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Les prix de la viande s’envolent

La plupart des bœufs consommés au Burundi sont importés des pays limitrophes, en l’occurrence la Tanzanie. En revanche, le taux de change actuel ne favorise pas les importations. D'où la flambée des prix de la viande sur le marché

Les prix de la viande repartent à la hausse. A l’origine de cette hausse, une baisse sensible des importations de vache en provenance de la Tanzanie. Cette situation est imputable à la dépréciation de la monnaie burundaise par rapport au shilling tanzanien. Les bouchers et les vendeurs de vache prédisent une flambée des prix pendant la période de fin d’année.  D’autres raisons sont à découvrir dans cet article qui dévoile les réalités cachées du commerce de la viande.  Décryptage

Tous les matins, les bicyclettes, les motos, les voitures se relaient à l’abattoir de Bujumbura pour s’approvisionner en viande. Pourtant, la plupart des citadins ignorent la provenance de la viande qu’ils trouvent sur leurs assiettes dans les restaurants, dans les bars -les brochettes ou d’autres recettes chez eux. Les produits carnés attirent toute convoitise. Ces derniers jours, consommer de la viande n’est pas un luxe que peut se permettre un citoyen lambda. Pour cause, le prix de la viande ne cesse d’augmenter sur le marché. Dimanche le 24 novembre 2019 vers 16 h, le reporter de Burundi ECO s’est rendu au marché dit COTEBU pour échanger avec les bouchers sur les causes de la hausse des prix de la viande.

Le transport des vaches est assuré par les camions qui ne sont pas destinés à cette fin

Le taux de change dicte le rythme des importations

Le prix de la viande reste très volatile, affirment les bouchers du marché COTEBU. Ce jour-là le kg de viande steaks (Umusoso) coutait 10000 FBu. Et celui de la viande mixte (changachaga) varie entre 7000 FBu et 8000 FBu. En l’espace de deux mois, le prix d’un kg de viande est passé de 8 000 FBU à 10 000 FBu, s’indigne Jean Bosco Hakizimana, boucher au marché COTEBU. Il attribue cette augmentation à la dépréciation du BIF par rapport au shilling ? Notre interlocuteur s’inquiète car les clients viennent à compte-goutte. Les consommateurs ont été obligés de rationner les quantités sous contrainte du budget. Malgré l’utilisation des chambres froides, la perte se profile à l’horizon. L’accumulation des invendus risque de porter un coup dur à son métier. Pendant les fêtes de fin d’année, les prix pourraient grimper jusqu’à 15 000 FBu le kilo.

Pour en savoir plus, nous avons approché un importateur des vaches qui confirme les propos du boucher. Le taux de change actuel ne favorise pas l’importation à partir de la Tanzanie. Le shilling a plus de valeur que le BIF. Auparavant, il y a deux ans, le Franc Burundi avait plus de valeur que le shilling. On pouvait importer facilement dans les pays de la sous-région. Ce qui n’est plus malheureusement le cas actuellement, révèle notre source. En conséquence, nous avons réduit de façon considérable les importations. Parfois les chauffeurs de camions retournent bredouilles faute de cargaisons. A titre illustratif, quand on débourse 1 million de shilling tanzanien pour acheter un bœuf, c’est-à-dire que le prix de la bête oscille entre 1 200 000 FBu et 1 400 000 FBu. Dans ces conditions, il est difficile de dégager des bénéfices. Les coûts de transport et les barrières non tarifaires ajoutent le drame au drame, rapporte notre interlocuteur. La plupart de la viande consommée au Burundi provient de la Tanzanie. Le pays de Nyerere dispose des espaces de pâturages. Ce qui facilite la tâche aux communautés des éleveurs notamment les Masaïs qui ne vivent que de l’élevage.

