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Masculinité positive, une arme contre les VBG

Les VBG (violences basées sur le genre) constituent l’une des violences les plus persistantes et les plus dévastatrices au Burundi. Elles demeurent également l’une des moins signalées en raison de l’impunité, du silence, de la stigmatisation et du sentiment de honte qui l’entourent. Le PNUD Burundi sensibilise les hommes pour pouvoir lutter efficacement contre les VBG

Il est indispensable que les hommes soient à l’avant-garde du combat, car les actes de violence à l’égard des femmes et des filles sont généralement perpétrés par les hommes.

    

Dans le cadre des 16 jours d’activisme contre les violences faites aux femmes et aux filles, le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) au Burundi a organisé lundi le 12 décembre 2022 un atelier sur l’approche masculinité positive et son rôle dans l’élimination des violences faites aux femmes et aux filles. 

Caractérisé par une forte présence d’hommes, cet atelier a vu la participation du staff du PNUD et des agences des Nations Unies, des partenaires de mise en œuvre des projets du PNUD, des partenaires prestataires de services, des membres du Réseau des Hommes engagés pour la lutte contre les violences basées sur le genre, des membres du troupe théâtrale Ninde, etc,  

Dans son discours, Mathieu Ciowela, Représentant Résident du PNUD au Burundi a rappelé que la Déclaration des Nations Unies sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes (1993) définit la violence à l’égard des femmes comme «tous actes de violence dirigés contre le sexe féminin, et causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou dans la vie privée». 

Les formes et manifestations de violences à l’égard des femmes sont très diversifiées 

M. Ciowela explique que les nombreuses formes et manifestations de la violence ainsi que la diversité des expériences vécues par les femmes de par le monde révèlent le lien existant entre le patriarcat et les autres relations de domination et de subordination des femmes dans divers contextes. 

Selon lui, les formes et manifestations de violences à l’égard des femmes sont très diversifiées et présentent un large éventail d’agressions : agressions sexuelles, viols, violences conjugales, harcèlement sexuel, harcèlement moral, inceste, mutilations génitales, contrôle de virginité, mariages forcés, exploitation sexuelle, prostitution, privation d’argent, etc. 

Ses conséquences sur la santé physique, sexuelle et mentale des femmes et des filles sont multiples. Elles peuvent être immédiates ou de long terme et incluent la mort. La violence a des effets négatifs sur le bien-être général des femmes et les empêche de participer pleinement à la vie sociale et économique. Les conséquences néfastes de la violence n’affectent pas seulement les femmes, mais également leurs familles, leur communauté et le pays. 

Les coûts de la violence sont très élevés et ont un impact sur les budgets nationaux et, plus globalement, sur le développement. 

Les chiffres en disent long

Une étude réalisée en 2018 par le PNUD et l’AFRABU a révélé les aspects négatifs qui fragilisent les femmes et les filles burundaises. Sur 326 enquêtées, 65,4 % ont révélé que la fille n’a pas la facilité de recevoir l’héritage familial comme son frère. 61,6% affirment que les femmes n’ont pas toujours la facilité d’accès à la parole tandis que 26,6% signalent que les filles n’ont pas la même facilité d’aller à l’école que les garçons. 

63,9% des personnes interrogées ont révélé que dans les relations intimes, les femmes n’osent pas exprimer leur désir sexuel. 51,1% ont révélé que les hommes manifestent le sentiment sexuel, mais que les femmes affichent une méfiance envers ce comportement. Cette divergence de perception fait éclater les violences de l’homme à l’égard de la femme. 

En plus, au Burundi, le langage utilisé pour établir des différences entre les hommes et les femmes dénigre celle-ci. Il s’agit entre autres : « La femme n’as pas droit de parole en public », « la femme est uniquement chargée de travaux domestiques », etc. Toutes ces expressions concourent à démontrer que la fille est une personne qui doit rester à la maison et à la disposition de l’homme. L’accès limité aux ressources est également un problème non négligeable pour les femmes. 

Pierre Claver Seberege, sociologue note néanmoins que des avancées significatives ont été enregistrées depuis 2018. 

La masculinité positive comme moyen de lutte

Pour M. Ciowela, il est important de faire en sorte que les hommes soient mobilisés pour pouvoir lutter contre les VBG. La masculinité positive est une perspective par laquelle l’engagement des hommes et des garçons est utilisé pour soutenir le mouvement qui est plus large pour l’égalité entre les hommes et les femmes et l’autonomisation des femmes. 

 Il est indispensable que les hommes soient à l’avant-garde de ce combat, car les actes de violence à l’égard des femmes et des filles sont généralement perpétrés par les hommes le plus souvent en abus des positions que leur confèrent les normes patriarcales, ainsi que d’autres ressorts comme la domination économique sur les femmes. A travers la masculinité positive, les hommes font partie intégrante de la solution. 

