Les prix du haricot sec sont instables sur le marché. Soit ils montent en flèche, soit ils partent à la baisse. Les commerçants expliquent que ce phénomène est lié à la source d’approvisionnement. Cependant, une lueur d’espoir pointe à l’horizon. Nous sommes à la fin de la saison culturale B. Le haricot est en train de se récolter et celui nouvellement récolté commence à être abondant sur les marché
Le haricot sec est l’aliment de base des Burundais. Principale source de protéines pour la majorité de la population, il est toujours servi dans presque tous les repas. Il est également classé parmi les denrées alimentaires les plus commercialisées sur les marchés du pays. Les consommateurs déplorent que la carence du haricot sec sur le marché influe sur la vie des ménages.
Le haricot est classé parmi les denrées alimentaires les plus commercialisées sur les marchés du pays
« Cela fait deux semaines que le prix du kg de haricot sec que je consomme monte de plus de 1 000 FBu. Dans le ménage, nous consommons 20 kg de haricot par mois. Si le prix du kg de haricot sec augmente de 1 000 FBu, je me sers de 20 000 FBu de plus sur le budget mensuel que j’utilise. Or, le salaire n’est pas majoré en fonction de l’augmentation des prix. Ce qui perturbe l’organisation dans le ménage », fait remarquer Jean Baptiste Niyonzima habitant à Mutakura dans la commune Ntahangwa au Nord de la capitale économique Bujumbura.
Normalement, poursuit-t-il, les 20 000 FBu d’ajout sur le budget mensuel sont utilisés pour le déplacement. « De Mutakura au centre-ville (lieu de travail), je paie 800 FBu pour le déplacement aller-retour. Dans 25 jours que je suis censé aller au travail, je consomme 800 FBu fois 25, soit 20 000 FBu », précise M.Niyonzima.
Charlotte Havyarimana, une étudiante habitant avec sa petite sœur à Kanyosha indique qu’elle a abandonné de consommer le haricot sec. Cela suite à sa cherté. « Je préfère préparer les feuilles de manioc. Au lieu d’acheter 1 kg de haricot sec à 2 500 FBu, j’achète les feuilles de manioc de 500 FBu. Je consomme celles-ci pendant trois jours », témoigne-t-elle.
L’approvisionnement réglemente le prix du haricot sec
« Nous fixons les prix de gros du haricot sec en fonction du prix à l’approvisionnement», indique Pascal Ndikumana, grossiste de haricot à Nyakabiga I à la 11ème avenue.
A notre passage le 13 mai 2020, celui-ci a confirmé que ça fait trois jours que les prix du haricot partent à la baisse. Ce qui ne signifie pas, selon M.Ndikumana, que ces prix ne peuvent pas repartir à la hausse cinq jours après.
Pour lui, 1 kg de haricot sec dit « Kirundo » se vend à 1 800 FBu, celui du haricot sec dit « Kinure » à 2 100 FBu et celui du haricot sec dit « Jaune » à 2 200 FBu. Il informe qu’auparavant le kg de haricot sec dit « Kirundo », se vendait à 2 000 FBu, celui du haricot sec dit «Kinure», se vendait à 2 400 FBu et celui du haricot sec dit « Jaune », se vendait à 2 600 FBu.
M.Ndikumana a l’espoir que le prix du haricot sec va continuer à diminuer car on est dans une période de récolte, à la fin de la saison culturale B. «Dans les provinces Kirundo et Ngozi où nous nous approvisionnons, les prix commencent également à diminuer», confirme-t-il.
E.K.grossiste du haricot sec à Mutakura précise qu’elle vend 1 kg de haricot sec dit « Kirundo » à 2 000 FBu, celui du haricot dit « Kinure » à 2 300 FBu et celui du haricot dit « Jaune » à 2 600 FBu. Elle certifie que l’augmentation du prix du haricot sec serait liée à l’augmentation de ceux-ci au marché d’approvisionnement.
Pourtant, rappelle-t-elle, il est arrivé que nous vendions le kg du haricot sec dit « Kirundo » à 450 FBu et celui du haricot sec dit « Kinure » à 800 FBu.
Pas d’influence des corps armées sur la hausse des prix du haricot sec
Certains commerçants estiment que la pénurie du haricot sec sur le marché serait lié au fait que les corps armés s’en approvisionnent en quantité importante. Ceux-ci s’approvisionnaient à l’extérieur mais, suite aux perturbations causées par la Covid-19, ils estiment que la quantité importée a diminué.
Joint au téléphone ce 13 mai, Pierre Nkurikiye, porte-parole du ministère de la Sécurité Publique et de la Gestion des Catastrophes (MSPGC) déclare que la quantité de haricot consommée par les corps armés ne peut pas influencer les prix.
