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Octroi des exonérations : La prévision se faisait sans études préalables

L’octroi des exonérations laisse des zones d’ombre. La loi budgétaire est violée au vu et au su de tout le monde. Six mois après l’exigence du Chef de l’Etat de mettre en place une commission chargée d’inspecter les procédures d’exonérations, il y a toujours anguille sous roche 

Depuis 2015, la loi budgétaire prévoit 18 milliards de FBu pour les exonérations. Mais elles ont atteint 123,21 milliards de FBu en 2015. Celles accordées en 2016 s’élevaient à 89,9 milliards de FBu. En 2017, elles s’évaluaient à 111 milliards de FBu. Les exonérations accordées au cours de l’année budgétaire 2019-2020 sont évaluées à 191,7 milliards de FBu. Pour l’année budgétaire 2020-2021, les exonérations accordées sont de 224 milliards de FBu. 

En marge de la célébration de la journée nationale du contribuable le 21 décembre 2021, Evariste Ndayishimiye, Chef de l’Etat a instruit au ministère des Finances de mettre en place une commission chargée d’inspecter les procédures d’exonérations, leur utilité, leur rentabilité et leur équité. Le but est de déterminer si les mesures d’exonérations apportent un réel surplus au pays et s’il convient de les maintenir ou de les suspendre.

Sur 18 milliards de FBu prévus, les exonérations accordées au cours de l’année budgetaire 2020-2021 s’élèvent à 224 milliards de FBu.

Des prévisions sans études préalables

Lors de la conférence de presse tenue mardi le 10 mai à Ntare House, le Chef de l’Etat ne s’est pas exprimé sur le rapport demandé à la fin de l’année 2021. Il a plutôt déploré que les prévisions des exonérations se fassent sans études préalables. «Si on demande aux planificateurs sur quel base prévoyaient-ils les 18 milliards de FBu depuis 2015, ils n’auront pas des réponses convaincantes», insiste M. Ndayishimiye.  Selon le Président de la République, actuellement, les planificateurs sont en train d’être renforcés en capacités pour rectifier le tir.  « Depuis 2016, on ne voit pas la plus-value alors qu’un pactole d’argent a été affecté aux exonérations »

Des zones d’ombre dans l’octroi des exonérations

D’une part, la loi portant code des investissements prévoit l’octroi des exonérations par l’Agence de Développement du Burundi (ADB). L’objectif est de promouvoir et de faciliter les investissements au Burundi ainsi que les exportations. 

Lors du forum sur le développement du Burundi tenu en novembre 2021, Libérat Mfumukeko, économiste et ex-secrétaire général de l’East African Community (EAC) a révélé qu’il existe une commission de remise des droits n’incluant ni l’API, ni la Présidence. C’est un mécanisme parallèle qui implique les techniciens du ministère des Finances, du ministère du Commerce, de l’Office Burundais des Recettes (OBR), la Chambre Fédérale de Commerce et d’Industrie du Burundi (CFCIB) et l’Association des Commerçants du Burundi (ACOBU).

Mfumukeko déplore que les exonérations accordées à travers la commission de remise des droits concernent les produits finis ou semi-finis qui sont destinés à la revente, mais qui entrent au pays comme des matières premières. « Cela fausse complètement le jeu de la concurrence ».

Dans le contexte économique actuel caractérisé par une dette publique élevée et un déficit budgétaire qui reste important, on doit maîtriser les exonérations fiscales, a précisé Dr Ephrem Niyongabo lors du forum sur le développement du Burundi.

Ce ne sont pas les seules motivations pour promouvoir les investissements

 « Les incitations fiscales ne sont pas la raison principale pour laquelle les entreprises viennent s’établir dans un pays. Cela étant, elles sont quand même indispensables », a précisé Libérat Mfumukeko.  Il affirme néanmoins que les entreprises qui s’implantent dans un pays font très attention au niveau des impôts. Il ne faut pas trop imposer, mais il faut faire en sorte que l’investisseur puisse payer l’impôt.

Selon Aude Toyi, Administrateur Directeur Général Adjoint de l’Interbank, une étude a été faite au secrétariat de l’EAC pour le Burundi, le Rwanda et la Tanzanie. 489 investisseurs ont été interviewés pour savoir ce qui les a poussées à investir dans ces trois pays. 92% de ces investisseurs ont indiqué qu’ils y auraient investi en l’absence des exonérations.  Seulement 8% y ont investi grâce aux incitations fiscales. Sur le Burundi, 75% ont affirmé qu’ils y auraient quand même investi sans exonérations. 25% y auraient investi grâce aux avantages fiscaux.

Elle explique que d’autres paramètres entrent en jeu en ce qui concerne la promotion des investissements dans un pays. Mme Toyi cite notamment la potentialité du marché, l’accès au financement, l’accès aux crédits, la disponibilité des infrastructures, de l’eau, de l’énergie, etc. Elle précise que l’environnement des affaires doit être favorable pour inciter les investisseurs à venir investir dans le pays. Selon elle, certains bénéficiaires des exonérations font défection suite aux défis liés à l’environnement des affaires 

Libérat Mfumukeko insiste sur le fait que les infrastructures pouvant faciliter l’installation rapide des investisseurs sont parfois indisponibles, difficiles à acquérir et coûteux (terrains, entrepôts, électricité). « En 2010, nous avons été approché par la même entreprise qui a installé la Zone Economique Spéciale au Rwanda, mais on n’a rien fait et on n’a toujours rien », déplore Mfumukeko. Un investisseur comme G. Watt est arrivé à la Regideso en 2013 en nous proposant de construire une centrale solaire. Nous avons refusé. Mais ils ont installé une centrale solaire à Rwamagana au Rwanda la même année. Cela montre notre réactivité face aux investisseurs. Nous tardons beaucoup et ils installent ailleurs.

Une politique de promotion des investissements est nécessaire

Audace Ndayizeye, président de la CFCIB propose une politique de promotion des investissements qui favorise la production pour la consommation locale et pour l’exportation. Selon lui, le code des investissements devrait tenir compte de l’existence de la politique de promotion des investissements. « Il fallait d’abord définir une politique qui tient compte de la substitution des exportations, de l’innovation et de la création d’emplois pour stimuler la croissance économique », explique-t-il. 

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