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L’Onatel, pourra-t-il ressusciter un jour ?

La plupart des sociétés publiques ou à participation publique se trouvent dans une situation économico-financière critique. Leurs résultats sont au rouge. Raison pour laquelle la plupart d’entre elles ne versent pas les dividendes à l’Etat. Les causes profondes de cette situation sont le mauvais management, la vétusté des outils de production, la concurrence, le personnel pléthorique, etc. Le gouvernement demande aux responsables de ces entreprises de se ressaisir pour inverser la tendance.  L’Onatel a entendu cet appel. Elle s’active à y apporter une réponse adéquate   

Après avoir  entendu des critiques alléguant que la plupart des sociétés étatiques et paraétatiques  ont des résultats négatifs jusqu’à ce qu’elles ne s’acquittent par des dividendes de l’Etat, l’Onatel s’active pour  inverser la tendance.  Cela ressort d’une interview que  Privat Kabeba, directeur général  de cette société de télécommunication a accordé au journal  Burundi Eco  mercredi le 5 janvier 2022.

Après avoir présenté l’état des lieux de l’Onatel,  Kabeba indique que le gouvernement a pris en main cette question. Un conseil des ministres a eu lieu ces derniers mois et a statué sur la façon de redresser l’Onatel. Des recommandations ont été formulées.  Et parmi ces dernières, on a demandé à  la primature d’élaborer une feuille de route visant le redressement de cette société. Bientôt, le DG de l’Onatel croit que ce document sera prêt. De plus, on a déjà approché les partenaires pour financer le plan stratégique du gouvernement  sur le volet Onatel.  Il y a des projets comme l’extension du réseau métropolitain à fibre optique à Bujumbura et dans les grandes villes  comme Ngozi et Gitega. Et, progressivement, toutes les villes du pays, y compris les communes seront couvertes pour que toute la population profite des atouts de l’internet.  Il espère que bientôt un mémorandum d’entente entre le gouvernement et les partenaires sera signé pour passer à l’acte dans le redressement de l’Onatel.

Privat Kabeba, directeur général de l’Onatel : « Nous sommes dans la dynamique de redressement de l’Onatel ».

Vers la redynamisation du réseau de téléphonie fixe

De surcroît, Kabeba indique que le réseau de la téléphonie fixe est en train d’être redynamisé. Selon lui, l’Onatel a passé plus de 10 ans sans investir dans ce domaine suite à la politisation des sociétés publiques. Et, par conséquent, certains équipements sont tombés en panne.  Donc, on est à l’œuvre pour moderniser ce réseau. On compte d’abord réparer le réseau existant.  On a déjà fait l’inventaire des pièces de rechange qui manquent  partout où on couvre ce réseau de la telephonie fixe pour le réparer.  Et juste après, Kabeba annonce qu’on va passer au recrutement de nouveaux abonnés à  ce réseau.  Et d’ajouter qu’on espère servir les nouveaux quartiers  en téléphonie fixe, en internet et en data (vidéo).

«Nous voulons aussi que l’Onatel se dote d’une plateforme de transfert d’argent (Mobile money)», précise- t-il.

A l’interne, pas mal d’actions  seront menées pour redresser l’Onatel.  Avec toutes ces actions,  Kabeba espère que l’Onatel  pourra ressusciter un jour.

Le personnel de l’Onatel estimé à 390 unités

Selon Kabeba,  une étude sur la gestion du personnel est prévue pour combattre le défi lié au personnel pléthorique, car cela constitue une grande charge pour la société.  Cela alourdit la masse salariale.  Le personnel  de l’Onatel est passé de plus de 560 à 390 unités de 2017 à nos jours, car certains employés ne cessent d’aller en retraite.  A titre illustratif, 26 sont allés en retraite en 2021. En 2022, 23 vont aussi y aller et 33 en 2023.   D’autres facteurs de cette diminution du personnel sont  les décès et les démissions.  La situation se présente ainsi, car on ne recrute pas depuis cette période dans l’objectif de redresser cette société. Selon lui, on compte privilégier les recrutements ciblés pour  bénéficier d’un personnel techniquement et administrativement qualifié en cas de nécessité, car plus de la moitié du personnel de l’Onatel n’est pas qualifiée.  De plus, au lieu de recruter des veilleurs permanents, on fait recours aux sociétés de gardiennage pour ne pas recruter des contractuels.  On recrute aussi des journaliers qui viennent  pour effectuer une tâche bien précise et on les paie pour cela.

