Le Fonds Monétaire International (FMI) apprécie à juste titre la résilience économique du Burundi face aux effets induits par la double crise de Coronavirus et le conflit militaire qui oppose la Russie et l’Ukraine. « L’économie du Burundi continue à faire face aux vents contraires que représentent la pandémie de COVID-19 et les effets de la guerre en Ukraine », peut-on lire sur le site du FMI.
Benjamin Kuriyo, Directeur de publication
Ce gendarme du système financier international projette la croissance économique du pays à plus de 3%. La croissance économique devrait se raffermir pour atteindre 3,3 % en 2022, soit une légère hausse par rapport au taux de 3,1 % enregistré en 2021, constatent les administrateurs du FMI. De quoi se réjouir selon le ministre en charge des finances qui en profite pour annoncer que l’économie nationale se porte à merveille malgré les chocs extérieurs.
Pour lui, il n’y a pas lieu de s’inquiéter, l’économie burundaise n’est pas en danger. Il brandit les données du FMI pour consolider son argumentaire. Il compare le pays le plus pauvre du monde aux grandes économies de la zone euro. Les propos du ministre des finances semblent plus rassurants alors que le pays traverse une grave crise énergétique. Par effet de contagion, la pénurie criante du carburant provoque une envolée des prix sur le marché local. Les prix des produits de première nécessité et les services de transport explosent. Dans ces conditions, la croissance économique à deux chiffres attendue dès l’année prochaine est une utopie. De surcroît, il s’agira d’une croissance économique de rattrapage, car le pays aura traversé une longue période de récession économique.
Les experts du FMI estiment que la crise russo-ukrainienne pèse lourdement sur l’économie burundaise. La guerre en Ukraine a induit une hausse des prix à l’importation (denrées alimentaires et carburants) et une baisse des prix à l’exportation (thé et café), ainsi que des difficultés de chaîne d’approvisionnement qui ont amplifié les pressions inflationnistes et les défis de viabilité externe.
Les statistiques de l’ISTEEBU révèlent que l’inflation annuelle s’élève à 13,4% au mois de juillet. Cela est dû aux prix des produits alimentaires qui enregistrent une hausse de 16,1%. Les cours du pain, des céréales, des huiles des légumes contribuent principalement à la hausse du taux d’inflation. La dette publique intérieure frôle les 3 000 milliards de FBu. Par rapport à la capacité du pays de s’approvisionner sur le marché extérieur, les administrateurs soulignent la faiblesse de la position extérieure et la nécessité de prendre des mesures pour remédier aux déséquilibres extérieurs et reconstituer les réserves de change. D’ailleurs, ils suggèrent d’utiliser l’allocation des DTS principalement pour renforcer les réserves de change.
Les experts du FMI estiment que la dette publique du Burundi est soutenable. Toutefois le risque de surendettement extérieur est considérable, avertissent-ils. « Les déséquilibres extérieurs sont de taille, le taux de couverture des réserves est inférieure à la norme et la prime du marché de change parallèle est élevée ».
Les propos du ministre des Finances sont de loin de convaincre la société civile. Les activistes de la société civile évoquent la dégradation continue des conditions de vie des populations ponctuée par la pauvreté, la malnutrition aiguë, l’inflation galopante et le chômage.
Aux grands maux, de grands remèdes, dit-on! Au lieu de se voiler la face, les autorités devraient prendre le taureau par les cornes pour réduire la vulnérabilité de la population. Nous saluons la mesure d’interdiction des importations du maïs tout en espérant cette fois-ci que les grains de maïs ne contiennent pas de toxines. « Si les Burundais dans leurs diversités sont incapables de s’asseoir ensemble et de parler honnêtement de leurs faiblesses et de leurs potentialités, le pays n’avancera jamais », a tranché l’éminent économiste professeur Léonce Ndikumana en marge d’une conférence sur le développement animée en août 2021.
Face aux pressions inflationnistes actuelles et à la croissance rapide du crédit, les administrateurs du FMI soulignent la nécessité de recalibrer l’orientation de la politique monétaire, d’initier une réduction du financement monétaire et de renforcer l’indépendance de la Banque centrale.