La loi sur la stabulation permanente suscite pas mal d’inquiétudes dans les rangs des éleveurs. Ces derniers avancent l’impossibilité de trouver du fourrage à suffisance pour nourrir leurs bêtes. Dans un contexte d’exiguïté des terres arables, la priorité est accordée aux cultures vivrières plutôt qu’aux plantes fourragères, estiment-ils. Certes la stabulation permanente présente plusieurs avantages (réduction des conflits entres les agriculteurs et les éleveurs, l’augmentation de la production laitière, la production fumure organique…) mais l’élevage intensif exige des moyens conséquents.
Benjamin Kuriyo, Directeur de publication
Sur l’ensemble de la chaîne de valeur, les conséquences se font déjà sentir. Les vaches inondent les marchés de bétail. En y regardant de plus près, les communautés pastorales essaient de se débarrasser des bêtes avant qu’il ne soit tard. Les intervenants dans la filière viande prédisent des situations catastrophiques. Ils craignent une chute vertigineuse des prix de la viande à la veille de l’entrée en vigueur de cette loi. Cependant, cette chute ne durera pas longtemps. Il faudra s’attendre de nouveau à une flambée des prix vers la fin de cette année. Les éleveurs auront tendance à vendre leurs bêtes au risque de s’exposer aux amendes administratives. Par conséquent, il y aura de grandes quantités de vaches au niveau des abattoirs. La tendance se dessine déjà à l’abattoir central de Bujumbura, révèle un spécialiste de la filière viande avant d’annoncer l’envolée des cours de la viande vers le mois de janvier 2022. « Le prix de la viande pourra enregistrer des records jamais enregistrés », prévient notre interlocuteur.
A côté de la déstabilisation du marché du bétail, cette politique va réduire drastiquement le nombre de bêtes par ménages. Ainsi, le pays va faire recours à des importations massives dans les pays voisins pour satisfaire la demande et dégager un surplus pour concrétiser le projet d’exportation de la viande vers le Gabon. Le gouvernement ne l’entend pas de cette oreille. Lors de la récente émission publique des portes paroles des différentes institutions publiques, Mme Aimérance Nirera, porte-parole du ministère de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Elevage a esquivé cette question. Elle a fait preuve de prudence dans ses réponses probablement pour ne pas déraper pendant une émission très suivie. Elle s’est focalisée sur ces avantages de cette politique en s’exprimant avec beaucoup de réserves sur le comportement des éleveurs dans la mise en œuvre de cette politique. « Les éleveurs ont eu le temps de se préparer pour mettre en œuvre ce bon projet. La politique de stabulation permanente vise plutôt à promouvoir l’élevage (…). La loi instaurant la stabulation permanente n’empêche pas du tout les éleveurs à exercer leurs activités ». Le ministère encourage les éleveurs à recourir à la stabulation permanente. Pour ce faire, ils doivent rester avec les bêtes dont ils sont capables à entretenir.
Pour ce qui est de l’alimentation du bétail, Mme Nirera donne des gages. Elle annonce la construction imminente d’une entreprise spécialisée dans la fabrication des aliments pour bétail. En attendant la mise en œuvre effective de cette politique, le Burundi pourra s’inspirer du modèle d’élevage en vigueur dans la sous-région, notamment en Tanzanie et en Ouganda pour amortir le choc socio-économique de cette politique.