Dans sa présentation, sur «l’approche de la masculinité positive», Pierre Claver Seberege définit d’abord la masculinité comme l’ensemble des caractéristiques attendues d’un homme dans la société. 

Selon ce sociologue, les caractéristiques de la masculinité positive au Burundi sont puisées aussi bien dans la culture burundaise que dans les droits de l’homme. Quant à l’égalité et à l’équité, il a annoncé que l’égalité des genres ne signifie pas que les hommes et les femmes doivent devenir identiques, mais que leurs droits, responsabilités et chances ne dépendront pas du fait d’être né garçon ou fille. Et à l’équité de genre signifie qu’un traitement impartial doit être accordé aux hommes et aux femmes en fonction de leurs besoins respectifs.

Il rappelle que l’homme idéal présente des qualités et des comportements souhaités par la communauté. Il doit être fidèle, confiant, travailleur, respectueux de soi et des autres, valorise le dialogue, aime et traite sa femme et sa famille dans la dignité, etc.

Mathieu Ciowela, Représentant Résident du PNUD au Burundi : « Les conséquences néfastes de la violence n’affectent pas seulement les femmes, mais également leurs familles, leur communauté et le pays ».

 
Des hommes témoignent sur leurs transformations

Grâce aux approches utilisées par International Rescue Comitte (IRC) notamment Engaging Men through Accountable Practices-EMAP (Engagement des hommes à travers les pratiques redevables ainsi qu’aux sensibilisations de l’organisation Care International, les hommes se sont transformés et pratiquent actuellement la masculinité positive et sont des modèles dans leurs communautés. Ils se réjouissent que leurs ménages se sont tirés de la pauvreté. 

C’est le cas de Faustin Ntiranyibagira, originaire de la colline Muremera dans la commune Giheta de la province Gitega. Cet homme qui a grandi en voyant son père violenter sa mère a voulu faire de même après s’être marié.  « Mon père frappait ma mère. Il ne lui donnait jamais de l’argent pour les besoins familiaux. Ma mère se courbait devant lui à chaque fois qu’il rentrait le soir », explique Ntiranyibagira. Et de continuer : « Après mon mariage, j’ai appliqué à la lettre le comportement de mon père. Je pensais que c’était cela les valeurs d’un homme, chef de ménage ». Par après, sa famille s’est retrouvée dans une pauvreté sans nom, révèle-t-il en ajoutant que sa femme est devenue comme vieille suite aux mauvais traitements lui infligés. 

C’est grâce aux sensibilisations sur l’approche de la masculinité positive de Care International que Faustin Ntiranyibagira a changé son comportement. Il a commencé à collaborer avec sa femme en ce qui concerne la vie du ménage. « Actuellement, je n’ai aucune honte à préparer le repas ». Sa femme a par après démarré le petit business notamment la vente des cannes à sucre. Après deux ans, cette famille a acheté son propre vélo et, après 4 ans, elle s’est construite une grande maison en dur. 

Ce n’est pas tout. Faustin Ntiranyibagira a fondé depuis 2008 le Réseau des hommes engagés contre les violences basées sur le genre (ABATANGAMUCO). Ce réseau qui couvre jusqu’à maintenant 64 communes dans 11 provinces a déjà atteint plus de 10 mille ménages sensibilisés, précise M.  Ntiranyibagira. 

Révérien Ndayifukamiye de la commune Buhiga dans la province de Karusi est un autre homme qui pratique la masculinité positive. Cela grâce à l’approche EMAP de l’IRC. 

Cet homme affirme que sa femme subissait des violences de tout genre. « Je recourais à l’adultère. Ma femme n’avait pas accès aux récoltes j’en écoulais d’ailleurs au marché et en fin me livrais à la débauche », fait-il savoir. Révérien Ndayifukamiye informe que grâce à l’approche EMAP, ce comportement a changé. «Pour le moment, nous décidons ensemble avec ma femme en ce qui est de la gestion du ménage», ajoute-t-il tout en rassurant que leur famille vit aisément.

Quid des recommandations ?

Tous les intervenants dans le domaine sont recommandés de préserver l’homme contre les préjugées sociaux, d’amener l’homme à se rendre compte que l’émancipation de la femme ne veut pas dire son indépendance par rapport à l’homme et qu’elle profite aux ménages. Il faut également valoriser l’accessibilité de la femme aux ressources. C’est ce qui détermine leurs capacités réelles d’action dans la renégociation de leurs rôles productifs et reproductifs. Il est également important de lever les barrières socioculturelles défavorables à la femme.

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