Le personnel de l’Onatel pas régulièrement payé

Kabeba s’inquiète du fait que le personnel de l’Onatel n’est pas actuellement régulièrement payé suite aux revenus très limités de cette société. Il les tranquillise que la situation pourra se décanter dans les jours à venir, car pas mal de stratégies ont été prises pour  payer leurs arriérés. A titre illustratif, on compte procéder à la vente des immobiliers  obsolètes de cette société. On va les vendre aux enchères pour trouver les moyens financiers pouvant contribuer au bon fonctionnement de l’Onatel.  Dans la même optique, on compte faire une étude sur les sociétés dans lesquelles l’Onatel a placé des actions pour  vendre les actions qui ne sont pas rentables et récupérer sa manne. Elle a  par exemple des actions à la BANCOBU, à la BBCI et dans deux sociétés étrangères.   Selon lui, tout cela va contribuer au paiement des arriérés du personnel. «Donc nous sommes dans la dynamique de redressement de l’Onatel », renchérit-il.

L’Onatel surendetté

L’autre grand défi évoqué est  que l’Onatel est très endetté.  A titre d’exemple, il a contracté un crédit de 30 millions USD pour investir dans l’Onamob. Il affirme qu’on est en entrain de tout faire pour payer ces dettes afin que l’Onatel recouvre encore sa crédibilité envers ses partenaires.  De plus, la plupart des sociétés tant publiques que privées ainsi que les ménages  doivent à l’Onatel une dette de plus de 10 milliards de FBu. Et de confier qu’on compte mettre en place une nouvelle stratégie de recouvrement pour éviter le gonflement de la dette.        

En plus de l’Onatel, il s’observe d’autres sociétés publiques ou à participation publique qui enregistrent des résultats négatifs, s’inquiète Evariste Nikwibitanga, chef de bureau chargé des affaires économiques à la Primature mardi le 14 septembre 2021 lors de la présentation de l’analyse de la situation de versement des dividendes à l’Etat par ces sociétés  au cours de l’exercice 2014-2020. A titre illustratif, les rendements des sociétés comme Hôtel Source du Nil, Cogerco, Tanganyika Mining Burundi,  Regideso, Sodeco, etc sont au rouge. Cette situation a fait que ces sociétés ne soient pas parvenues à verser les dividendes à l’Etat.

Les causes communes de ce calvaire

Selon Nikwibitanga, les causes communes   de ce calvaire sont entre autres les problèmes de trésorerie. La gestion n’est pas bonne. La plupart des gestionnaires mettent en avant leurs intérêts personnels.  Ceux de l’Etat sont sacrifiés. D’autres causes évoquées sont la vétusté des outils de production. L’Etat ne paie pas facilement les dettes colossales qu’il doit à ces dernières. Et d’ajouter la non application des décisions et des recommandations des organes sociaux, des commissaires aux comptes et des auditeurs externes, la lourdeur des procédures dans la passation des marchés publics, la rude concurrence à l’égard des sociétés à participation publique, les faibles capacités des sociétés à participation publique à faire face à la concurrence des sociétés privées. De plus, le personnel pléthorique pousse les sociétés publiques vers la faillite. La masse salariale augmente de façon exponentielle. Ce qui permet au personnel de s’accaparer  de presque toute la richesse de ces sociétés.

Selon Charles Ndagijimana, ADG de la Socabu, les causes  des faibles performances enregistrées par les sociétés publiques ou à participation publique sont nombreuses. Il affirme que la plupart des responsables des sociétés publiques ou à participation publique  ne parviennent pas à assurer un bon management. Ils participent souvent à la malversation des trésors des sociétés qu’ils dirigent.

