait que les produits made in Burundi sont refoulés aux différentes frontières comme celles de la Tanzanie, du Rwanda et de l’Ouganda», déplore-t-il. Et de renchérir que cela décourage les investisseurs privés.

Denis Nshimirimana, secrétaire général de la Chambre Fédérale du Commerce et d’Industrie du Burundi (CFCIB) :«Malgré que le Burundi a entrepris toute une série de réformes dans l’optique de redynamiser le secteur privé, ce dernier est émaillé de moult couacs».

 

Selon toujours lui, les infrastructures physiques telles que les routes en état de défectuosité avancée constituent un défi majeur au développement du secteur privé.  « Dans une route pleine de nids-de- poule, on peut boucler 100 km en  5h au lieu de 2h», s’inquiète- t- il.

A titre d’exemple, avant que la société SOGEA SATOM ne reprenne les travaux de réhabilitation de la route Bujumbura-Rumonge (RN3), Nshimirimana  fait savoir qu’on  mettait 45 min pour arriver au chef-lieu de la province de Rumonge.  Et faire un aller-retour nécessitait 10h. Pour un investisseur privé, il  fait savoir que c’est une perte énorme.

La digitalisation des services de l’OBR, une urgence

Une autre anomalie qui étouffe le secteur privé concerne les infrastructures numériques, estime Nshimirimana.  A l’OBR, on fait toujours la queue.  Ce qui ne se fait plus actuellement dans la plupart des autres pays africains.

A titre d’exemple, il  informe que  cela fait des années que l’office kenyan de collecte des recettes est digitalisé. On télécharge le formulaire en ligne. On paie en ligne. Le contribuable n’a pas de contact avec le douanier ou le fiscaliste. Ce qui réduit les commissions et le temps. Et de noter que ce sont des économies enregistrées sur toute l’échelle.  Pour toutes ces raisons, il  souligne que c’est urgent de digitaliser l’OBR en particulier et toute l’administration en général.

 L’injustice commerciale étouffe le secteur privé  

Un autre entrave au développement du secteur privé est l’injustice commerciale, fait savoir Nshimirimana.  Quand une affaire se clôture après  2 ans ou même plus,  il indique que non seulement cela décourage les investisseurs burundais,  mais aussi que cela fait fuir  et bloquer complètement les investisseurs étrangers.

«J’ai visité la Côte d’Ivoire en 2019. Le tribunal du commerce a été reformé. Il a deux degrés de juridiction. Il a une chambre spéciale où les affaires ne dépassent pas 5 mois au maximum pour être tranchées», fait remarquer Nshimirimana

Au CFCIB, il confie qu’il a existé de par le passé une chambre d’arbitrage.  Pourtant, cette dernière  n’existe pas aujourd’hui. Et  souvent, il a été constaté que les investisseurs n’aiment pas investir  dans les pays où il n’y a pas de chambre spéciale d’arbitrage ou de médiation.

A ces défis, Marie Müque Kigoma, fondatrice de la société Fruito ajoute ceux qui caractérisent le secteur de l’agro-industrie. «C’est un secteur qui connait beaucoup d’aléas, délicat et pas rentable par rapport au contexte que nous vivons aujourd’hui», plaide Kigoma. Si on plante un manguier, on doit attendre au minimum 5 à 6 ans pour  commencer la récolte, explique- t- elle. Et de se demander comment on parvient à s’acquitter de la dette contractée auprès des banques pendant toute cette échéance.

Marie Müque Kigoma, fondatrice de la société Fruito : « Le secteur de l’agro-industrie est un secteur qui connait beaucoup d’aléas, délicat et pas rentable par rapport au contexte que nous vivons aujourd’hui ».

 

De surcroît, les maladies qui attaquent les plantations ajoutent le drame au drame, déplore-t-elle. «C’est la raison pour laquelle, il y a peu d’opérateurs économiques qui y investissent», note Kigoma.

 Comment rendre attractif le secteur de l’agro-industrie ?

Pour rendre ce secteur attractif et éviter que les sociétés œuvrant dans ce dernier ne meurent avant de naître, Kigoma demande qu’on tienne compte de sa spécificité en lui accordant des financements à long terme et à des taux bas.

D’après Kigoma, c’est une urgence si on veut que le secteur de l’agro- industrie puisse décoller.  De plus, la création d’un capital à risque par l’Etat est une impérieuse nécessité pour  voler au secours  des entreprises en difficultés.

Selon l’assistant du ministre du Commerce, du Transport, de l’Industrie et du Tourisme, la décision de ne pas investir au Burundi peut être accélérée par  tout un paquet d’obstacles. Il cite la corruption, l’accès difficile au marché financier et la concurrence déloyale du secteur informel.

Il ajoute aussi l’absence ou l’insuffisance criante des infrastructures, de l’énergie et une faiblesse des échanges commerciaux, la dépendance aux cours internationaux des matières premières, la petite taille du marché, le capital humain qui se cherche et  la pauvreté imminente.  C’est pourquoi la promotion du secteur privé à travers l’amélioration du climat des affaires et des investissements est une urgence pour relancer l’économie du Burundi.

Malgré cette situation, Didace Ngendakumana, directeur général de l’Agence de Développement du Burundi (ADB) conclut qu’un  secteur privé dynamique constitue un puissant moteur de développement, de création d’emplois et de réduction de la pauvreté.  Il assure environ 90% de l’emploi dans les pays en voie de développement.

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