Surtaxation non officielle du secteur

Le coût de transport en camion varie entre 25 000 et 30 000 FBU par bête. A cela s’ajoutent les frais des personnes qui surveillent les bêtes en cours du voyage. Ceux sont chargés de veiller à l’état des bêtes. Ils travaillent en tandem et la rémunération pour chacun est de 30 000 FBu soit, 60 000 FBU par camion. Les frais de chargement sont fixés à 15 000 FBu par camion. En outre, il y a les tracasseries au niveau des barrières, il faut dépenser au moins 100 000 FBu pour le trajet de Bujumbura à Matana. En somme, la location des camions reviendrait à plus de 700 000 FBu.

Au niveau de marchés, les commerçants de vaches paient également des taxes, soit 3 500 FBu par bête. Là on n’évoque pas la fameuse fiche d’identification de la bête dont le prix vient de passer de 2 500 FBu à 3 000 FBu au niveau de ce marché.

Les prix pour les grossistes en hausse

A l’abattoir, les bouchers et les revendeurs s’y approvisionnent. Pourtant le prix n’est pas uniforme pour les gestionnaires de boucherie et les bouchers.   Le prix est de 6 300 FBu pour les boucheries alors qu’il est de 6 700 FBu pour les bouchers, révèle notre source. Il explique cette différence des prix au système de pesage qui diffère pour les deux types de clients. Les bouchers s’approvisionnent en premier. En plus, pour compenser les erreurs systématiques occasionnées par la pesée des petites quantités, ils bénéficient d’un bonus de quelques kg de viande pour chaque pesée. Ce qui n’est pas le cas pour les boucheries.

Les prix de la viande repartent à la hausse. Un kilo est passé de 8000 FBu à 10000 FBu

Pour lui, le prix de 10 000 FBu est justifié par le fait que la viande perd de la masse après le désossement et le fait de les conserver au frigo occasionnerait également des pertes. Les prix risquent d’augmenter pendant la période de fin d’année. L’offre est inférieure à la demande. Le marché local ne peut pas suppléer les importations de vaches. L’élevage intensif n’est pas une réalité dans notre pays. L’élevage est souvent associé aux activités agricoles. La vente d’une vache est motivée par une nécessite de subvenir aux besoins au niveau de la famille, une infirmité, etc.

Des conditions de transport pénibles

Les vaches effectuent un long voyage de la Tanzanie au marché des vaches près de la frontière. Le convoyage des troupeaux est assuré par des personnes qui jouent à la fois le rôle de berger et d’agent de sécurité. Mais à partir des marchés, les bêtes sont maltraitées durant les trajets. Elles sont chargées dans des camions de marques «Fuso», les cornes suspendues sur la sarvoyade (partie de la carrosserie d’un camion composée par des tiges en fer). Chaque camion transporte une trentaine de vache alors qu’il ne devrait pas dépasser 18 bêtes.

A l’abattoir, les conditions de stabulation ne sont pas idéales et les bêtes souffrent de stress et de maltraitance. Chaque vache est abattue moyennant paiement de 21 500 FBu pour les services de l’abattoir. Les vaches transitent par les marchés de vaches de Mabanda (Makamba), Gatereni (Rutana), Matana (Bururi) et autres.

Le projet d’exportation de la viande tombée à l’eau

Les Chinois ont tenté d’exploiter l’abattoir de Bujumbura comme base arrière pour exporter les vaches mais en vain. L’une des raisons de cet échec est liée surtout à la pénurie des bêtes. Ils exigeaient des bœufs uniquement et ils ne prenaient pas le cinquième quartier ce qui a perturbé le marché. Les investisseurs ont eu des soucis pour acheminer les cargaisons jusqu’à destination. « Leurs produits ont passé plus de six mois dans les containers frigorifiques installées à l’abattoir. Ce qui a enfoncé le clou car ils devraient débourser chaque mois environ 4 millions de FBu pour payer l’électricité. Ils ont laissé tomber le projet », confirment les sources concordantes. Ils se sont tournés vers l’importation des poissons dits Thomson en provenance de la Chine.

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