« Par ailleurs, ces corps armés ne sont pas nombreux si on tient compte de la masse populaire. De plus, ce n’est même pas pour la première fois qu’ils s’approvisionnent sur les marchés locaux. Aussi, ils ont des stocks. A ce que je sache, la quantité de haricot diminue souvent dans cette période», informe-t-il avant de s’inquiéter que parfois les commerçants peuvent créer une pénurie artificielle de ce produit afin de spéculer sur les prix.
Les prix du haricot nouvellement récolté en baisse
Latifa, vendeuse du haricot nouvellement récolté au centre-ville de Bujumbura témoigne que le prix du haricot nouvellement récolté est modique. Celui-ci inonde déjà le marché.
«Il y a de cela deux semaines, le prix par kg du haricot nouvellement récolté était fixé à 4 000 FBu. Aujourd’hui, il est fixé à 2 500 FBu», fait-elle remarquer lors de notre rencontre ce 13 mai.
« Faible productivité du haricot »
Dans un article intitulé « Le haricot : une culture au-delà de la subsistance des familles au Burundi » publié par Appui au Développement Intégral et à la Solidarité sur les Collines (ADISCO), au Burundi, le haricot constitue la base de l’alimentation humaine et tous les ménages le consomment tous les jours sauf s’il n’y en a pas. De ce fait, stipule cet article publié en décembre 2017, le Burundi est classé parmi les plus grands producteurs de haricot au niveau mondial. Le haricot y occupe 179.160 ha, soit 40,6% de la superficie totale exploitée qui était de 441.606 ha pendant la saison culturale 2013B.
La productivité du haricot est très faible et la production est très insignifiante par rapport aux besoins de consommation des ménages.
Si on répartit cette superficie à tous les ménages burundais, on aurait environ 0,11 ha/ménage (11 ares). En termes de volume de production, le haricot occupe la troisième place après la banane et la patate douce.
« La productivité du haricot est très faible et la production est très insignifiante par rapport aux besoins de consommation des ménages », lit-on dans l’article. Selon les normes du Programme Alimentaire Mondial (PAM), un homme normal consomme 300 g de haricot par jour. Un ménage de six personnes devrait consommer 1800 g par jour, soit environ 648 kg par an. En supposant qu’un ménage s’efforce à produire le haricot sur les trois saisons de l’année (A, B, C), ce ménage idéal produirait 255 kg par an.
Avec cette extrapolation, ce ménage connait un déficit de consommation de 393 kg chaque année. Même si le haricot est une culture vivrière par excellence, il est incontestable qu’il constitue aussi une spéculation pour beaucoup de ménages sans autres sources de revenu.
Cet article a été produit dans le cadre du concours « Tuyage » du projet dénommé TUYAGE initié par l’Agence des Etats-Unis d’Amérique pour l’Aide au Développement (USAID) mise en œuvre par l’ONG Search for Common Ground et les médias partenaires.
Histoire du haricot (source ADISCO)
Le haricot est parmi les cultures très anciennes. Sa domestication serait intervenue dans deux centres différents, l’un de l’Amérique centrale au Mexique, l’autre de l’Amérique du Sud au Pérou. Sa première apparition dans les sites archéologiques date de 7000 ans avant Jésus Christ. Le haricot a été introduit en Europe par Christophe Colomb après son premier voyage à Nuevitas au Cuba en 1492. Par après, d’autres explorateurs ont découvert le haricot en divers endroits de l’Amérique du Nord et du Sud.
La diffusion de cette culture à travers toute l’Europe se serait faite par le Vatican. C’est Catherine de Médicis qui l’aurait introduite en France à l’occasion de son mariage avec le roi Henri II en 1533. Dès le XVIème siècle, des navigateurs portugais l’ont introduit en Afrique et en Asie.
Le haricot, facile à cultiver et se multipliant par graine de longue conservation, a connu rapidement un grand succès en Europe où il s’est diversifié en d’innombrables variétés locales, se substituant partiellement ou totalement à d’autres légumineuses anciennes.
Il s’est également bien implanté en Afrique orientale notamment dans la région des Grands Lacs au Kenya, en Tanzanie, en Ouganda, au Rwanda et au Burundi. Là, il y trouvait les conditions écologiques proches de celles des montagnes andines. Cette région est aussi devenue un centre de diversification et le haricot y est encore aujourd’hui un aliment de base de toute la population tant rurale qu’urbaine. Cette plante ne s’est par contre pas imposée en Asie tropicale.
Le haricot est une culture très importante pour l’économie mondiale en général et burundaise en particulier. Son importance imposante se remarque à travers la production et sa place dans l’alimentation humaine et dans le commerce tant local qu’international.
Au niveau mondial, la production du haricot était estimée en 2006 à 28,6 millions de tonnes selon l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO). Entre 1961 et 2006, la production du haricot a doublé, progressant assez rapidement au taux de 1,5% par an. Il faut remarquer que ces chiffres ne prennent pas en compte la production familiale autoconsommée dans les pays pauvres. En 2006, le Burundi était compté parmi les 18 premiers producteurs de haricot au monde.