Chaque étape du processus de la transformation des cerises de café génère des déchets, souvent négligés, mais qui recèlent un potentiel insoupçonné. Bien que leur gestion soit parfois défaillante, ces résidus peuvent être valorisés pour non seulement réduire leur impact environnemental, mais aussi pour offrir de nouvelles opportunités. Dans cet article, nous explorerons les pratiques actuelles de gestion des déchets de café au Burundi et les solutions innovantes qui pourraient transformer ces « déchets » en ressources précieuses.
A chaque étape de transformation des cerises en café vert, différentes sortes de déchets sont générées. La majorité de ces déchets proviennent des stations de lavage et ils peuvent être liquides ou solides. Les peaux et les pulpes de café sont parmi les principaux déchets produits lors de ce processus, car les cerises doivent être débarrassées de leur peau et de leur pulpe. Il est important de noter que pour obtenir une tonne de café vert, environ deux tonnes de déchets de café doivent être générés.
Nous nous sommes rendus dans l’une des stations de lavage de la province de Kayanza. Près des lits de séchage, des piles de peaux de café étaient visibles. Nous avons voulu en savoir plus sur leur finalité. « Parfois, des agriculteurs viennent les demander pour fertiliser leurs champs, sinon elles restent là », nous a expliqué un employé de la station.
Une ressource méconnue
Une fois valorisées, les peaux et la pulpe de café sont d’une importance capitale. Parfait Nitunga est Dr en sciences et technologies alimentaires, avec expertise sur les produits alimentaires d’origine tropicale. Dans une interview qu’il a accordée à Ilaria Beretta, coauteur de cet article, il a regretté que parfois, la pulpe est simplement jetée. Ce qui est dommage, car elle contient des nutriments importants comme le potassium, l’azote et le phosphore qui, une fois étalés sur le sol, se décomposent et deviennent du fertilisant.
Selon cet expert, les peaux de café et les résidus de la machine dépulpeuse peuvent être transformées en fertilisants organiques comme le Bokashi et le biochar, qui est un matériau riche en carbone qui peut aider à améliorer la fertilité du sol, augmenter la capacité de rétention de l’eau et réduire l’acidité. « De plus, le biochar a la capacité de retenir le carbone dans le sol pendant de longues périodes, réduisant ainsi la quantité de dioxyde de carbone libérée dans l’atmosphère et contribuant à la lutte contre le changement climatique », explique-t-il.
Et Dr Nitunga d’ajouter, « Le biochar est une substance connue depuis des siècles, mais reconnue récemment pour ses avantages environnementaux et agricoles. Il serait utile pour les petits producteurs organisés en coopératives car, en utilisant une quantité raisonnable, il y a toujours une augmentation de la productivité, même sans l’association des fertilisants chimiques ».
Emilienne Manirambona est membre de la coopérative Twaranyuzwe de Kayanza, une coopérative qui possède aussi une station de lavage. Elle nous raconte comment les peaux de café et la pulpe sont valorisés à cette station de lavage. Cette coopérative a aménagé des fosses où la pulpe et les peaux de café sont collectés. Pour rentabiliser ces déchets, cette coopérative a réalisé des projets agricoles où les peaux de café sont généralement utilisées pour fertiliser les plantes qu’ils cultivent. « Par exemple, nous nous apprêtons à récolter les haricots que nous avons cultivés grâce à la pulpe issue du traitement des cerises de café. Et nous faisons cela pour que cette pulpe et les résidus de traitement du café ne deviennent pas des déchets, mais soit réutilisés dans l’agriculture », dit-elle.
Des initiatives de valorisation des déchets provenant du café commencent à voir le jour au Burundi. On citerait entre autres celles qui utilisent les peaux de café comme alternative au bois de chauffage. Une innovation qui vise à ralentir la déforestation et à préserver l’environnement au Burundi.
L’eau des stations de lavage
Après avoir été dépulpées, les graines de café restent recouvertes de mucilage et fermentent pendant une nuit dans un grand tonneau. La fermentation facilite la séparation du mucilage et enrichit les graines en substances nutritives. Le lendemain, le tonneau est rempli d’eau et les graines sont mélangées pour favoriser la séparation du mucilage. Ce processus se répète plusieurs fois, rendant l’eau utilisée pour laver le café très sale.
Comme l’explique Dr Nitunga, cette eau contient des parties solides provenant des cerises, telles que la pulpe, la peau et le mucilage. « Ces substances contiennent encore des sucres, des protéines et des graisses qui peuvent contaminer les eaux souterraines. Les sucres, en particulier, peuvent fermenter dans l’eau et produire des acides. Ce qui peut contaminer les eaux souterraines locales », précise-t-il.
À la station de lavage gérée par la coopérative Twaranyuzwe de Kayanza, Manirambona décrit comment ils gèrent l’eau utilisée dans le lavage du café. « Nous avons creusé plusieurs trous en aval, formant une cascade de purification : dans le premier trou, nous mettons des résidus végétaux et du charbon. Ce qui permet à l’eau de se purifier progressivement. Plus bas, un trou plus grand, que nous appelons « puits » recueille l’eau purifiée », fait-elle savoir.
La gestion de l’eau varie selon les stations de lavage. Dans une autre station où nous nous sommes rendus, l’eau est canalisée vers des cuves en béton, où elle est traitée successivement avec du charbon. Après ce traitement, l’eau est déversée dans la nature autour de la station.
Pourtant, cette eau pouvait servir à autre chose
Selon Dr Nitunga, les eaux usées issues du traitement du café sont très nocives pour la santé humaine et l’environnement. Il est crucial de les traiter soigneusement avant de les rejeter dans la nature. La purification peut se faire de manière biologique ou chimique.
Comme il l’explique, la purification biologique consiste à planter des végétaux capables de purifier le sol. Autour de la station de lavage, on pourrait cultiver des plantes qui, avec le temps, aideraient à purifier l’eau. Cependant, cette méthode est à long terme.
La méthode la plus immédiate consiste à récupérer l’eau dans des réservoirs et à utiliser des produits chimiques pour la purifier. « L’objectif principal est donc de traiter cette eau avant de la rejeter dans la nature, par le processus de transformation de l’azote en nitrates. Ces substances pourraient être utilisées en agriculture. Le nitrate est un fertilisant couramment utilisé. Cela permettrait de transformer cette eau en un produit utile pour des fins agricoles. Toutefois, cette phase est très délicate et devrait être réalisée par des professionnels ayant des compétences en transformation chimique des déchets », suggère-t-il.
Dr Nitunga ajoute que cette solution ne devrait pas être proposée aux villages ou aux coopératives qui gèrent les stations de lavage, mais plutôt à l’État. Pour lui, cela permettrait d’évaluer la possibilité d’utiliser les substances présentes dans cette eau pour créer une circularité en réinjectant cette eau dans le processus de transformation, de culture ou pour une autre utilisation secondaire.
Cet article a été réalisé grâce à Journalismfund Europe par Florence Inyabuntu et Ilaria Beretta, avec le soutien du Dr Parfait Nitunga.