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Les hydrocarbures, une menace pour le lac Tanganyika

Des garages formels et informels sont établis dans différents quartiers de la municipalité de Bujumbura. On y trouve aussi des stations-services avec des services de vidange et graissage. Des huiles et graisses issues des activités de nettoyage et de réparation des véhicules s’y accumulent. Une fois que la pluie tombe, ces derniers passent par les caniveaux les plus proches et se déversent directement dans les affluents du lac Tanganyika, notamment Ntahangwa, Nyabagere, Muha,…. Cela met en crise la vie aquatique. 

Garage informel à la 16è avenue du quartier Buyenzi où les hydrocarbures transitent par les caniveaux

Deux stations-services, à savoir : Mogas et Kobil construites sur les deux extrémités de la 8ème avenue du quartier Bwiza déversent les eaux usées émanant du lavage des véhicules dans le caniveau passant par le bout de la 3ème et de la 2ème avenue du quartier Buyenzi. Le long de ce caniveau sont érigés des garages informels. Les huiles et les graisses issues de l’entretien et de la réparation de ces véhicules se déversent sur les avenues. Ce sont des huiles automobiles dangereuses pour la santé de l’écosystème aquatique. Elles transitent par les caniveaux sous forme d’eaux usées colorées en noir issues du lavage automobile mélangées aux eaux ménagères pour se jeter dans la rivière Ntahangwa, affluent du lac Tanganyika. Des garages automobiles informels sont observés sur diverses avenues du quartier Buyenzi dont la 16ème.

Le déversement des hydrocarbures issus des stations-services dans les caniveaux est aussi constaté à la station Kigobe City Oil située au boulevard du 28 novembre en face du campus Kamenge, à la station SODIKA située à proximité de l’Ecole Normale Supérieure au quartier Kigobe et à la station Kobil de la gare du Nord. La pollution par les hydrocarbures issue de la réparation des motos et de l’entretien des véhicules est aussi observée à la RN1 à la première avenue du quartier Gituro et à la rivière Nyabagere le long de cette même route nationale dans la zone Kamenge. La dernière destination de ces huiles et graisses c’est toujours le lac Tanganyika. Une fois déversées dans le lac, les êtres vivants qui le peuplent sont affectés par la présence de ces hydrocarbures. Par conséquent, la vie de la population aquatique est menacée et certains en font les frais.

Un aménagement des stations-services limitatif du danger

Le problème de récupération des huiles usagées se pose toujours. En général, les seules eaux usées que génère une station-service sont les eaux de pluie, éventuellement contaminées par des hydrocarbures. Selon le quotidien «Réflexion», l’eau de pluie contaminée, notamment celle provenant des zones proches des pompes ou du site de déchargement des carburants sera dirigée vers un séparateur d’hydrocarbures. Ce dernier doit être équipé d’un système de sécurité permettant son blocage si les quantités d’hydrocarbures dépassent se capacité de traitement. L’eau traitée doit encore passer par un filtre à coalescence avant d’être évacuée. Ces huiles ont un impact néfaste sur l’environnement (un litre de lubrifiant peut couvrir 1.000 m² d’étendue d’eau visible à l’œil nu), selon le même journal. Le rejet des eaux usées dans les canalisations ou directement dans la nature, de produits polluants et toxiques tels que les lubrifiants, les graisses, etc. a un impact négatif sur l’environnement. Dans ce contexte, toutes les stations de lavage et tous les opérateurs générant des huiles usagées doivent être équipés de réservoirs de récupération. Toutefois, les stations de lavage et de vidange possèdent toujours des stocks d’huiles usagées dans des fûts ou dans des fosses de récupération. Ils sont souvent récupérés par des particuliers qui les versent dans les cours intérieures de leurs habitations pour modifier la poussière. Par conséquent, quand la pluie tombe, ces huiles sont emportées par les eaux de ruissellement. A ce moment, ces eaux empruntent les caniveaux aménagés dans ces quartiers pour se jeter dans les cours d’eau.

Impact de la faible dissolution des hydrocarbures

L’étude de la pollution marine par les hydrocarbures effectuée par Houssem Chalghmi démontre que la solubilité des hydrocarbures dans l’eau est très faible. Selon cette étude, la libération des hydrocarbures en milieu marin a des conséquences graves sur le plan écologique. « Les hydrocarbures déversés en mer, peuvent influencer l’équilibre écologique et parfois entraîner la destruction de l’écosystème. Ceci se traduit par des plages souillées, des oiseaux englués et des faunes et flores aquatiques en danger. La contamination par ces composés pourrait être immédiate ou à long terme », lit-on dans cette étude.

Pollution de la rivière Ntahangwa par les huiles et graisses issues des garages et stations-services

Impact sur la faune et la flore

Les produits pétroliers rejetés dans le milieu marin ont des répercussions énormes sur la faune et la flore marines. Dans cette étude, M. Chalghmi montre que le colmatage de la surface par les nappes peut entraîner l’absence d’échanges gazeux à l’interface. Le pétrole peut également se « dissoudre » sous forme de gouttelettes dans la masse d’eau voire sédimenter sous forme de fractions vieillies et ainsi atteindre les organismes pélagiques et benthiques. La contamination est généralement mécanique (alourdissement du corps, trouble des mouvements, trouble de respiration). Ce qui cause dans la majorité des cas une mortalité immédiate. Il explique que certaines espèces éprouvent des changements de comportements ou des problèmes de santé à court terme, tandis que d’autres éprouvent des effets toxiques instantanés et aigus parfois mortels.

« En milieu marin, tous les niveaux trophiques sont vulnérables à la contamination par les hydrocarbures en commençant par les planctons jusqu’au mammifères marins. Les mollusques et les crustacés de mer (huîtres, moules, crevettes, crabes) sont plus susceptibles d’accumuler les hydrocarbures à cause de leur mode de vie. Ils ont une aptitude naturelle à bio-accumuler des contaminants même si leur concentration est faible dans le milieu pollué ou si leur source est éliminée », poursuit la même étude. Elle montre que les crustacés qui se nourrissent de détritus ou de particules en suspension seront affectés par la perturbation de leur taux de reproduction (réduction du taux d’éclosion) ou leurs habitudes alimentaires. Par contre, les huîtres accumulent moins d’hydrocarbures que les moules, car elles sont capables de s’enfermer pendant des périodes assez longues une fois soumises à l’agression d’un agent chimique toxique. Les moules, par contre, ne peuvent pas empêcher les polluants de pénétrer.

Pour relever ces défis liés aux hydrocarbures, la sensibilisation des acteurs à tous les niveaux doit être renforcée. Il s’agit des opérateurs dans le domaine des stations-services, des garages ainsi que l’administration environnementale et le public.

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