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Les métiers ont-ils un «sexe»?

Les femmes se lancent à la conquête des métiers jadis considérés comme la chasse-gardée des hommes. Elles réussissent à briser le plafond de verre pour embrasser les métiers pas typiquement féminins. C’est le cas de Vénantie Ntakarutimana, une jeune fille de la province de Rutana qui s’est lancée dans la menuiserie depuis peu. Elle est plutôt sur la bonne voie et ambitionne déjà se doter d’un atelier de menuiserie

En marge de la célébration de journée internationale dédiée à la femme (le 8 mars de chaque année), le Réseau des Institutions des Microfinances (RIM) a mené une reflexion sur l’accès au financement pour les femmes du monde rural. Celles qui ont réussi à initier des activités génératrices de revenus ont eu l’occasion d’échanger leurs expériences.

Les temps sont révolus. Actuellement, les femmes prestent dans des secteurs variés notamment le transport, la maçonnerie ou encore la menuiserie qui étaient dans le temps typiquement masculins. (Photo tirée de l’internet)

Lors de la séance, une jeune fille de 24 ans a attiré l’attention de l’audience. Il s’agit de Mlle Venantie Ntakarutimana, originaire de la colline Makamba, commune Mpinga-Kayove en province de Rutana. Elle est menuisière depuis deux ans. Burundi Eco revient sur son étrange parcours jusqu’à l’autonomisation financière. 

Une fille déterminée plus que jamais

Vénantie Ntakarutimana est membre d’une famille de huit enfants. Elle a réalisé que ses parents parvenaient à peine à couvrir les besoins alimentaires de la famille. Ceci parce qu’ils n’avaient pas la force de cultiver. Et six de leurs enfants avaient déjà changé leur état matrimonial. Elle devrait à tout prix chercher une solution durable à cette situation désastreuse. 

Heureusement pour elle, l’Ong Cordaid s’est installée dans sa localité avec un projet sur l’éducation financière, notamment le système de microcrédit à traves l’épargne. Mlle Ntakarutimana a intégré sans tarder les groupes de caution solidaire. Elle n’avait pas une seconde à perdre car elle devait voler au secours de ses parents. Elle contribuait comme les autres membres de la tontine communautaire. 

Comment s’est-elle lancée dans la menuiserie ? 

En plus de la formation sur la gestion financière, Cordaid organisait des modules sur les divers métiers. Cela dans le but de diversifier les sources de revenus pour les familles démunies. Pendant les séances de formation la majorité des femmes avaient choisi le métier de couturier. Cependant, Ntakarutimana fait la différence et suit des modules sur la menuiserie, un secteur exclusivement réservé aux hommes. Elle a bénéficié d’une formation de trois mois sur les astuces et les fondamentaux du métier.  «J’ai appris le travail du bois. Les formateurs faisaient des démonstrations sur la façon dont on rassemble les différentes pièces en bois jusqu’au vernissage et au polissage», raconte-t-elle. 

Les débuts ne sont pas du tout faciles

Les séances de formation de la jeune fille alimentent les débats dans le voisinage. L’initiation aux bases du métier lui a valu une casquette de déviant social. Les gens la prenaient pour folle, d’autres n’hésitaient l’injurier ou de lui envoyaient des messages déplaces. « Cette fille n’est pas disciplinée. Elle fait la honte pour ses parents qui l’ont éduquée, se remémore-t-elle. Même son père était du côté de ceux considéraient la menuiserie comme un métier des hommes. En me voyant en salopette, les passants me disaient que j’ai perdu la tête. Une fille digne de son nom ne peut pas porter une tenue des hommes, déplore-t-elle. 

A l’issue de la formation, elle a reçu un kit pour démarrer ses activités. Elle a donc rejoint la coopérative «Twiyungunganye». Un menuisier de son voisinage l’a accueillie et entrainée. Pourtant, elle était avertie à l’avance que le métier est fastidieux et demande énormément d’énergie. « Malgré ma santé fragile, j’étais déterminée à aller jusqu’au bout », raconte-t-elle. 

« Aux âmes bien nées, la gloire n’attend point le nombre d’années » 

Cette jeune fille est une star dans son village à cause de ses réalisations. Elle est désormais à mesure de fabriquer des chaises, des portes, des contre-fauteuils, … qu’elle vend. Mon père n’appréciait pas que j’exerce le métier « des hommes » jusqu’à ce que je rentre avec des provisions et un pagne pour ma mère, raconte-t-elle tout en souriant. « Euh, ma fille commence à être disciplinée », dit-t-il. Et tout le monde y compris ceux qui se moquaient d’elle affluent pour contempler ses œuvres et l’envient. Le premier marché qu’elle a gagné un marché a été couronné de succès. Il consistait à fabriquer le mobilier d’un jeune homme qui voulait se marier. Elle a donc produit un travail de qualité dans un délai raisonnable. Ce qui fait la différence avec les hommes qui ne respectent pas souvent les délais. C’est ainsi qu’elle a gagné la notoriété et la confiance de la clientèle

Ntakarutimana a besoin d’un appui financier

Dans l’exercice de son métier fait face à beaucoup de contraintes, tout n’est pas rose. Elle a du mal à exécuter de grosses commandes faute de moyens. Elle doit attendre que les clients honorent leurs commandes pour s’approvisionner en planches ou d’autres matériaux tels que la colle, les clous, le vernis, etc. Elle demande l’appui des institutions financières pour accéder au crédit afin de planifier ses activités sur le long terme. D’ailleurs, elle espère que d’ici 5 ans elle aura gagner assez d’argent pour créer son propre atelier. Entretemps, d’autres filles viennent chez elle pour se familiariser avec le métier de menuisier. Elle interpelle les partenaires à délocaliser ce genre de projets vers les autres régions du pays pour promouvoir les droits de la femme. 

Pour le moment, l’entourage l’admire et l’apprécie comme modèle pour les autres filles ou femmes. Le métier fait vivre sa famille et est plein d’opportunités pour elle. Elle fait travailler des ouvriers agricoles dans les exploitations familiales qu’elle rémunère. Pour elle, il n’y a pas de métiers pour les hommes. Les femmes doivent exploiter leurs talents dans n’importe quel secteur le secteur d’activités.  

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