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Muyama, le centre de négoce par excellence

Le chef-lieu de la commune Buyengero est très animé. Il dispose d’un marché moderne, d’un hôpital et bien d’autres infrastructures socio-économiques. Malgré l’impraticabilité de la route, ce centre est en cours de développement. Cependant, les prix des produits de première nécessité affichent une tendance haussière. Reportage.

Le nouveau bureau de la commune Buyengero abrite principalement le département de certification foncière.

 

Durant notre mission de reportage sur le littoral du lac Tanganyika, la commune Buyengero figure sur la liste des lieux à visiter.  Lors de la première journée, la mission a été interrompue par une averse qui a duré plus de deux heures. Les habituées de la région nous déconseillent fortement de nous engager sur la piste après de fortes pluies. Le reportage est reporté la journée suivante. Le lendemain matin, l’équipe de reporters visite le débarcadère et le port commercial de Rumonge pour se rendre compte de la gravité des effets du changement climatique sur l’activité économique, nous y reviendrons.  Hélas, ce matin-là, les pêcheurs observent un congé périodique (fixé en fonction du cycle lunaire). Quelques embarcations ont violé la « trêve » et n’accostent qu’à compte-goutte sur la terre ferme.

Après quelques entretiens avec les pêcheurs, nous nous rendons au port commercial fortement touché par la montée des eaux du lac Tanganyika.  Il aura fallu attendre la directrice du port qui animait une réunion pour départager deux parties d’ouvriers temporaires en conflit.  L’attente a été longue tellement que notre reportage sur Buyengero a été de nouveau reporté. Les prévisions météo prédisaient une forte pluviométrie dans l’après-midi sur la région de l’Imbo.

Le jour j

Le départ initialement fixé mercredi le 20 novembre 2024 à 6h 30 a connu un léger retard de 20 min. Le métier oblige. Nous devrions nous mettre d’accord avec la rédaction centrale sur les reportages à publier dans le numéro de la semaine.  Finalement, l’équipe de reporters s’apprête a rejoindre le chef-lieu de la commune Buyengero.

Mesdames et Messieurs, serrez vos ceintures pour embarquer avec nous dans cette aventure.  Pas d’illusions, nous n’avons d’hélicoptère pour arriver à destination. La moto ou le vélo sont les seuls moyens pratiques pour accéder rapidement au chef-lieu de la zone Muyama. Le motard exige 30 000 FBu non négociable. Après une tentative échouée avec un autre conducteur de moto à côté, le marché est conclu avec le premier prétendant.

Que la randonnée commence! 

Le motard fait le plein sur le marché noir, bien sûr. Un flacon de 1,5 litre d’essence lui coûte 20 000 FBu.  Nous empruntons la route provinciale 401. A moins d’un kilomètre de route, la piste est accessible. Une canalisation non achevée au niveau du quartier Mugomere a coupé la route en deux parties. Il est quasi-impossible de rejoindre l’autre côté même à moto. Toutes les personnes à bord descendent pour traverser le ravin à pied. Le motard a dû bifurquer pour nous rejoindre de l’autre côté du ravin.

Des jeunes dames essaient des tricots au marché de Muyama.

Soudain, le premier incident survient en remontant sur la moto. Le pantalon d’un des reporters se déchire côté arrière. Nous décidons de continuer malgré ce petit désagrément. L’objectif reste la mission, déclara-t-il. Depuis Mugomere (un des quartiers à la périphérie de la ville de Rumonge) en passant par l’endroit dit kuri Lycée (connu pour ses débits de boissons très animés surtout le soir) jusqu’à Mudende, la route est fortement dégradée. Entre monts et vallées, le motard est obligé de faire des manœuvres en se faufilant dangereusement entre les rochers qui retiennent encore la route en terre battue.  Le cœur bat à mille pulsations la minute, au moindre erreur nous risquons de finir au fond des ravins. Nous croisons d’autres motocycles lourdement chargées avec parfois deux à quatre passagers à bord. L’absence de canalisations fragilise fortement la route qui traverse une région montagneuse.  Les flaques d’eau sont observables dans certains endroits. Les cours d’eau passent par la route.  Pour traverser, il faut descendre au risque de glisser ou d’être piégé dans la boue.  Le motard nous confie qu’il s’est renversé à maintes reprises sur cette route de l’impossible.

