La mesure du maire de la ville de Bujumbura d’écourter les heures d’ouverture des bistrots doit avoir des retombées sur les activités commerciales, et surtout celles liées à la vente des boissons. Les exploitants des cabarets se lamentent et jugent la situation catastrophique pour leurs activités. Ils doivent désormais ouvrir à 17h et fermer à 21h, soit 4 heures d’activité par jour. Nous sommes descendus sur terrain pour nous rendre compte de la situation qui prévaut dans ce secteur
Nous avons visité l’un de ces cabarets moyens du quartier Nyakabiga. C’est à 21h ni moins ni plus. C’est l’heure de fermeture des bistrots qui sonne. Le patron du cabaret est là ce soir. Il demande à ses serveurs d’arrêter tout service et de dégager le matériel. Deux policiers s’approchent et tout le monde semble agité. Certains n’ont pas encore terminé leur dernière bouteille qu’ils tiennent en main. «C’était l’heure de commencer», murmure un client qui se lève avec sa bouteille contenant encore de la bière. A l’heure de fermeture, il y en a qui trainent à se lever. Le propriétaire n’est pas stable. Il a visiblement peur de s’exposer aux sanctions des autorités. De temps à temps, l’homme jette un coup d’œil sur les policiers. Il semble vouloir chasser lui-même ses clients.
Les cabarets de la ville de Bujumbura doivent désormais ouvrir à 17h et fermer à 21h, soit 4 heures d’activité par jour
Dans quelques minutes, tout le monde est parti et nous profitons du moment pour converser avec le propriétaire. Jimmy Nduwayezu (nom emprunté) est un fonctionnaire ferru de l’entrepreneuriat. Il exploite ce cabaret depuis cinq ans et a cinq travailleurs à son service. Cet entrepreneur s’inquiète de la mesure nouvellement prise par le maire de la ville. « Nous finirons par fermer parce que les heures de travail sont très limitées. Tu vois que je n’ai même pas encore fini de boire cette petite bouteille et c’est déjà l’heure de fermer », explique-t-il. Il dit qu’il sera difficile pour lui de payer le personnel et le loyer étant donné que celui-ci est généralement élevé pour les exploitants de cabarets.
Nous sommes obligés de renvoyer les travailleurs ou de revoir à la baisse leurs salaires. Nduwayezu, un peu fâché, semble ne pas comprendre les tenants et les aboutissants de cette mesure. « Tu t’imagines combien c’est choquant de chasser les clients qui t’amènent de l’argent ? », interroge-t-il. Pourtant, il garde une lueur d’espoir. « Nous avons demandé lors d’une réunion avec le maire de la ville nous a accordé au moins une heure supplémentaire. Le maire nous a recommandé de respecter la mesure d’abord et, peut-être qu’après l’évaluation il reverra sur sa décision », commente-t-il.
A quelques pas de là, Françoise Mukamana ôte du poêle sa dernière brochette qu’elle remet à un client qui attend devant la cuisine. Elle dit que son affaire ne va plus. « Qu’on nous laisse travailler», réagit-elle. Selon cette dame qui a deux jeunes gens à son service, quand il n’y a pas de clients pour les boissons, il n’y en a point pour les vendeurs de brochettes. Elle qualifie la situation de très grave et pense qu’elle risque d’abandonner son business si rien ne change.
Même les bars de gros calibre ont du mal à tenir. L’un des tenanciers de bistrots que nous avons croisés à Rohero II n’a plus d’espoir. « Je suis tenté par l’idée d’arrêter parce que je pense que ce ne sera pas possible de tenir », dit-il pensif. Ce commerçant affirme qu’il avait des clients, mais que cette mesure a annihilé son espoir. Pour lui, quatre sentinelles et beaucoup travailleurs c’est une énorme charge pour le moment. Il envisage renvoyer une partie de son personnel dès la fin du mois.
Quelles conséquences sur le plan socio-économique ?
Lors de sa rencontre avec les exploitants des cabarets dans la Mairie de Bujumbura le 16 décembre dernier, Freddy Mbonimpa a évalué positivement la mise en application de la mesure. Selon lui, quelques cas de récalcitrance se sont faits observer, et les contrevenants à cette mesure ont été sévèrement sanctionnés. Certains commerçants confessent et demandent pardon, d’autres vont plus loin et demandent plutôt plus de liberté dans leur activité. Ils pensent qu’il fallait plutôt laisser les gens travailler 24h/24 comme c’est le cas dans les autres pays de la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC).
Alors que les commerçants exerçant dans ce domaine affirment que travailler dans de telles conditions les conduira à la ruine, le maire de la ville promet des sanctions exemplaires à toute personne qui continuera à résister aux mesures prises par l’autorité. Déjà, les conséquences sont visibles après quelques semaines. Certains bars ont vu leurs activités suspendues pour n’avoir pas obtempéré à l’ordre au moment où que les commerçants décrient une mesure difficile à suivre. Les conséquences s’étendent à d’autres groupes sociaux.
Les revenus diminuent, les travailleurs perdent leurs emplois et les exploitants de cabarets risquent d’abandonner leur business. La mesure va également pénaliser les artistes qui gagnent de l’argent en jouant au karaoké. Leurs activités interrompues,
Ces artistes qui vivent aux dépens des bars seront fortement touchés. Au-delà de l’intérêt personnel des exploitants de ces bars, cette activité contribue pour beaucoup au renflouement des caisses de l’Etat. Même, le secteur du tourisme pourrait être touché selon certaines sources.