L’anarchie dans le recrutement, un autre grief

De surcroît, on recrute pêle-mêle suite à l’influence du monde extérieur. Ce qui fait qu’il s’observe dans la plupart de ces sociétés des employés qui sont comme des statues car ils n’ont rien à faire. Les activités qui devraient être exécutées par une personne sont attribuées à trois personnes.  Par exemple, il fait remarquer que la Socabu dispose de 170 employés. Néanmoins, il indique qu’il y a une maison d’assurance privée qui dispose de 30 employés, mais qui a le même chiffre d’affaires que la Socabu. Ce qui montre qu’une partie du personnel est payée pour ne rien faire. Selon toujours lui, dans les sociétés privées, le personnel signe des contrats de performances basés sur le résultat. Si tu n’atteins pas ton objectif, tu es remercié. Nonobstant, cela ne se fait pas dans les sociétés publiques. Ce qui fait que le niveau des performances reste faible, poursuit-il.

La pénurie des devises, un défi majeur

Un autre défi non négligeable auquel sont confrontées ces sociétés  est le manque de devises. L’exemple qu’on a soulevé est celui de la Brarudi qui a besoin de beaucoup de devises pour importer les matières premières et payer les dividendes au groupe Heineken.  Selon Ndagijimana, la Brarudi est censée payer les dividendes au groupe Heineken en devises chaque année. Toutefois, suite à la pénurie des devises, la dette envers cet actionnaire principal s’alourdit davantage. Ce cadre de la Socabu s’inquiète du fait que cela fait que la Brarudi ne parvient pas à satisfaire le marché. Un autre défi qui fait que les sociétés publiques n’enregistrent des résultats positifs est que l’Etat ne soutient pas énergiquement les sociétés dans lesquelles il a investi.

De manière générale, les entreprises publiques jouent un rôle fondamental dans une économie, laisse entendre un économiste et professeur d’Université sous couvert d’anonymat.   En plus d’assurer des missions de service public, elles exercent souvent leurs activités dans des secteurs d’importance capitale dont dépend l’ensemble de l’économie. Et ces entreprises publiques sont créées dans des secteurs qui fournissent à la population des services sociaux vitaux nécessitant de gros investissements et où la rentabilité se mesure sur le long terme. Ce sont des domaines dans lesquels les privés ne peuvent pas investir parce qu’ils veulent des profits immédiats. Ce sont notamment l`accessibilité à l`énergie et aux services de communication, la facilitation du commerce et de l`industrie et d`autres.

Est-il alors nécessaire de privatiser les entreprises publiques ?

Selon toujours lui, l`entreprise publique a une mission de service public. Mais elle peut ou plutôt elle doit être rentable au même titre que toute autre entreprise. Face à une situation financière préoccupante de l’entreprise publique, dont les causes ont été identifiées ci-haut, il s’inquiète que  la tendance des pouvoirs publics soit de penser que la solution est la privatisation, car  on croit qu’une entreprise privée est plus performante qu`une entreprise publique. Selon lui, la vérité est qu’une entreprise privée  peut tomber en  faillite si elle n’applique pas les méthodes rigoureuses de gestion. Kabeba abonde dans le même sens. Il argue que la faillite des entreprises publiques et paraétatiques s’observe après la déclaration de la volonté de la privatisation de ces dernières par la Banque Mondiale. Selon lui, cela a plongé l’Onatel dans le calvaire, car on a commencé à ne pas investir dans cette société.  Les revenus ont sensiblement diminué. Pour lui, la privatisation des entreprises publiques n’est pas une bonne stratégie pour leur redressement. Il souligne qu’il y a des entreprises publiques qui ont été privatisées. Pourtant, le résultat escompté n’a pas été atteint.

Notons que concernant les responsables qui ont mal géré les sociétés qu’ils dirigent jusqu’à ce qu’elles tombent en faillite,  Evariste Ndayishimiye, Président de la République du Burundi ne cesse de déclarer que ces dirigeants sont responsables des actes qu’ils ont commis et pas l’Etat.  Néanmoins, la plupart des gens se demandent pourquoi la loi sur l’action récursoire n’est pas mise œuvre de façon effective pour combattre avec énergie cette mauvaise attitude.

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