Bienvenue à la civilisation….

Depuis la localité de Mudende, la route est plus ou moins praticable, les véhicules ont laissé des traces après leur passage. Plus on s’approche de la cible, plus le paysage change.  Les plantations de palmiers à huile cèdent petit à petit place aux cultures vivrières. La structure du sol change aussi. Nous côtoyons des élèves sur le chemin de l’école. Du sommet des montagnes, on peut de loin observer le méga-barrage en construction sur la rivière Murembwe.  Nous retenons notre souffre. Les ravins et les roches ont fragilisée notre système rénal.

Après plus d’une heure de voyage, nous nous approchons du chef-lieu de la commune Buyengero juché au sommet des collines. A la grande surprise, le village est très animé. Compte tenu des difficultés d’accès, personne n’aurait cru que cette commune dispose d’infrastructures socio-économique aussi développés. Il y a entre autres le splendide marché de Muyama, un hôpital privé avec des services d’ophtalmologie et de chirurgie, un centre de santé, un orphelinat et une maison de passage. L’endroit présente les atouts caractéristiques d’un village modernisé. De là, on peut se connecter à internet.  Nous avons tenté de rejoindre avec succès la rédaction via WhatsApp et consulter notre boîte de réception des mails. Le centre est connecté au réseau national d’électricité. Ce qui facilite le développement des petits métiers : salons de coiffure, atelier de soudure et menuiseries, des bars-restaurants, des pharmacies et des boutiques d’intrants agropastoraux. Nous avons visité les bureaux des administratifs de la commune. L’espace est très bien aménagé avec des bureaux des conseillers de l’administrateur, un service d’archivage des documents et celui dédié à la certification foncière.  Pour mieux orienter ceux qui sollicitent les services publics, il y a des signalétiques en langue nationale au-dessus de l’entrée de chaque porte.

Un marché moderne très dynamique

Le marché de Muyama avec son imposante architecture attire grand monde. Les vendeurs et les acheteurs affluent vers ce centre de négoce situé en amont de la Murembwe. Les bouchers, les vendeurs de fruits, de légumes et du poisson sec (ikibambangoma) étalent leurs produits. A l’entrée du marché, les agriculteurs exposent leurs régimes de banane alors que les jeunes dames essaient des habits de seconde main. Les boutiques et les échoppes du rez-de-chaussée et du 1er étage ouvrent progressivement les portes.

Le marché de Muyama avec son imposante architecture attire grand monde. Les vendeurs et les acheteurs affluent vers ce centre de négoce situé en amont de la Murembwe.

Aux alentours du marché, les vendeuses rangent leurs sacs de haricots à détailler en fonction de la demande. A l’intérieur, il y a des articles divers dont des habits, des pagnes, des pantalons, du matériel électronique et des denrées alimentaires. Paradoxalement, le constat est que les prix sont très prohibitifs à l’exception de la viande. Un kilo de bœuf s’arrache à 21 000 FBu au moment où dans les grandes boucheries de la capitale économique le kilo de steak frôle les 40 000 FBu. Une petite nuance quand même, un bouc se négocie à plus de 500 000 FBu. Nous avons été témoin d’un marchandage pour un régime de banane qui a explosé les compteurs ce jour-là. Un agriculteur exige un montant colossal de 80 000 FBu.

Dans l’entretemps, l’atmosphère change. En cette saison pluvieuse, la formation des nuages épais au-dessus de nos têtes est un signe précurseur qu’il va pleuvoir d’une minute à une autre. Après des échanges fructueux avec les commerçants et les apiculteurs, nous écourtons notre séjour pour rentrer à l’hôtel au centre de la ville Rumonge. Le motard nous escorte, mais la pluie nous surprend en pleine route. Nous avons dû nous réfugier dans les locaux de l’Ecofo RUKOMA pendant une demi-heure avant de poursuivre le voyage.  Nous nous engageons sur une piste glissante serpentant à travers des pentes raides.  A moins d’une dizaine de minutes de la ville de Rumonge, la pluie s’intensifie. Le temps de rejoindre les chambres d’hôtels, nous étions tous les trois complètement mouillés. Rappelez-vous, un des collègues portait toujours son pantalon déchiré depuis le matin!  A la prochaine pour découvrir les entretiens inédits avec les apiculteurs chevronnés de la commune Buyengero.

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