La capitale économique connait un déficit de logements décents très important qui continue à s’agrandir et les loyers ne cessent d’exploser. La situation est ainsi au moment où des initiatives engagées pour y remédier tardent à se concrétiser ou ne répondent pas aux attentes des ménages à moyens limités
Trouver une maison d’habitation à louer dans la capitale économique est un parcours de combattant. Une fois trouvée, elle se loue les yeux de la tête. En moins d’une année, les loyers des maisons ne cessent d’augmenter exponentiellement. A titre illustratif est une maison de trois chambres, salon et deux toilettes qui se louaient entre 250 000 et 400 000 FBu à la fin de l’année dernière se loue entre 500 000 et 800 000 FBu selon le quartier et la qualité de la maison. La situation est encore plus préoccupante au moment où des maisons en cours de construction sont mises en location avant leur finition.
Sans respecter les contrats de bail, les locataires sont chassés par les bailleurs ou les loyers sont revus à la hausse sans consentement. Des familles se retrouvent dans la rue désemparées et ne sachant pas à quel saint se vouer. Encore, souvent, ces familles sont chassées en complicité avec l’administration et la police. La dignité et le droit du locataire sont ainsi bafoués.
La situation est encore plus préoccupante au moment où des maisons en cours de construction sont mises en location avant leur finition.
Les causes de cette situation seraient variées
Selon Gaspard Kobako, ancien ministre des Travaux Publics, les causes de cette situation sont multiples. La monnaie burundaise se déprécie du jour au jour (1USD s’achète à 1980,201 FBU au 3 novembre 2021) alors que les revenus restent les mêmes. La vie devenant plus chère, les propriétaires des maisons à louer spéculent comme bon leur semble. Le prix du loyer est fixé selon l’emplacement de la maison (le quartier), mais aussi la qualité de la maison, le coût de sa construction, etc. Tout en soulignant que les matériaux de construction deviennent de plus en plus chers. Ces propriétaires des maisons qui fixent les loyers à tort et à travers auraient en quelque sorte raison de le faire.
Un autre facteur qui est souvent évoqué par les locataires est la présence des Congolais qui viennent occuper les maisons et paient souvent en dollars malgré l’interdiction de payer les loyers en dollars. Même s’ils paieraient en monnaie locale, ils ne reculeraient pas avec leurs dollars en poche. D’autres évoquent la montée des eaux du lac Tanganyika qui a fait que plusieurs habitants du littoral déménagent vers les quartiers éloignés du lac. A cela s’ajoute la croissance galopante de la population urbaine qui constitue aussi un de problème central qui alimente ce déficit se trouve dans l’incapacité de produire assez de logements sociaux pour répondre aux besoins des familles à faible revenu.
Des tentatives de solutions inaccessibles pour beaucoup de ménages
Pour pallier aux problèmes de logement qui prévalent dans la ville de Bujumbura, la société Come and See Burundi Village (CSBU Village) en collaboration avec la Banque de l’Habitat du Burundi (BHB) a lancé un projet de construction de 28 maisons sur le site de Kiyange. Celles-ci sont de trois catégories. Chaque maison coûte 300 millions de FBu pour la première catégorie, 340 millions de FBu pour la deuxième catégorie et 500 millions de FBu pour la troisième catégorie. Aussi, l’Institut National de la Sécurité Sociale (INSS) a construit cinq immeubles à louer pour accueillir au total 60 familles. Là aussi, avec un revenu mensuel moyen d’environ 25 USD par mois selon la Banque Mondiale, peu de Burundais sont capables de s’en procurer.
« Une loi concrète est nécessaire »
Kobako explique que les loyers sont comme les autres prix des denrées alimentaires qui, eux aussi, grimpent du jour au jour. « Ce qui devient rare devient cher, c’est une loi économique », indique-t-il. Toutefois, il signale que cela ne devrait pas rester comme tel. L’Etat comme régulateur doit avoir le dernier mot tout en tenant compte de la demande sur le marché et des droits du consommateur. Il pointe le doigt aussi sur l’Assemblée Nationale qui devrait initier une loi qui protégerait à la fois le bailleur et le locataire en tenant compte de l’apport qualité/prix et du coût de la vie. « Cette loi devra être vulgarisée et promulguée pour que nulle n’en ignore l’existence », dit-il.
« Tout le monde n’est pas éligible à la construction d’une maison à Bujumbura… »
Profitant de cette demande énorme en habitations, des constructions anarchiques ont proliféré dans les quartiers périphériques. Pour remédier à cela, Kobako recommande des politiques qui sont élaborées pour la construction des logements sociaux, des Habitations à Loyers Limités (HLL). Ainsi, on pourra casser les spéculateurs et gagner des espaces. De telles initiatives sont déjà lancées par l’Etat burundais dans la zone Buyenzi et dans la capitale politique Gitega. Mais encore, ces espaces ne sont-ils pas en train d’être occupées? Pour cet ancien ministre des Travaux Publics, il faudrait une planification urbaine pour réussir ce pari.
Aussi, il recommande de mettre en place des politiques pour décourager l’exode rurale. « Tout le monde n’est pas éligible de construire à Bujumbura. Qui dit normes urbanistiques dit normes », ajoute-t-il. Encore plus, il explique que ce n’est pas tout le monde qui devrait vivre dans la ville. Le Burundi devrait avoir le courage de faire retourner à la campagne les gens qui ne sont pas capables de vivre en ville comme l’ont fait d’autres pays voisins comme la Tanzanie et le Rwanda, ajoute-t-il.
L’accès à un logement convenable est un droit fondamental reconnu dans la Déclaration universelle des droits de l’homme…. L’accès à un logement convenable est un volet essentiel de la réduction de la pauvreté étant donné qu’il a pour effet d’améliorer la santé et la qualité de vie de ses occupants, qu’il procure souvent des possibilités de revenus et qu’il constitue un bien d’investissement pour son propriétaire. Ainsi, en attendant ces initiatives de loi qui prendront des années, le droit au logement convenable est loin d’être respectée.