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Les monuments historiques, une opportunité inexploitée ?

Les monuments historiques peuvent constituer une bonne opportunité pour le secteur touristique d’un pays. S’ils sont bien aménagés, ils deviennent un véritable attrait pour les touristes, contribuant par la même occasion à l’augmentation des recettes dans ce domaine.

Le 18 avril de chaque année est une journée internationale dédiée aux monuments historiques. C’est une occasion privilégiée de se demander si les monuments historiques sont bien exploités. Combien sont-ils ? Sont-ils bien aménagés ? Engrangent-ils assez de recettes  pour le pays ? Burundi Eco est parti à la rencontre des intervenants de ce secteur.

Ambassadeur Salvator Ntahomenyereye, Directeur du Marketing et Communication à l’ONT : « Pour attirer plus de touristes, il faut que les monuments offrent des conditions de jouissance optimales »

Plus d’une centaine de sites touristiques répertoriés.

D’après le travail d’inventaire réalisé par l’administration locale dans les 17 provinces du Burundi, 127 sites touristiques ont été identifiés. Toutefois, après analyse et évaluation, seuls 100 sites touristiques qui présentaient des attraits touristiques remarquables avec des possibilités d’accès et une certaine singularité par rapport à d’autres ont été pris en compte et ont fait l’objet de description et de création des fiches d’identification y relatives.

Quid des monuments historiques ?

Les monuments historiques sont classés dans la catégorie des biens culturels matériels. Ces derniers sont au nombre de 60. Parmi les monuments historiques que le pays compte, on peut citer le mausolée du Prince Louis Rwagasore,  celui du héros de la démocratie Melchior Ndadaye, le monument de l’Unité Nationale, la Place de l’Indépendance, la Place de la Révolution, le Campus Kiriri (l’ancien collège inter racial)….la liste n’est pas exhaustive . Ces sites historiques servent de fil conducteur qui transmet l’histoire d’un peuple de génération en génération. D’une importance capitale pour l’identité d’une nation, ils doivent être spécialement protégés. Les sites touristiques du Burundi puisent également leur richesse dans le patrimoine culturel et historique du pays.

Les monuments historiques les plus visités

Selon l’Ambassadeur Salvator Ntahomenyereye, le Directeur du Marketing et Communication à l’Office National du Tourisme (ONT), les sites historiques les plus visités sont entre autres la source du Nil, la pierre Livingstone-Stanley, le site Burton et Speke à Nyanza-Lac, la place de l’indépendance, le monument de l’Unité Nationale, etc.  Mais en dehors de ces monuments les plus visités, le pays possède plusieurs autres sites historiques (répertoriés ou non) qui racontent bien son histoire.

La mise en  valeur des monuments n’est pas à un niveau satisfaisant

Si ces sites étaient bien aménagés, ils pourraient contribuer à l’augmentation des recettes dans le  domaine touristique. Visiter un site touristique c’est une chose. Etre à l’aise quand on le visite en est une autre. Je ne saurais vous dire s’il y a des touristes qui viennent spécifiquement pour visiter les monuments historiques. Certes les monuments qui viennent d’être cités intéressent les touristes. Ceux qui viennent les visiter payent effectivement, indique M. Ntahomenyereye.

Quelques soucis à se faire

Ir. Edouard Bagumako, vice-président de la HTB : « Il n’y a aucun site qui est aménagé dans des conditions satisfaisantes »

Ir. Edouard Bagumako, vice-président de la chambre sectorielle de l’Hôtellerie et Tourisme du Burundi (HTB) à  la CFCIB apporte quelques nuances. Selon lui, il n’y a aucun site qui est aménagé dans des conditions satisfaisantes. Heureusement que les touristes payent pour un circuit préétabli et constitué de plusieurs sites à visiter. S’ils savaient qu’on leur fait payer pour la visite du monument de la Place de l’Indépendance (où rien n’est prévu), ils hésiteraient peut-être. Un autre problème s’observe dans le secteur touristique. Certains produits sont vendus comme des produits de l’environnement et non pas comme des produits touristiques à cause de leur aménagement sommaire.

Comment améliorer la fréquentation des sites touristiques ?

Pour attirer plus de touristes, il faut que les monuments offrent des conditions de jouissance optimales. Il faut aussi des infrastructures pour mettre à l’aise le touriste. Ce dernier doit pouvoir boire, manger ou se reposer quand il en a envie. Mais avant cela, un monument a une histoire. Il faut quelqu’un pour faire vivre avec la parole l’histoire du monument. Ce n’est pas encore le cas pour tous nos sites, mais on s’achemine vers là,  précise M. Ntahomenyereye.

L’aménagement des sites, une nécessité

Dans leur travail  intitulé « Identification et délimitation des sites touristiques du Burundi » réalisé en décembre 2O14, Dr Emile Mworoha et Ir Edouard Bagumako indiquent qu’au-delà de l’inventaire  des sites touristiques, il convient de s’atteler à l’aménagement et à la mise en valeur de certains sites touristiques.

Les deux experts tirent ces conclusions parce que,  selon eux, si le domaine touristique paraît peu développé au Burundi en comparaison avec les pays voisins, notamment le Kenya, la Tanzanie et même le Rwanda, le pays dispose des atouts non négligeables. On peut citer, en dehors des monuments historiques, les lacs qui représentent des potentialités d’aménagement touristiques importants avec le lac Tanganyika et les lacs du nord du pays, les parcs nationaux et les réserves naturelles ainsi que d’autres sites historiques importants.

La gestion efficiente des sites, une condition

Avant de bien aménager un site touristique, il faut d’abord définir le nombre optimal de touristes que nécessite sa bonne conservation. Car, s’il y a surnombre, cela dégrade le site. C’est également important en termes de jouissance. M. Bagumako relève aussi une contradiction. L’Office Burundais de Protection de l’Environnement (OBPE) est en même temps protecteur et vendeur des sites et monuments touristiques. Selon lui, il y a là une incompatibilité. Il faut que celui qui protège ne soit pas celui qui vend, pense-t-il. Il trouve en outre que le secteur privé devrait être plus associé à la gestion des sites touristiques.  Le fonctionnaire qui va en mission a-t-il cette préoccupation du privé qui peut bien défendre son produit, se demande le vice-président de la HTB.

Quelques avancées malgré tout

En plus des atouts touristiques que possède le pays, quelques initiatives louables ont été entreprises pour redynamiser le secteur touristique considéré comme l’un des piliers de l’économie. Depuis 2011 déjà, le Burundi s’est doté d’une stratégie nationale de développement durable du tourisme (SNDDT). C’est un outil important. En 2013, un plan d’action pour la mise en œuvre de cette stratégie avait déjà  été adopté. On avait commencé à développer des projets durables dans le cadre de ce plan d’action prioritaire s’étendant sur 3 ans. Mais la crise de 2015 est venue tout chambouler.  Le pays a le mérite d’avoir une politique bien claire de développement du secteur touristique. Il ne lui manque que les moyens pour mettre en œuvre ses ambitions. Peut-être qu’avec la mise en œuvre de cette stratégie, les monuments historiques connaîtront une nouvelle vie et ainsi contribueront efficacement à la relance du secteur touristique burundais qui ne vit pas ses meilleurs jours.

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